Thème
du forum :
La
diversité culturelle est elle compatible avec l'existence
du ministère de la culture ?
Texte
mis en ligne le 22 juin 2007
La défense de la diversité
culturelle impose la suppression du ministère de
la culture et de la communication
Nicolas SARKOZY avait annoncé quil ny
aurait pas de ministère de la culture. Il ne lavait
certes pas promis, et son programme en matière
culturelle était des plus ténu, ce qui était
à notre avis bon signe (1), puisque
cela montrait quil navait pas da priori
sur la question. Il a néanmoins maintenu un ministère
de la culture en lui donnant pour objectif premier de
solutionner la question des droits dauteur et des
intermittents. Or, le ministère de la culture,
de par sa conception et sa structure actuelle, nest
pas en mesure de solutionner ces deux contentieux, ni
lun quelconque des problèmes du monde culturel.
Pour que la rupture annoncée ne laisse pas la culture
de côté, il sera indispensable de procéder
à une réforme de fonds qui passe par la
suppression du ministère de la culture, dans sa
conception actuelle issue dAndré MALRAUX
et développée par Jack LANG. Lengagement
de l État doit prendre dautres
formes. Une telle réforme impose une rupture, mais
elle est indispensable. Le débat se doit dêtre
lancé, et nous souhaitons y contribuer en présentant
ce qui pourrait être les grandes lignes et la philosophie
dune nouvelle organisation de la culture en France.
Ce débat na rien dutopique. La France
nen fera pas léconomie.
Le dossier des intermittents
Les contrôles initiés par lUNEDIC,
qui mène une chasse aux faux intermittents, buttent
très vite sur limplication des pouvoirs publics,
des collectivités territoriales et de certains
syndicats dits de salariés qui participent massivement
à lorganisation de la fraude en faisant financer
leurs politiques culturelles pas les ASSEDIC.
LUnedic est dans lincapacité de faire
le ménage dans un système où la fraude
est généralisée. D'autant que cette
fraude aux ASSEDIC nest que la partie immergée
de liceberg. Le ministère de la culture ne
peut gérer ce dossier étant donné
quil finance et entretient de nombreuses entreprises
créées dans un cadre de droit privé,
notamment dans le but de permettre cette fraude aux ASSEDIC
Ainsi quand Madame Christine ALBANEL, alors présidente
de lÉtablissement public du domaine de Versailles
a créé la Société Versailles
Spectacles, cest essentiellement pour sortir des
contraintes liées au statut détablissement
public du domaine de Versailles. Cette société
a pour but de pouvoir produire des spectacles en imaginant
être dispensée de toute contrainte de procédure
légale de mise en concurrence, de pouvoir embaucher
des salariés dans les règles du droit privé
en sachant que leur disponibilité sera payée
par les ASSEDIC.
Quelle indépendance peut bien avoir Madame Christine
ALBANEL pour gérer ce dossier des intermittents,
alors que le comportement qui a été le sien
dans ce dossier à Versailles relève de nombreuses
dispositions pénales et pourrait être lourdement
sanctionné (2).
Les
missions du ministère de la culture sont nombreuses,
et certaines radicalement incompatibles, ce qui lui interdit
de les mener correctement.
Ainsi, cest Monsieur Jean-Jacques AILLAGON, ancien
ministre de la culture, qui a été en charge
du dossier de lintermittence qui gère aujourdhui
le domaine de Versailles, à la présidence
duquel il avait proposé Madame Christine ALBANEL,
ancien conseiller pour la culture du Président
de la République, laquelle navait en principe
pas le droit dêtre nommée puisquelle
avait, de par ses fonctions, la charge de conseiller le
Président de République, signataire de son
décret de nomination, sur cette même nomination.
Quelle indépendance peut avoir le ministre de la
culture vis-à-vis dune entreprise qui continue
à avoir un recours massif illégal à
lintermittence alors que cest la ministre
de la culture actuelle qui a initié le mécanisme
?
Il
nexiste pas quun seul Versailles, et quune
seule société Château de Versailles.
De très nombreuses entreprises toutes aussi illégales
au regard des normes de la comptabilité publique
engagent des intermittents et sont dirigées par
des agents publics ou privés liés au ministère
de la culture.
