Le
décret du 6 septembre 2001
Le
ministère de la culture corrige par décret
une loi qui ne lui convient pas !
Les
sociétés dauteurs, dartistes et
de producteurs doivent consacrer à des actions daide
à la création, à la diffusion du spectacle
vivant et à des actions de formation dartistes
25 % des sommes provenant de la rémunération
pour copie privée (redevances sur les cassettes audio,
vidéo et les supports numériques), ainsi que
les sommes non répartissables, sommes non payées
en application de conventions internationales ou dont les
destinataires nont pas pu être identifiés
ou retrouvés (1).
Un
premier décret est venu en novembre 1998 préciser
les modalités d'application de cette disposition
légale. Il vient d'être aboli et remplacé
par un nouveau décret (2) précisant quelles
sont les actions que les SPRD peuvent financer. Ce texte
remplace donc lancien article R. 321-9 du Code de
la Propriété Intellectuelle.
Comme
pour le précédent décret, la Société
Grace a déposé un
recours au Conseil d'Etat afin de lui demander d'annuler
les dispositions du décret du 6 septembre 2001 qu'elle
considère comme illégale.
Laide à la création sentend
donc désormais des concours apportés :
(1) À la création dune uvre,
à son interprétation, à la première
fixation dune uvre ou dune interprétation
sur un phonogramme ou un vidéogramme ;
(2) À des actions de défense, de promotion
et dinformation engagées dans lintérêt
des créateurs et de leurs uvres.
Laide à la diffusion du spectacle vivant mentionnée
à larticle L.321-9 sentend des concours
apportés :
(1) À des manifestations présentant, à
titre principal ou accessoire, un spectacle vivant ;
(2) À des actions propres à assurer la diffusion
des uvres et des prestations artistiques du spectacle
vivant.
Laide à la formation dartistes mentionnée
à larticle L.321-9 sentend des concours
apportés à des actions de formation des auteurs
et des artistes-interprètes.
Le décret exige également que toute aide allouée
par une SPRD fasse lobjet dune convention prévoyant
les conditions dutilisation du concours apporté
ainsi que celles dans lesquelles le bénéficiaire
communique à la société les éléments
permettant de justifier que laide est utilisée
conformément à sa destination. (3)
Un arrêt du Conseil dÉtat du 8 décembre
2000 (4) était en effet venu préciser que
les aides à la création et à la diffusion
ne pouvaient être regardées comme autorisant
lemploi de fonds au soutien dactions, dopérations
ou de manifestations qui nauraient pas directement
pour objet la création duvres.
Suite à cette décision, le ministère
de la culture avait demandé aux Sociétés
concernées de respecter cette décision. Certaines
sociétés telles que lADAMI, directement
mises en cause par cette décision avaient alors demandé
une intervention du législateur.
La direction de la musique, de la danse, du théâtre
et des spectacles du ministère de la culture est
montée au créneau afin de faire taire les
velléités de respect de létat
de droit de la direction de ladministration générale
du même ministère de la culture qui avait "
naïvement " demandé aux SPRD de respecter
cette décision.
Le nouveau décret vient donc rétablir un décret
qui navait dailleurs même pas été
annulé par le Conseil dÉtat, lequel
avait simplement précisé le sens de la loi.
Le conseil dÉtat va à nouveau devoir
se prononcer sur cette question. En effet, le décret
fait lobjet des mêmes attaques que le premier,
attaques renforcées par le fait que le nouveau décret
nous semble clairement contredire la position du Conseil
dÉtat, et que ce nouveau décret ne peut
pourtant pas davantage modifier la loi que le premier.
Le ministère de la culture évite ainsi de
voir le problème publiquement soulevé avant
les présidentielles. En effet, les subventions à
tout un ensemble dorganismes étaient bloquées
depuis le début de lannée. Il nous semble
cependant que les responsables des SPRD encourent des poursuites
pénales en acceptant de financer tous un ensemble
de structures intermédiaires qui ne nous semblent
pas concourir directement à la création duvres
ou à la diffusion de spectacles. En effet, si une
loi aurait pu valablement solutionner le problème,
il nous semble quun nouveau décret ne peut
changer le sens de la loi clairement rappelé par
le Conseil dÉtat.
