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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Récapitulatif et réponses au mémoire en réplique de la ministre de la culture et de la communication
  

Avertissement :

Nous avons légèrement modifié ces conclusions par rapport au dossier déposé au Conseil d’Etat afin de ne pas publier de faits qui relevaient en leur temps d’infractions pénales et qui sont aujourd’hui prescrits. Ces faits pouvaient figurer dans des conclusions non publiques, mais ne peuvent être publiés à nouveau dans le cadre d’un site internet.

Requérant: Société GR.A.C.E. " Groupement des Artistes et Concepteurs-Créateurs d'Environnements"
Représentée par Maître Roland LIENHARDT, avocat à la Cour.

Contre : La ministre de la culture et de la communication
Représentée par la S.C.P. d'avocats au Conseil d'Etat Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

La Société Grace a l'honneur de demander l'annulation du décret n° 98-1040, de Monsieur le Premier ministre en date du 18 novembre 1998 portant modification de la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle.

A cette fin, voici les réponses aux remarques soulevées par le défendeur, dans son mémoire en réplique du 13 mars 2000, se rapportant à la requête initiale déposée par la Société GR.A.C.E. datée du 18 janvier 1999.

  Les faits

La société GR.A.C.E. met en cause la légalité du décret n° 98-1040 du 18 novembre 1998 (pièce n°1) portant modification de la partie réglementaire du Code de la propriété intellectuelle (CPI).

 Le décret attaqué modifie l'article L. 321-9 du CPI (pièce n°2), qui oblige les sociétés de perception et de répartition des droits à affecter certaines des sommes qu'elles recueillent à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes, en disposant que :

  " les sociétés civiles de perception et de répartition des droits d'auteur et droits voisins des droits d'auteur doivent utiliser à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes :
- 25 p. 100 des sommes provenant de la rémunération pour copie privée
- La totalité des sommes perçues en application des articles L. 122-10, L. 132-20-1, L 241-1, L. 217-2 et L 311-1 et qui n'ont pu être réparties à l'expiration du délai prévu au dernier alinéa de l'article L. 322-1 ".


  Le second alinéa de l'article 321-9 du CPI prévoit que :

" Le montant et l'utilisation de ces sommes font l'objet chaque année, d'un rapport des sociétés de perception et de répartition des droits au Ministre chargé de la Culture..."

Le décret attaqué contient deux articles. Si le premier organise bien les modalités de communication des comptes qui doivent être communiqués au Ministre chargé de la culture, le second modifie substantiellement l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle en venant étendre de façon illégale son champ d'application.

Le nouvel article R.321-9 du CPI, étend le domaine d'intervention des sociétés civiles en précisant que l'aide à la création mentionnée à l'article L. 321-9 s'entend :

" a) D'une part des concours apportés à la création d'une œuvre ou d'une interprétation, à la première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme;
b) d'autre part à des actions propres à assurer la défense et la promotion des artistes."
" L'aide à la formation d'artistes mentionnée au même article s'entend de la formation d'auteurs et de la formation d'artistes interprètes".


L'élargissement par le décret, de la notion "d'aide à la création" et l'assimilation des auteurs aux "artistes", modifie substantiellement le sens initial de la loi et fait par conséquent l'objet de la contestation de la Société GR.A.C.E.

Dans son mémoire en réplique daté du 13 mars 2000 (pièce n°3), le Ministre de la culture conteste tant dans la forme que sur le fond la recevabilité du recours de la Société GR.A.C.E.

I Quant à la forme
Développements de procédure supprimés

II - Quant au fond


2°-Sur le détournement de la loi :

  * Selon le ministère de la culture, il n'y a pas lieu de considérer que le décret contesté élargissant le domaine d'utilisation des fonds par une définition extensive de la notion "d'aide à la création" telle qu'elle est prévue par l'article L. 321-9 du CPI, est constitutif d'un détournement de la loi. " La société requérante ... se borne à prétendre que la définition de l'aide à la création, mentionnée à l'article R. 321-9 ajouté par le décret attaqué au CPI ne serait pas conforme à celle figurant dans la loi de 1985".