La ministre est en conséquence dans lincapacité
de traiter ce problème de lintermittence
et de lemploi culturel. Aucun des ministres qui
lont précédé, de droite ou
de gauche, na pu faire quoi que ce soit, si tant
est quils en aient eu envie. Ce qui nétait
pas le cas de Jack LANG qui a au contraire compris lintérêt
politique quil pouvait tirer du développement
de la mécanique MALRAUX. La seule à avoir
essayé de faire bouger les choses a été
Madame Catherine TRAUTMANN, « lerreur
de casting », qui a très vite pris conscience
des énormes problèmes juridiques posées
par la gestion actuelle de la culture française.
Elle a dailleurs mis fin à quelques situations
choquantes. Elle a été poussée dehors
par lensemble des corporations et des dirigeants
du ministère de la culture qui ont immédiatement
vu le danger dun ministre qui voulait comprendre
et avait quelques notions de morale.
Le dossier des droits
dauteur
Lautre dossier confié à notre ministre
de la culture.
I l y aura toujours conflit entre les producteurs, les
créateurs et les utilisateurs des uvres des
artistes et producteurs. Les uns ont intérêt
à ce que la législation soit la plus souple
possible et que le coût dutilisation des oeuvres
et des productions ne soit pas trop onéreux. Certains
prônent des licences légales qui obligent
à constituer les organisations professionnelles
comme intermédiaire.
Les autres ont intérêts à conserver
leur droit absolu dautoriser et dinterdire
et de pouvoir négocier de façon spécifique
chaque mode dexploitation.
Il est indispensable quun organisme étatique
soit chargé de la tutelle de ces questions. Qu'il
puisse arbitrer les antagonismes et conflits dintérêts
et proposer des solutions de compromis en ayant à
lesprit non la défense de lune ou lautre
des parties, mais la défense de lintérêt
général.
Or, une telle mission ne peut être menée
à bien par une administration qui na aucune
indépendance par rapport au secteur.
En effet, le ministère de la culture, cest
dabord tout un ensemble détablissements
publics, qui gèrent les grands domaines de lÉtat,
châteaux, musées (3). C'est ensuite une administration
qui assure la tutelle de plus dun millier de musées
de France, qui représentent des oeuvres, éditent
des ouvrages, produisent des oeuvres audiovisuelles ou
multimédias. Cest également une administration
qui gère plus ou moins directement des centaines
dentreprises de production de spectacles, outre
les théâtres et opéras nationaux ou
dits nationaux (3) des scènes
nationales, des centres dramatiques nationaux, des centres
chorégraphiques nationaux, etc
des compagnies
et artistes quelle contrôle par le biais de
la subvention. Cest une administration qui assure
encore la tutelle dun nombre impressionnant détablissements
publics intermédiaires, chargés de réguler
les différentes branches du secteur.
Ces entreprises représentent une part fort conséquente
du secteur, parfois la plus importante. Elles sont la
plupart du temps gérées par des fonctionnaires
ou des agents issus du ministère de la culture
ou nommés par le ministère de la culture.
Nombre de ces chefs dentreprises sont issus de linspection
du ministère de la culture, des cabinets ministériels,
de la haute administration.
Le ministère de la culture ne peut ainsi arbitrer
les questions liées au droits des auteurs, et les
conflits dintérêt qui existeront toujours
entre les différents intervenants du secteur parce
quil manque de lindépendance nécessaire
à cette mission darbitre.
Il est indirectement lun des plus gros utilisateurs
de droit dauteur, et ne respecte parfois que fort
marginalement la réglementation qu'il instaure.
Sil prend une position de principe sur la question,
il est contraint de faire ses propres comptes et de calculer
le coût induit pour sa propre administration.
Ainsi en matière doeuvres dart plastique,
le ministère de la culture na jamais pris
sérieusement en compte lobligation de rémunération
du droit de représentation des artistes plasticiens,
ni la question de leur statut social. Il est le principal
utilisateur des oeuvres, il na donc pas lindépendance
requise pour faire avancer ces questions liées
au statut des artistes auteurs.
Les Solutions
Certaines des missions actuelles du ministère de
la culture devraient être profondément repensées.
