REQUETE SOMMAIRE
Recours pour excès de pouvoir
devant
le Conseil dÉtat
À Monsieur le Président et Messieurs les Conseillers dÉtat.
Monsieur Alain CONNAN, agissant en sa qualité de gérant de la société GR.A.C.E, 61 rue Boileau, 75016 Paris, R.C.S. Paris D 408 392 595 ,
Représentée par Maître Roland LIENHARDT, Avocat au Barreau de Paris, 15 rue de la Banque, 75002 PARIS, tel : 01 42 96 16 00 Fax : 01 42 96 31 00
Mel : avocats@lienhardt.com.
a l'honneur de demander l'annulation du I. b et II. du nouvel article R.321-9 du Code de la propriété intellectuelle issu du décret n° 2001-809, de Monsieur le Premier ministre en date du 6 septembre 2001 portant modification de la partie réglementaire du Code de la propriété intellectuelle et relatif aux aides versées par les sociétés de perception et de répartition des droits.
Faits
Le décret attaqué vient modifier la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle et remplace larticle R. 321-9 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Ce décret vient subrepticement modifier l'article L.321-9 du CPI, dont la rédaction est issue de la loi de 1985 et qui a fait lobjet dune modification conséquente avec la loi du n° 97-283 du 27 mars 1997.
Ces dispositions ont directement pour but de faire échec à la décision récemment rendue par le Conseil dEtat dans son arrêt du 8 décembre 2000 (n° 203626 et 202076 - Grace et Association des Ayants-droit), décision dans laquelle le Conseil dEtat avait précisé le sens quil convenait de donner à larticle L. 321-9 du CPI.
Ces dispositions du décret attaqué ont pour but de fournir une base légale aux nombreuses subventions versées illégalement pas les sociétés de perception et de répartition des droits dauteur et droits voisins des droits dauteurs aux entreprises privées des agents du ministère de la culture, les Sociétés de perceptions et de répartition des droits ayant interrompu leurs versements aux entreprises illégales du ministère de la culture dès connaissance de la décision du Conseil dEtat sus-citée.
Cet article L. 321-9 du CPI dispose en effet que les sociétés civiles de perception et de répartition des droits dauteur et droits voisins des droits dauteur:
- doivent utiliser à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes :
1° 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée ;
2° La totalité des sommes perçues en application des articles L. 122-10, L. 132-20-1, L. 214-1, L. 217-2 et L. 311-1 et qui nont pu être réparties, soit en application de conventions internationales auxquelles la France est partie, soit parce que leurs destinataires nont pas pu être identifiés ou retrouvés avant lexpiration du délai prévu au dernier alinéa de larticle L. 321-1".
( )
Le second alinéa de cet article L. 321-9 prévoit que :
"le montant et lutilisation de ces sommes font lobjet chaque année, dun rapport des sociétés de perception et de répartition des droits au ministre chargé de la culture.."
Larticle 2 du décret attaqué contient trois paragraphes.
Si le a du I de cet article correspond bien à linterprétation qua donné le Conseil dEtat de larticle L. 321-9 du CPI , le b ; du I va à lencontre de son arrêt du 8 décembre 2000.
En effet, le Conseil dEtat avait énoncé que :
" lauteur du décret attaqué pouvait légalement prévoir que laide serait également accordée aux actions propres à assurer la défense et la promotion de la création, dès lors que le b de larticle R.321-9 résultant du décret attaqué ne saurait être regardé comme autorisant lemploi de fonds au soutien dactions, dopérations, ou de manifestations qui nauraient pas directement pour objet la création duvres. "
Le nouvel article R.321-9 étend le domaine d'intervention des sociétés civiles en précisant que laide à la création mentionnée à larticle L. 321-9 sentend des concours apportés :
" b) À des actions de défense, de promotion et dinformation engagées dans lintérêt des créateurs et de leurs uvres. "
Le II du nouvel article R.321-9 étend également le domaine dintervention des sociétés civiles en précisant que ;
II. Laide à la diffusion du spectacle vivant mentionnée à larticle L. 321-9 sentend des concours apportés :
a) À des manifestations présentant, à titre principal ou accessoire, un spectacle vivant ;
b) À des actions propres à assurer la diffusion des uvres et des prestations artistiques du spectacle vivant.