* Pour la Société GR.A.C.E., si en effet, l'objet de l'article R. 321-9 du CPI est de renforcer le contrôle de l'utilisation des sommes affectées aux actions d'intérêt général en imposant aux SPRD la description analytique de cette utilisation et en précisant le domaine d'utilisation des sommes affectées à ces actions, il ne doit pas pour autant vider la loi de sa substance, telle qu'elle a été voulue par le législateur et exprimée par ce dernier dans les débats parlementaires.

S'agissant d'un règlement d'exécution de la loi, il convient de vérifier si ce règlement est nécessaire à son application, et s'il n'a pas excédé les limites de la mission attribuée au pouvoir réglementaire par la loi. Or, en signant ce décret, la Société G.R.A.C.E considère que le Premier Ministre et le ministre de la culture ont contrevenu aux dispositions légales voulues par le législateur, en élargissant les notions " de spectacle vivant" et " d'aide à la création".

2.1 - Sur la notion d’aide au spectacle vivant :


Le Ministre de la culture prétend que "les actions d'aide à la création, telles qu'elles sont visées par le premier alinéa de la disposition législative, sont conçues parallèlement aux actions d'aide à la diffusion du spectacle vivant et ne peuvent être limitées à la seule création de spectacle vivant".

* Pour la Société GR.A.C.E., l’article L. 321-9 du CPI est issu de l’article 38 de la loi du 3 juillet 1985 n° 85-660, dont les dispositions ont fait l’objet d’une mesure de codification le 1er juillet 1992. Lors des débats parlementaires, cette disposition de la loi a été l’objet de longues discussions.

Cet article dispose que les Sociétés de perception et de répartition des droits :
" utilisent à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes:
1°- 25% des sommes provenant de la rémunération pour copie privée;
2°- la totalité des sommes perçues en application des articles L. 122-10, L. 132-20-1, L. 214-1, L.217-2 et L.311-1 et qui n'ont pu être réparties à l'expiration du délai prévu au dernier alinéa de l'article L. 321-1".


Or, le texte du décret, chargé en principe d’expliciter la loi énonce que :
" L'aide à la création mentionnée à l'article L. 321-9 s'entend :
a) D'une part, des concours apportés à la création d'une œuvre, à son interprétation, à la première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme;
b) D'autre part, des actions propres à assurer la défense et la promotion de la création".


Pourtant, l’analyse des débats parlementaires montre clairement qu’il n’avait pas été question d’étendre l’aide à la création aux aides à la fixation des phonogrammes et vidéogrammes. L'aide à la création vise en effet exclusivement les spectacles vivants.

Si le texte initial du gouvernement sur cette question n'évoquait pas la répartition des fonds, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture était rédigé de la façon suivante :
"Les sociétés de perception et de répartition des droits doivent utiliser à des actions d'aide à la création et à la diffusion présentant un intérêt économique pour leurs associés au moins 25 % des rémunérations qu'elles perçoivent en application des articles 24 et 34" (pièce n°10 ).

Dans ce premier texte, l'aide est destinée à la création et à la diffusion (la conjonction de coordination "et" n'est pas exclusive, mais inclusive, ce qui implique d'après la glose du texte que la création et la diffusion appartiennent cumulativement à la même idée). Ces deux objets d’intervention n’étant de plus possible que sous la même condition de "l'intérêt économique" des associés des SPRD.

Cet article 36 de la loi de 1985, a fait l’objets d’âpres discussions et de plusieurs moutures. Lors de son adoption en première et deuxième lecture au Sénat, il était ainsi rédigé :
" Ces sociétés doivent utiliser à des actions d'aide à la création, à la diffusion de spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes, la totalité des sommes non répartissables perçues en application de l'article 20 ci-dessus et 25% des sommes provenant de la rémunération pour copie privée" (pièce n°11).

Dans sa version définitive, la commission mixte paritaire retiendra les suggestions du Sénat.
Les réécritures successives de ce texte aident à comprendre le sens qu’a voulu lui donner le législateur.

