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Cet article a été publié au numéro 265 correspondant à l'actualité du mois d'avril 2016 dans la rubrique "Ethique"
Question. - M. Pierre Morel-A-L’Huissier attire l’attention
de M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et
du dialogue social sur la baisse jusqu’à 30 % des subventions d’État allouées
pour les musiciens exerçant dans les orchestres nationaux lors des deux
dernières années, baisse interprétée comme une variable d’ajustement budgétaire
depuis plusieurs années par les professionnels concernés. Il lui demande ce
qu’il entend faire à ce sujet.
Réponse. – (1) Le ministère de la culture et de
la communication mène, depuis près de 50 ans, une politique dynamique en faveur
des orchestres à musiciens permanents. Aux côtés des collectivités
territoriales, il leur apporte un soutien régulier pour l’ensemble de leurs
missions symphoniques et éducatives. Chaque année, les orchestres aidés par
l’État interprètent près de 3 000 œuvres différentes, donnent environ 2
500 concerts, devant près de 2 millions de spectateurs. Ils organisent
également plus de 3 000 séances d’actions culturelles en direction de tous les
publics, et notamment des plus jeunes, pour élargir davantage encore le champ
d’audience des musiques classiques et contemporaines. Globalement, en dehors
des deux orchestres opérateurs de l’État (l’Orchestre de Paris et l’Ensemble
intercontemporain) et des trois intégrés dans une maison d’opéra, l’État
soutient 19 orchestres à hauteur de 21,2 M€, ce qui représente 21 % de leurs
subventions. Les villes contribuent, pour leur part, à hauteur de 45,6 %, les
régions de 28,5 %, tandis que les départements ne participent qu’à hauteur de 4,7
%. Entre 2004 et 2015, l’effort de l’État dans le financement de ces formations
est resté sensiblement stable, montrant au total une très légère progression de
0,2 % environ. Cette évolution recouvre des situations différentes d’un
orchestre à l’autre, cinq orchestres ont vu leurs subventions augmenter de plus
de 10 %, et trois ont subi une légère baisse. Il est exact, en revanche, que
ces formations musicales sont confrontées à des évolutions de charges qu’elles
ne peuvent pas toujours compenser par des recettes propres. C’est pourquoi, en
avril 2015, le ministère de la culture et de la communication a confié à
Monsieur Laurent Langlois, professionnel reconnu dans le domaine symphonique,
une mission d’étude sur les orchestres, afin d’évaluer la façon dont pourrait
évoluer l’offre symphonique française. Cette étude doit permettre de tracer des
voies nouvelles capables de guider les pouvoirs publics dans cette politique,
en tenant compte du cadre d’expression artistique économique et sociale de ces
orchestres.
Commentaire. - Il est fort intéressant de noter que
l’honorable parlementaire interroge la ministère de la culture au sujet des
orchestres nationaux, et que cette notion est totalement absente de la réponse.
Et pour cause, ce concept n’existe pas et si le ministère de la culture a
désormais le droit de créer des labels, aucun décret venant créer un tel label
n’a encore été publié à ce jour.
La ministre cite comme étant des opérateurs de l’État l’orchestre
de Paris, qui est une entreprise de spectacle de droit privé, structurée sous
forme d’association selon la de 1901.
De surcroît, cette entreprise à but lucratif emploie 115 chanteurs
amateurs ! La notion de lucrativité s’apprécie non au regard du statut
juridique choisi, mais au regard de la réalité de l’activité et cette activité
économique de gestion d’un orchestre relève du secteur concurrentiel lucratif.
La ministre de la culture est de surcroît membre du conseil
d’administration de cette entreprise.
Elle n’est pas la seule à être potentiellement en situation de
prise illégale d’intérêt et de complicité de gestion de fait. Puisqu’on trouve
également dans le conseil d’administration de l’association, Monsieur Patrick
BLOCHE, député, président de la commission culture de l’assemblée nationale,
Monsieur Christophe GIRARD, ancien adjoint chargé de la culture de la Mairie de
Paris, Madame Régine Hatchondo, Directrice générale de la création artistique
du Ministère de la culture et de la communication, Monsieur Jean-François
Carenco, Préfet de la Région Ile-de-France, Préfet de Paris, normalement chargé
du contrôle des associations et de la transmission au procureur de la
République des dossiers litigieux.
Il s’agit d’une association illégale au sens de l’article 5 de la
loi du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association, puisque cette entreprise
a été créée sous forme d’association dans le but de contourner notamment la
réglementation relative à la gestion des fonds public, à la comptabilité
publique, au code des marchés publics et au droit de la fonction publique. Il
n’y a jamais eu de mise en concurrence ou de procédure au terme de laquelle
l’État a choisi cette entreprise en qualité d’opérateur.
Le second opérateur de l’État, l’ensemble intercontemporain est
également une entreprise privée à but lucratif structurée illégalement sous
forme d’associations selon la loi de 1901, titulaire de la licence
d’entrepreneur de spectacle. Son site Internet est encore moins transparent que
celui de l’Orchestre de Paris.
Le ministère de la culture reconnaissant que ces deux orchestres
sont des opérateurs de l’État, il n’est en principe pas autorisé à les
subventionner et la gestion de fonds publics par les responsables dé ces
structures relève de la gestion de fait sur le plan financier et de l’abus
d’autorité sur le plan pénal (crime sanctionné de dix ans d’emprisonnement par
les articles 432-1 et 432-2 du code pénal).
Les orchestres de l’Opéra de Paris et ceux de Radio France ont un
statut légal, puisqu’intégrés dans des établissement publics, ou des sociétés
publiques. La plupart des autres orchestres subventionnés le sont la plupart du
temps dans un flou juridique absolu, ce qui permet au ministère de la culture
de les maintenir sous sa coupe, puisque ces orchestres et leurs animateurs sont
des obligés de l’État et non des artistes titulaires de droits à même de
prétendre à un discours indépendant.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1) QEAN 3 mai 2016 n° 73220, p. 3743.
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