Discussion
1) Recevabilité du recours
Le Groupement des artistes et Concepteurs-Créateurs d'environnements (GR.A.C.E) ,agissant en sa qualité de société civile à capital variable , régie par les dispositions des articles 1382 et suivants, 1845 et suivants du code civil, du titre III de la loi du 24 juillet 1867 relative aux sociétés à capital variable et du titre II du livre III du code de la propriété Intellectuelle,
La société GR.A.C.E a pour objet l'exercice, l'administration et la gestion, dans tous pays, de tous les droits relatifs à l'utilisation des oeuvres et /ou des prestations enregistrées de ses associés, lesquels sont des auteurs, des producteurs de phonogrammes et de vidéogramme, et des artistes du spectacle.
La Société G.RACE représente les intérêts moraux et professionnels des créateurs-concepteurs denvironnements spectaculaires, sonores, visuels audiovisuels et multimédias.
Ces statuts prévoient l'action culturelle, par la mise en place de moyens techniques et budgétaires propres à valoriser le répertoire social et à en assurer la promotion auprès du public (...), ainsi que des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation, telles que prévues à l'article L.321.9 du présent code. (statuts article 2.8)
Son intérêt à l'annulation du décret est donc évident.
GRACE a également pour objet social la défense de la gestion collective. Les pratiques instituées par ce décret portent gravement atteinte à la crédibilité de la gestion collective des droits dauteur et droits voisins des droits dauteur.
Ces pratiques mettent en danger les spécificités des sociétés civiles de perception et de répartition de droits français qui risquent dêtre associées aux nombreuses infractions, souvent délictueuse, que ce décret essaie de rendre légitime.
2) Au fond
Le requérant entend contester la légalité des dispositions attaquées du décret n° 2001-809 du 6 septembre 2001.
I. Ces dispositions du décret font en effet une application illégale de larticle L. 321-9 du CPI.
Ce décret élargit en effet considérablement les possibilités dutilisation des fonds des sociétés de gestion et de répartition des droits.
Larticle L. 321-9 du CPI énonce de façon claire que ces fonds mis à la disposition des sociétés de gestion et de répartition doivent être utilisés à des actions daides à la création, à la diffusion de spectacle vivant et à des actions de formation des artistes.
Ces dispositions ont récemment fait lobjet dune nouvelle rédaction avec la loi n° 97-283 du 28 mars 1997.
Le décret est sensé venir préciser larticle L. 321-9 du CPI. Il dispose ce quil convient dentendre par " aide à la création ",
Le nouvel article R.321-9 étend le domaine d'intervention des sociétés civiles en précisant que laide à la création mentionnée à larticle L. 321-9 sentend des concours apportés :
" I. b) À des actions de défense, de promotion et dinformation engagées dans lintérêt des créateurs et de leurs uvres. "
et que :
II. Laide à la diffusion du spectacle vivant mentionnée à larticle L. 321-9 sentend des concours apportés :
a) À des manifestations présentant, à titre principal ou accessoire, un spectacle vivant ;
b) À des actions propres à assurer la diffusion des uvres et des prestations artistiques du spectacle vivant.
Ce faisant le décret élargit considérablement et de façon illégale les cadres dutilisation de ces fonds. Les termes de ce décret sont tellement larges et subjectifs que toutes les activités de communication des syndicats professionnels des secteurs artistiques et des sociétés de gestions des droits dauteur et droits voisins peuvent sy insérer, de même que toutes les activités du ministère de la culture gérées par lintermédiaire de démembrements de cette administration.
Les parlementaires avaient pourtant clairement entendu aider le spectacle vivant.
L'article 321.9 de la loi du 5 janvier 1985 a été élaboré dans le but d'aider la création des auteurs - créateurs.
Il est important d'insister sur l'état d'esprit de la loi susvisée et a fortiori des parlementaires.
En effet, lors de la discussion de la Loi de 1985, qui a institué cette disposition, le Rapporteur, Monsieur Charles Jolibois énonçait en la séance au Sénat le 4/4/85 : "la première idée (...) est de saisir l'occasion de la création de nouvelles ressources pour contribuer à la diffusion du spectacle vivant" , la deuxième idée consiste à promouvoir les actions de formation d'artistes (...) " cette disposition législative permettra de constituer une masse financière nouvelle qui sera en quelque sorte immédiatement réinjectée dans le circuit en faveur de la création."
Le rapporteur, Monsieur Alain Richard affirmait clairement à lAssemblée Nationale" qu'il est normal que les organismes qui effectuent ces prélèvements forfaitaires, c'est-à-dire les sociétés de perception affectent les sommes en question à des actions d'intérêt collectif profitant aux auteurs, dont ils sont les mandataires, et visant autant que possible à favoriser la création, le lancement d'oeuvres nouvelles et l'emploi dans la profession."