Lors de la présentation de l’article 36 par la commission paritaire, le rapporteur, Monsieur Alain RICHARD, tout comme le Sénateur rapporteur Monsieur Charles JOLIBOIS, a clairement rappelé que cette disposition ne contenait que deux idées et non trois:
" Nous avons préféré, lors de la transaction, fixer de manière rigide les pourcentages qui seraient prélevés en faveur de l'action d'aide au développement des professions artistiques plutôt que de laisser chaque année aux sociétés de perception le soin d'apprécier, dans un vote éventuellement disputé, les sommes qui seraient ainsi utilisées.
Cela débouchera rapidement sur l'affectation à la création ou à la formation des artistes de sommes importantes, d'une certaine façon distraites de l'augmentation potentielle du revenu des artistes. Nous effectuons, ce faisant, un transfert revenu-aide à l'emploi qui va dans le sens de la recherche d'un avenir plus fructueux pour les professions artistiques, que l'on sait menacées de ce point de vue "
(pièce n°12).

Il ressort de la glose de ce dernier paragraphe, qu'en prenant à contrario les affirmations du rapporteur de la commission mixte paritaire, le texte dissocie l'affectation des sommes visées à :
- la création ;
- la formation des artistes.

La conjonction "ou" est bien exclusive, ce qui vise à distinguer les deux idées qu'elle sépare.

Le Sénat a limité les actions d'aide à la diffusion à la seule "diffusion du spectacle vivant" entendu comme tout "spectacle qui ne résulte pas d'un enregistrement préalable" (séance du 4 avril 1985, intervention du Sénateur Charles JOLIBOIS, Journal Officiel du Vendredi 5 avril 1985, page 157). Dans cette même intervention, le Sénateur rapporteur Charles JOLIBOIS explique que :

"Cet amendement contient deux idées. La première, que nous reprenons, d'ailleurs, dans le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, est de saisir l'occasion de la création de nouvelles ressources pour contribuer à la diffusion du spectacle vivant. Cette expression peut choquer certains, mais il n'y en a pas d'autre. Nous entendons par là un spectacle qui ne résulte pas d'un enregistrement préalable et pour lequel de grands besoins d'aide et d'encouragements se font sentir à l'heure actuelle.
La deuxième idée, que personne ne devrait contester, consiste à promouvoir les actions de formation d'artistes."
(pièce n°13, A).

Le rapporteur est suffisamment clair, et il ne peut y avoir d'ambiguïté. Le texte adopté par l'Assemblée nationale retient cumulativement dans la première idée, l'aide à la création et à la diffusion du spectacle vivant. En y ajoutant la deuxième idée de la formation d'artiste et en limitant la première idée au spectacle vivant, il convient de comprendre que la limite s'applique à la première idée dans sa globalité; c'est à dire à la création et à la diffusion.

N'existant "pas d'autres expressions", et afin d'éviter une rédaction trop lourde, la limite au "spectacle vivant" ne fut rédigée qu'une seule fois à la fin de la première idée qu'est la création et la diffusion. D'après les débats, il est donc légitime de considérer que le texte limite également l'aide à la création aux spectacles vivants.

Cette position est confirmée lors de la même séance, par l’intervention du ministre de la culture, lequel s'était formellement opposé à l'adoption de l'amendement n° 57, qui prévoit la limitation des aides aux spectacles vivants. Monsieur Jack LANG marquait sa réticence sur ce point, en déclarant que "la commission limite le domaine d'affectation des sommes à l’aide à la création, à la diffusion de spectacles vivants et à la formation des artistes".

Monsieur Lang poursuivait en demandant "Pourquoi les industries du phonogramme et du vidéogramme ne pourraient-elles pas lancer des actions d'aide à la diffusion du film ou du disque (...)?". Enfin pour conclure, il exprima son souhait de "solidarité interprofessionnelle entre le spectacle vivant et le spectacle enregistré" (pièce n° 13).

Le ministre s’était donc exprimé sur ce point et n’a pas été suivi par le parlement qui adopta cet amendement n° 57 ; lequel se retrouve tel quel dans le texte définitif ; contre l’avis du gouvernement qui a clairement indiqué lors des débats les raisons de son désaccord.

L'analyse des deux chambres est concordante, et comme nous l'avons souligné précédemment, il ne peut y avoir d'ambiguïté.