LÉtat a dabord vocation à entretenir
le patrimoine, lensemble du patrimoine dans toutes
ses composantes culturelles, (architectural, archéologique,
musical, théâtral, chorégraphique,
etc), mais il nest pas forcé de gérer
ces missions en direct. La même administration ne
peut à la fois établir les règles
de bonne gestion, gérer et contrôler les
établissements.
Il conviendrait en conséquence de créer
une ou plusieurs agences, indépendantes du ministère
de la culture, sous tutelle directe du Premier ministre,
qui auraient la charge de la gestion de lensemble
du patrimoine propriété de lÉtat
et de leur contrôle, en appliquant les dispositions
réglementaires mises en places par un ministère
des affaires cultures qui n'aurait rien à voir
dans la gestion des établissements publics. Cette
agence organiserait la gestion déléguée
de tout ce qui peut lêtre (au secteur privé,
aux collectivités locales, aux universités,
etc
). celà ne signifie aucunement un désengagement
de lÉtat, bien au contraire. Une gestion
déléguée impose la rédaction
dun cahier des charges, et cette agence indépendante,
parce quelle serait réellement sans attache
avec les gestionnaires en charge de la gestion de ce patrimoine,
pourrait exercer la plénitude des fonctions de
contrôle du respect de ces cahier des charges.
Cette agence aurait la nature dautorité administrative
indépendante. Ses membres seront élus ou
désignés par les autorités politiques,
sous contrôle du parlement. Ils auront une obligation
dindépendance. À limage du conseil
supérieur de laudiovisuel, qui ne gère
pas directement les radios locales, mais organise juste
la répartition des fréquences et les cahiers
des charges de ces structures, et qui en assure le contrôle,
en appliquant les lois et réglementations mises
en place par le parlement et le ministère des affaires
culturelles.
Une agence similaire pourrait être créée
pour organiser lexploitation de lensemble
des salles de spectacle propriété de lÉtat
et organiser une politique de concours et dappels
doffres à même de dynamiser la création
contemporaine dans le domaine du spectacle vivant. Cette
agence aurait une obligation d indépendance par
rapports aux structures de gestion, aux artistes, créateurs
et producteurs.
Il conviendrait détudier les domaines de
compétence de chacune de ces agences, afin de ne
pas multiplier les structures.
Tout ce qui relève de lenseignement doit
retourner à léducation nationale et
ce qui relève de la recherche à la recherche.
A côté de ces agences, il conviendra de créer
un ministère en charge de léconomie
et des affaires culturelles. Ce ministère naurait
plus aucun lien organisationnel structurel avec les intervenants
du secteur, et serait ainsi en position de défendre
lintérêt général de lensemble
des intervenant du mon de la culture et de la communication,
en se plaçant au dessus des corporatismes.
Ce ministère des affaires culturelles pourrait
réellement mettre en place un statut de lauteur.
Il pourrait réfléchir sereinement au non-respect
du droit de représentation des artistes plasticiens
sans se dire quil est le premier à bafouer
ce droit.
Ce ministère des affaires culturelles pourrait
également mettre en place un statut du créateur
et artiste indépendant.
À titre dexemple, le ministère de
la culture est le seul ministère a navoir
jamais pris les décrets permettant dexercer
les activités de professeurs denseignements
artistique dans le cadre de sociétés de
travailleurs indépendants, alors que la loi date
de 1992.
Ce ministère pourrait mettre en place un statut
de lartiste amateur, pourrait faire appliquer linterdiction
de vente à perte, linterdiction des ententes
et organisations illégales du marché, qui
freinent et entravent la diversité culturelle et
asphyxient la création et le marché de lart.
Ce ministère des affaires culturelles pourrait
enfin organiser une réglementation de la culture
permettant aux acteurs du secteur de disposer de règles
claires et de les sortir de larbitraire et de la
mendicité dans lesquelles les confine ce ministère
depuis sa création.
Il pourrait aborder la question des intermittents en nétant
pas à la fois le premier employeur de faux intermittents
et le gestionnaire de nombreuses entreprises qui dépendent
des subventions des sociétés dauteurs,
dartistes de producteur, sous contrôles des
syndicats qui animent ce contentieux.
Cette structure redonnerait un sens à linspection
générale du ministère de la culture
dont les agents nauront pas à contrôler
des présidents détablissement publics
culturels qui sont par ailleurs leurs supérieurs
dans le corps de linspection.