Sur le fonds, le ministère de la culture montre bien
quil sapproprie pour son fonctionnement propre
et la rémunération de ses agents et au détriment
des créateurs, artistes et producteurs la rémunération
différée des auteurs, artistes et producteurs.
(à suivre
)
La
Société Grace, à l'origine de la décision
du Conseil d'Etat du 8 décembre 2000 a dores et déjà
chargé son avocat de déposer un recours en
annulation contre les dispositions de ce décret qu'elle
considère comme illégale, c'est-à-dire
l'autorisation (dans les faits l'obligation) pour le sociétés
civiles d'auteur, d'artistes et de producteur de financer
les entreprises privées des agents du ministère
de la culture.
(1) Article L. 321-9 du Code de la propriété
intellectuelle (CPI).
(2)Décret n° 2001-809 du 6 septembre 2001, Journal
officiel du 8 septembre 2001, p. 14418.
(3) Nouvel article R. 321-10 du CPI.
4) CE 8 décembre 2000, n° 202076, 203626
La
décision du Conseil d'État du 8 décembre
2000
Historique du dossier
Dans le cadre de cette décision
du 8 décembre, le Conseil dÉtat avait
précisé le champ dapplication de l
article L.321-9 du Code de la Propriété Intellectuelle
(CPI). Cette décision est capitale en ce quelle
rend illégale les financements des sociétés
dauteurs qui ne sont pas consacrés directement
à laide à la création. Il en
est ainsi, des subventions à lIRMA, au FCM,
au festival de Cannes, aux Victoires de la Musique, au Centre
National de la Danse, etc
.
Cet
article L. 321-9 du CPI oblige en effet les sociétés
de perception et de répartition des droits dauteurs
et droits voisins du droit dauteur à utiliser
une partie des sommes quelles récupèrent
au titre des redevances pour copie privée ou quelles
ne peuvent répartir entre leurs membres à
des actions daide à la création, à
la diffusion du spectacle vivant et à des actions
de formation des artistes.
La plupart des sociétés
dauteurs, appuyées en cela par le ministère
de la culture se sont servies de ces dispositions pour créer
et/ou financer tout un ensemble dorganismes sous forme
associative qui relait laction du ministère
de la culture dans à peu près tous les domaines.
Lexception culturelle française
repose sur un contournement généralisé
de la règle de droit
Ce système de gestion de la culture au
moyen dassociations est la pierre angulaire de lexception
culturelle française. Ce système a en effet
permis au ministère de la culture dintervenir
dans les domaines relevant en principe de léconomie
privée et souvent du commerce en saffranchissant
des contraintes de la gestion publique et en profitant de
sa position dautorité de tutelle pour ne pas
respecter la plupart des règles du privé.
Ces associations se sont ainsi accaparées des marchés
sans jamais aucun souci de gestion, ni de rentabilité,
ni de qualité, leur financement par le biais de subventions
suffisant à assurer leur pérennité.
Elles interviennent dans des cadres de concurrence déloyale
vis-à-vis des entreprises privées (quand il
en subsiste) et bénéficient de quasi monopoles,
avec lappui du ministère de la culture. Elles
arrivent ainsi à créer autour delles
un vide certain, écartant les particuliers ou les
entreprises privées soucieuses dintervenir
librement et de façon autonome sur ce terrain.
Le coup de génie de Jack LANG a été
en 1985 de permettre aux sociétés de gestion
de droits dauteurs et de droits voisins, le plus souvent
contrôlées par des syndicats professionnels,
de participer au partage du gâteau, et ce faisant
de leur permettre détendre leur pouvoir et
leur clientèle en leur donnant ces moyens de financement
considérables. Ces sociétés les ont
utilisés, souvent en accord avec le ministère
de la culture en subventionnant ou créant ces associations
illégales. Une partie de ces fonds finance dailleurs
directement des agents du ministère de la culture
qui pantouflent allégrement dans ces associations
en sy octroyant souvent des salaires de ministres
et des frais professionnels considérables.