Cette analyse juridique est confortée par le "rapport de la mission d'audit de l'ADAMI" (pièce n°14) établi par Monsieur Francis BECK, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles et Madame Anne BOLLIET, inspecteur général des finances. Il s’agit de l’une des sociétés de perception et de répartition des droits relevant du Titre II, Livre III du CPI. Suite aux critiques relatives à la gestion de l'ADAMI, émanant d’un certain nombre d’associés, la crédibilité de la société quant à la conformité de son fonctionnement avec la réglementation pouvait être remise en cause.

Cela expliqua cette mission d’audit qui s'inscrit dans le cadre de l'article L. 321-12 du CPI (prévoyant la transmission au ministre chargé de la culture des comptes annuels et de tous documents relatifs à la perception et à la répartition des droits par les SPRD). Les deux inspecteurs étaient chargés par le ministre de la culture de notamment, lui "donner un avis (...), à partir des comptes et des procédures mises en œuvre, sur la conformité de la gestion et de la répartition des droits avec la réglementation en vigueur et, plus largement, avec les intérêts des ayants droits".

À l’annexe 11 page 3 A de ce rapport qui date de février 1997, il est indiqué à juste titre que :
"le texte de la loi exclut donc du champ d'application de l'article L. 321-9 du CPI, les actions d'aide à la diffusion de films, de disques et de tous spectacles enregistrés au préalable" (pièce n°15).

Les rapporteurs constatent ensuite que l’ADAMI par une interprétation extensive de l'article L 321-9 du CPI a clairement étendu les aides à des activités de production phonographique et audiovisuel :
"L'ADAMI participe régulièrement au financement d'actions concernant la diffusion d'œuvres cinématographiques ( telles le Festival de Cannes ou Unifrance-films), alors que le législateur a limitativement énuméré les objectifs que doivent viser ces actions artistiques : création, diffusion du spectacle vivant et formation d'artistes. Les travaux préparatoires de la loi du 3 juillet 1985 sont très clairs à cet égard, et notamment la séance du 4 avril 1985 au Sénat au cours de laquelle le ministre de la culture avait déploré la limitation au seul spectacle vivant des actions de diffusion concernées" (voir le rapport page 45 § 3 - a, et annexes n° 11, page 2 ; pièces n° 14 & 15).

Les rapporteurs reconnaissent que cette interprétation extensive de l’article L 321-9 du CPI n’était pas conforme à la loi. Ils énoncent ainsi :
"le ministère de la culture n'a jamais contesté cet élargissement du champ d'application de la loi dans la mesure où il n'a jamais formulé aucune observation sur ce point à l'ADAMI, ni d'ailleurs aux autres S.P.R.D. qui interprètent également de manière très souple les critères fixés par la loi" (pièce n° 15, annexe n°11, p.3, B).

Il peut être intéressant de noter, en réponse à un autre argument invoqué par la ministre de la culture dans ses conclusions en réplique, que l’inspecteur général des affaires culturelles en charge de ce rapport, Monsieur Francis BECK, a été nommé PDG de l’INA (pièce n°16), établissement public industriel et commercial (Loi du 30 septembre 1986, article 49) (pièce n°17 ) sous tutelle du ministère de la culture et de l’inspection générale des affaires culturelles.

Cette nomination pourrait être sanctionnée en vertu de l’article 432-12 du code pénal (pièce n°18) qui vise la prise illégale d'intérêt. Grâce au décret attaqué, Monsieur Francis BECK, peut directement en sa nouvelle qualité de chef d’entreprise et dans le cadre de ses nouvelles activités de producteur d’œuvres audiovisuelles bénéficier des dispositions attaquées et ne sera sans doute pas tenté de rappeler les critiques qu’il avait formulées dans son rapport.

Cette analyse date de février 1997. Si à l'époque les inspecteurs généraux du ministre de la culture et du ministère des finances pensaient que cette utilisation des fonds de la copie privée remis à des SPRD n’était pas conforme à la loi, un décret ne peut évidemment pas les rendre d’avantage conforme à cette même loi. Seul le Parlement était en mesure de revenir sur la conception restrictive qu’il avait entendu donner à cette intervention des SPRD en 1985.