Un telle structuration impose le retour à la règle
de droit
Pour quune telle organisation soit efficace, il
conviendrait de respecter scrupuleusement les règles
relatives au non-cumuls de fonction, et au pantouflage
qui sont allègrement bafouées, les agents
du ministère de la culture ne consultant pratiquement
jamais la commission de déontologie de la fonction
publique (4).
La particularité de ladministration culturelle,
cest que les hauts fonctionnaires qui y arrivent
ont souvent pour seul objectif dorganiser leur pantouflage
au sein dune entreprise culturelle, la plus prestigieuse
possible.
Il est plus agréable pour un énarque de
gérer le festival de Cannes ou une ancienne résidence
royale que de contrôler le respect du cahier des
charges dun concessionnaire. Les fonctionnaires
se font nommer ou se nomment illégalement à
la direction de ces institutions, ce qui empêche
toute formation dune administration compétente,
puisque les agents ne font pas carrière.
De plus, ils empêchent tout contrôle réel
de ladministration sur ces entreprises, puisque
les énarques conservent souvent leur grade dans
leur corps dorigine, et peuvent potentiellement
réintégrer ladministration. Ces chefs
d'entreprises culturelles sont donc les supérieurs
potentiels des agents en charge dassurer leur contrôle
et leur tutelle, ce qui nest pas très motivant
pour les fonctionnaires honnêtes.
Le ministère des affaires culturelles devra développer
un réel corps de contrôle. Comme il existe
des inspecteurs du travail, il conviendra de développer
un corps dinspecteur des affaires culturelles, mais
qui ne devra en aucun cas être composé danciens
artistes ou créateurs recyclés, mais de
fonctionnaires nayant pas vocation à intégrer
les structures de production et de diffusion culturelle.
Une telle réforme ne se fera pas du jour au lendemain.
Mais si la France ne prend pas elle-même linitiative
de ce redressement, ce sont nos partenaires européens
qui nous limposeront dans les pires conditions,
outre que les tribunaux commencent à être
régulièrement saisis et quun certains
nombre davocats commencent à sattaquer
aux bizarreries du monde de la culture. Le ministère
de la culture se défend actuellement en sattachant
les juges du Conseil dÉtat, dont certains
responsables continuent à siéger alors quil
nont plus dindépendance vis-à-vis
des dossiers qui leur sont soumis intéressant le
ministère de la culture. Il bénéficie
également de la complexité de la matière
et de létat de délabrement de la justice
française qui est incapable de consacrer le temps
et les moyens quil faudrait consacrer à ces
dossiers pour les traiter correctement.
Un tel constat nest pas digne dune société
qui se prétend démocratique. Ces propositions
ne sont quune ébauche, destinées à
susciter débat et réflexion. Elles ont le
mérite dexister.
(1) en tant que maire de Neuilly,
Nicolas SARKOZY a eu lintelligence de ne pas créer
de conservatoire, ce qui ne la pas empêché
de promouvoir les enseignements artistiques, mais au moyen
de collaborations avec des associations ou des travailleurs
indépendants. Quand loffre existe et dune
qualité satisfaisante, il nest pas nécessaire
de dépenser largent public inutilement.
(2) Un tel montage est passible des
articles 432-1, 432-2 qui sanctionnent labus dautorité
dun maximum de 10 années demprisonnement,
de larticle 432-12 qui sanctionne la prise illégale
dintérêt, de larticle 432-14
sur latteinte à la liberté daccès
des candidats dans les marchés publics, outre le
recel de larticle 321-1 du code pénal.
(3) Le terme « national »
en matière de spectacle est souvent utilisé
pour identifier des entreprises privées, ce qui
pourrait relever parfois du délit dusurpation
de fonctions publiques. Ce système a en effet pour
but de faire croit au statut public de ces entreprises,
on parle même de théâtre public, alors
quil sagit en fait dentreprises privées
intervenant dans le secteur concurrentiel avec des financements
publics, et la garantie officieuse de lÉtat
ou des collectivités territoriales ; ce qui
induit une propension à lirresponsabilité
et à labsence de gestion.
Si
ces agences sont aussi peu respectueuses des règles
de déontologie que ne l'a été le
Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ces dernières
années, une telle réforme ne servira à
rien.
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