Une grande famille tenue à une solidarité
vitale :
La majorité des acteurs français du monde
culturel sont liés par ce système
Ce mécanisme a également permis
de faire taire toutes velléités de critique
et dindépendance de la part des syndicats professionnels.
En effet, lensemble de ces sociétés
de perception et de répartition est ainsi associé
au financement dentreprises souvent illégales,
et partant aux financements indirectement versés
aux fonctionnaires et agents du ministère.
Toute la profession est ainsi tenue par une obligation
de se taire et de ne pas critiquer. Les rares syndicats
qui montrent des velléités sont immédiatement
marginalisés et exclus de toute concertation et ont
du mal à faire face aux organisations qui acceptent
de participer à la répartition des subsides
illégaux.
Cest ainsi que la plupart des syndicats
de laudiovisuel connaissent le caractère illégal
du SYNDEAC (le syndicat privé des agents du ministère
de la culture dans le spectacle), mais sont obligés
de tolérer sa présence au sein du collège
patronal.
Le rapport du ministère des finances
sur les comptes de lADAMI avait donné des exemples
caricaturaux des malversations ainsi permises.
De plus, la majorité des associations
illégalement financées ne respecte le plus
souvent ni la réglementation relative à la
fonction publique, ni la réglementation de la concurrence
et des prix, ni le Code des marchés publics, ni enfin
la loi SAPIN sur les délégations de service
public. Ces associations ne respectent le plus souvent pas
davantage les droit dauteurs, ni les droits des artistes
quils sont censés aider. Lensemble
de l'argent versée sert surtout à financer
des agents publics réels ou déguisés
et des frais de fonctionnement, et ne va que de façon
tout à fait marginale à la création
et aux artistes.
La Société G.R.A.C.E b(Groupement
des artistes et concepteurs d'environnement) qui est à
lorigine de cette décision avait dans un dossier
fort étoffé démontré au Conseil
dÉtat les mécanismes de cette organisation
qui a poussé lart du copinage et du clientélisme
à un point tel quil semble désormais
normal que le ministère de la culture y consacre
lessentiel de son activité.
Le Conseil dÉtat na pas annulé
le décret attaqué. Cependant, en précisant
sa portée réelle, il répond au principal
souci de la Société Grace.
Celle-ci est en effet soucieuse de voir rétablir
un certain Etat de droit dans la culture, seul à
même de permettre une réelle liberté
de créer, dinterpréter et de produire.
La Société G.R.A.C.E entend également
agir en vue dune réelle concurrence entre sociétés
dauteurs, seule à même de voir émerger
de nouveaux modes de gestion indépendants du ministère
de la culture, et de permettre que les droits des auteurs,
des artistes et des producteurs aillent réellement
aux auteurs, aux artistes et aux producteurs, tout en baissant
le coût des droits dauteurs pour les utilisateurs.
Les pièces du dossier
Afin de vous permettre de vous faire par vous-même
une idée de la réalité du dossier,
nous avons choisi de le publier intégralement en
ligne. Nous en avons juste écarté les arguments
de procédure qui sont totalement extérieurs
au dossier.Vous trouverez ci-après :
- Le mémoire
récapitulatif et en réponse de G.R.A.C.E.
Ce mémoire présente largumentation de
Grace et démontre les mécanismes de financement
illégaux des sociétés dauteurs.
- Le mémoire
en réponse du ministère de la culture.
Ce mémoire présente largumentation du
ministère de la culture et du Premier
ministre.
-
Conclusions de Monsieur LAMY, Commissaire du gouvernement.
- La décision
du CE.
- La réaction
du Ministère de la culture (lettre du 13 décembre
2000).
- Le bordereau
des pièces du dossier.
-
Le recours déposé par la Sté GRACE
au Conseil d'État contre le décret du 6 septembre
2001.
|