Il est intéressant de noter qu’un nouveau rapport (n° 2000/09 sur les SPRD, rapport dit "Mariani-Ducray"), émanant lui aussi des services du ministère de la culture (inspection générale de l'administration des affaires culturelles), et publié en février 2000 confirme à nouveau l’analyse de la société GRACE.

En effet, il y est formulé quelques observations d'ordre général sur la nature des activités conduites par les SPRD dans le cadre de l'article L 321-9 du CPI. Le rapport précise ainsi que :
" ces activités recouvrent un champ infiniment plus vaste que celui couvert par la loi : aide aux structures, aide à la diffusion (disques, films, télévision...), action internationale, actions d'intérêt général pour les professions concernées, attribution de prix..." ( pièce n° 19, A, §.IIIC5, p. 105).

Il ressort de ce rapport que le décret du 18 novembre 1998 précise des modalités de gestion des dépenses engagées au titre de l'article L 321-9 du CPI, mais la notion d'aide à la création fait l'objet, dans ce même texte, d'une double interprétation : restrictive et ouverte. Ainsi, les activités artistiques des SPRD se sont révélées infiniment plus larges que le champ des dépenses visées par la loi et couvrent, en fait, des dépenses d'une nature différente (pièce n° 19, le rapport § IIIA4, p. 85 et s.).

Il convient de préciser également que ce rapport, sur les SPRD, rédigé entre autre par Madame Francine Mariani-Ducray, chef du service de l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles, n’ignore pas que le décret fait l’objet d’un contentieux :

"Il convient de noter, enfin, que toutes les sociétés, pratiquement, financent au titre de l'article L 321-9 trois types d'actions sans doute conformes à la lettre du décret du 18 novembre 1998. Ce décret fait actuellement l'objet d'un contentieux au Conseil d'Etat.
" (pièce n° 19, § IIIC5, p.107).

" Cette situation, relevée dans le rapport d'audit sur l'ADAMI effectué par Madame Bolliet en 1997 a fait l'objet de quelques contentieux à l'encontre des SPRD de la part d'associations ou individus." ( pièce n°19, A, § IIIA4, p.86).

C'est donc à juste titre que la requérante considère que le décret susvisé, ne peut intégrer comme bénéficiant de l'aide à la création prévue par l'article L. 321-9 du CPI, ni les aides apportées à l’interprétation, ni celles apportées à la première fixation d’une œuvre ou d’une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme.

La requérante demande en conséquence au Conseil d'État de rejeter le troisième moyen, avancé par le ministre de la culture, pris en sa première branche, et d'annuler l’article R. 321-9 du CPI issu du décret attaqué.

2.2 - Sur la première fixation d'une œuvre :

* Selon le Ministre de la culture, “ L'aide à la création implique, bien entendu, des concours apportés à la création d'une œuvre, à son interprétation, mais peut également comprendre, sans méconnaître la loi, une aide pour faciliter la première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme, cette première fixation supposant, nécessairement, une prestation des auteurs et des artistes interprètes. Cette première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation constitue pour les intéressés un concours non négligeable à la création et à sa diffusion ultérieure au regard de la lourdeur de l'investissement que constitue la réalisation d'un "master ”.
Le décret étend en effet les possibilités d’intervention des SPRD aux aides “destinées à la première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme;“.

*Selon la Société GR.A.C.E., le ministre de la culture tente de justifier l’extension des aides au motif que la première fixation d’une œuvre sur un phonogramme constitue pour les intéressés "un concours non négligeable à la création et à la diffusion ultérieure au regard de la lourdeur de l’investissement que constitue la réalisation d’un master" (pièce n° 3, argument de la défense p. 6). Le décret d'élargit donc bien l'aide à la diffusion des œuvres sur support phonogramme et vidéogramme, contrairement à la volonté clairement exprimée par le législateur.

Ce faisant le ministre de la culture tente de tromper la religion du conseil en opérant un amalgame osé entre la création, qui concerne les œuvres et la fixation qui concerne les enregistrements. Le ministre de la culture essaie ainsi de faire croire que la réalisation d’un “ master ” (ce terme désigne le premier support de l’enregistrement définitif d’une oeuvre), relève d’une activité de création, alors que cette activité relève d’une activité d’enregistrement. C’est justement parce qu’il ne s’agit pas d’une création, et que cela n’est pas protégeable par le droit d’auteur que la loi de 1985 a reconnu des droits voisins des droits d’auteurs au producteur.