Un décret ne peut donc aller outre la position des parlementaires et élargir les possibilités dintervention des sociétés de gestion et de répartition.
De telles modifications ne peuvent émaner que dune disposition législative et en aucun cas dun simple décret. Cest dailleurs une réforme législative que demandait la Société ADAMI, mise à mal par larrêt du 8 décembre 2000.
Dès connaissance de la décision du Conseil dEtat du 8 décembre 2000 rendue sur la contestation du précédent décret créant cet article R. 321-9, le Directeur de ladministration générale du ministère de la culture, Monsieur SIZZARELLI, informait les présidents des sociétés de perception et de répartition des droits que
" sagissant des soutiens apportés à des actions, opérations ou manifestations qui nauraient pas directement pour objet la création duvre, elles ne peuvent être financées que par le budget général. Si vos sociétés devaient décider de tels financements, cette décision pourrait trouver son fondement dans le c) de larticle R. 321-8 " du CPI.
II. Les dispositions attaquées du décret du 6 septembre 2001 entendent fournir une base légale à un détournement de fonds opéré au profit des entreprises privées des fonctionnaires et agents du ministère de la culture.
Le décret entend rendre légale laide des sociétés de gestion et de répartition aux "actions propres à assurer la défense et la promotion de la création".
Ce faisant, ce décret tente de donner un cadre légal aux aides des sociétés civiles aux très nombreuses associations transparentes et illégales, ainsi quaux sociétés commerciales créées ou contrôlées par les agents du ministère de la culture dans ce domaine de la défense et de la promotion de la création, lesquelles entreprises étaient dans une situation fort critique après larrêt du Conseil dEtat du 8 décembre 2000.
Ce " marché " de la défense et de la promotion de la création est en effet occupé par plusieurs centaines dentreprises créées illégalement par le ministère de la culture et ses agents, et qui a pour but de contrôler intégralement le marché de la culture.
Les entreprises privées des agents et fonctionnaires du ministère de la culture, pourtant chargé de contrôler les sociétés civiles de gestion et de répartition des droits sont en effet les premières bénéficiaires des aides de ces sociétés.
À titre dexemple, Monsieur Dominique WALLON, membre de la commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition, qui était directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles en 1998 lors de lélaboration du 1er décret créant cet article R. 321-9 du Code de la Propriété Intellectuelle est devenu président de la Société Anonyme IFCIC, entreprise commerciale relevant de la réglementation des établissements bancaires et financiers, qui perçoit de nombreuses subventions des sociétés de perception et de répartition destinées à financer des actions nayant quun lien très lointain avec la création duvres.
Monsieur Dominique WALLON a dailleurs fait lobjet dune citation directe par la Société GRACE devant le tribunal de Grande Instance de Paris siégeant en matière correctionnelle pour répondre dun certain nombre de faits pouvant relever de la prise illégale dintérêt. Laffaire est pendante devant ce tribunal.
Les dispositions critiquées du décret du 6 septembre 2001 ont donc pour but de permettre aux sociétés civiles de continuer à financer les entreprises des fonctionnaires et agents du ministère de la culture chargé de les contrôler et dacheter le silence des syndicats professionnels en leur permettant de récupérer une partie de largent ainsi détourné de son objectif. Il tente donc de fournir une base légale à un système de corruption et de permettre ainsi aux fonctionnaires du ministère de la culture détendre considérablement leur pouvoir sur le marché de la culture.
Les dispositions attaquées du décret sont donc constitutives du délit de concussion prévu à larticle 432-10 du nouveau code pénal et du délit de prise illégale dintérêt prévu aux articles 432-12 et 13 du nouveau code pénal.
Ce décret est également contraire aux dispositions de larticle L. 432-1 du Code pénal qui énonce que
"le fait pour une personne dépositaire de lautorité publique, agissant dans lexercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à lexécution de la loi est puni de cinq ans demprisonnement
Ce décret est contraire au principe général dindépendance et dimpartialité de ladministration de lEtat qui na pas à permettre aux organismes quelle a pour mission de contrôler de les rémunérer. Seul le parlement est en effet compétent pour voter limpôt et celui-ci est attribué globalement au budget de lEtat et ne va pas directement alimenter les entreprises des fonctionnaires et agents privés du ministère de la culture.
Par ces motifs
Plaise au Conseil dÉtat
Annuler les dispositions I. b. et II. du décret attaqué.
Fait à Paris
Le 7 septembre 2001