Le producteur de phonogramme est défini par l’article L. 213-1 du CPI comme celui
“ qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son. ”

On ne parle pas de création mais de fixation d’une interprétation.
Ce raisonnement est transposable en matière de vidéogrammes. En effet, l'article L. 215-1 du CPI définit le producteur de phonogramme comme celui :
“ qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisée ou non".

Dès lors ne s'agissant pas d'une création mais de la fixation d'une interprétation, la loi a organisé dans ces deux articles des droits voisins des droits d’auteurs au profit des producteurs.

De plus, alors que les ressources ainsi mises à la disposition des SPRD doivent en principe aller aux créateurs, le producteur de phonogramme ne passe en principe aucun contrat avec les auteurs et ne les rémunère pas. En effet, les auteurs ont le plus souvent adhéré à la SACEM ou à une société équivalente qui a seule le droit d’autoriser la reproduction des œuvres sur phonogrammes. Les auteurs ne sont rémunérés qu’en fonction des ventes et seulement si le disque se vend. Par le biais de délégations de créances à la SACEM, c’est même parfois l’auteur qui est contraint de rembourser au producteur sur les revenus provenant de ses autres création, la part de la production qui a permis la réalisation de la musique originale et son enregistrement. (Voir l’explication de ce mécanisme “ Cultivez-vous, il m’en restera toujours quelque chose ”, page 169 et s. – pièce n° 25).

Le budget de réalisation des “ masters ” des producteurs français ne contient le plus souvent aucune rémunération d’auteurs. Il en est d’ailleurs de même en matière audiovisuelle où moins de un pour cent des budgets de production est consacré au paiement des auteurs, lesquels ne sont payés que si le film génère des recettes. Ce n’est donc pas pour rien que le législateur avait entendu ne faire bénéficier que les créateurs de ces aides qui n’ont pas pour vocation à alimenter l’industrie et qui subissent de plus en plus d’atteinte à leur droit avec l’extension des nouveaux moyens techniques de reproduction et de diffusion.

Si le législateur avait voulu que ces aides aillent aux producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, auxquels la loi de 1985 a également consacré des droits nouveaux, il l’aurait clairement exprimé. Ainsi que nous l’avons précédemment présenté, lors de la séance du 4 avril 1985, le ministre de la culture, Monsieur Jack LANG s'était opposé à l'adoption de l'amendement n° 57 qui instituait la limite de l'affectation des sommes à l'aide à la création et à la diffusion au spectacles vivants uniquement (pièce n°13, B).

Il y a donc lieu de considérer que la réponse du Ministère sur ce point n'est pas pertinente, et ne saurait justifier l'interprétation extensive des textes.

Il convient de souligner que le défendeur se réfère à la doctrine du jurisclasseur (fasc. 1070, note 1; pièce n°20) pour considérer comme “ spectacle vivant ceux qui utilisent certains éléments préenregistrés voir télédiffusés en plus de la présence physique des artistes et selon un auteur autorisé, il en est de même si le spectacle vivant est enregistré soit pour le son, soit pour l’image, soit pour les deux puisque l’enregistrement suppose une performance de l’auteur ou de l’artiste interprète ” (pièce n°3, page 7 des conclusions du ministère) .

Ce faisant, le ministère de la culture tronque grossièrement le texte du jurisclasseur. En effet, il est écrit qu’en cas d’utilisation dans un spectacle vivant d’éléments préenregistrés, le producteur de spectacles doit respecter les droits des auteurs et des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes utilisés, et qu’il en est de même si le spectacle vivant est enregistré.
La phrase citée hors de son contexte est totalement dénaturée, le Conseil d’État ne pourra que relever le peu de sérieux de l’argumentaire du ministère acculé à de telles extrémités.

L’élément nécessaire et déterminant d'un spectacle vivant reste en tout état de cause la présence physique des artistes.
Dans un tel cas, d’ailleurs il n’est pas besoin d’avoir recours au subterfuge imaginé par le ministère de la culture. L’aide à la diffusion de spectacle vivant nous semble pouvoir parfaitement s’appliquer à des spectacles intégrant des parties préenregistrées. Insérées dans un spectacle vivant, elles n’en sont pas détachables et ne sauraient donc être considérées comme des aides à la fixation de phonogrammes ou de vidéogrammes.

Il peut par ailleurs être intéressant de noter que le seul "auteur autorisé" cité par la ministre de la culture, Monsieur Pierre CHESNAIS, est mis en cause dans le rapport précité sur l'ADAMI (annexe 11, p 7; pièce n°15), au travers de l’entreprise NOVOCOM dont il était le dirigeant, alors qu'il est également un ancien délégué général du Syndicat Français des Artistes qui a créé et contrôle toujours l’ADAMI, également ancien délégué général du Syndicat National de l’Edition Phonographique qui a créé et contrôle une autre société concernée par l’interprétation extensive du décret, la Société Civile des Producteurs de Phonogrammes (SCPP), Monsieur CHESNAIS étant incriminé dans l'application extensive des textes afin de bénéficier de fonds en vertu de l'article L. 321-9 du CPI.

Il est donc inopportun de se référer à cet auteur dont l'impartialité peut être contestée. De plus, ce dernier est lié d’une part au responsable de l’ADAMI en charge des dossiers de subventions (pièce n°50), et d’autre part au responsable administratif et financier de la SCPP (pièce n°21).

Plaise donc au Conseil d'Etat de rejeter sur ces motifs le troisième moyen, avancé par le ministre de la culture, pris en sa deuxième branche

2.3 - Sur la notion de création

Article L. 111-2 du CPI (pièce n°22) énonce :
" L'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur".
Il y a une incompatibilité entre la lettre de la loi et le décret qui vient la compléter. En définissant comme relevant de la création une "fixation de l'œuvre sur un phonogramme ou un vidéogramme", le décret précité, détourne les dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle, qui entend restreindre les aides à la diffusion uniquement au spectacle vivant.

Le ministre de la culture prétend que la première fixation de l'œuvre sur un phonogramme ou un vidéogramme constitue non plus une diffusion mais une création susceptible de bénéficier de l'aide légale.

La ministère de la Culture poursuit ainsi son amalgame et essaie de faire croire que le législateur n’a utilisé le terme de spectacle vivant qu’au regard des aides à la diffusion et que les aides à la création pouvaient englober tous types de création, y comprend celle de phonogrammes ou de vidéogrammes.
La position du ministère ne résiste pas à l’examen des travaux préparatoires qui présentent bien comme relevant d’une seule et même idée la création des œuvres et leur diffusion. Il n’est pas possible de se méprendre sur l’intention du législateur. S’il a entendu limiter les aides à la diffusion au seul spectacle vivant, c’est justement qu’il entendait exclure les aides à l’enregistrement et à la diffusion de phonogrammes et de vidéogrammes, ces aides intéressant d’abord le secteur économique de la production et non les auteurs et artistes interprètes.

L’analyse du ministère de la culture ne résiste pas davantage aux faits. S’il existe bien des œuvres audiovisuelles, lesquelles ne sauraient toutefois être confondues avec celles relevant du spectacle vivant, ainsi que nous l’avons déjà largement démontré dans nos écritures, la notion d’ “ œuvre phonographique ” est quant à elle totalement inconnue.

Selon les prétentions du ministre la "création" ne serait pas limitée au spectacle vivant, cette limitation se rapportant uniquement à la diffusion. Mais même en admettant cette thèse, on ne peut assimiler la première fixation sur un support phonogramme ou vidéogramme à de la création au sens légal.

En prétendant que “ l'œuvre ” audiovisuelle se crée par sa première fixation sur un support, le ministère de la culture montre combien il est éloigné du processus de création. En effet, l’article L. 121-5 du Code de la Propriété Intellectuelle règle cette question, et énonce :
“ L’œuvre audiovisuelle est réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d’un commun accord entre d’une part le réalisateur, ou éventuellement, les coauteurs, et d’autre part, le producteur. ”

Le processus de création d’une œuvre audiovisuelle n’est en effet absolument pas lié à la fixation. Le ministère oublie qu’entre la fixation des images et du son et l’établissement de la copie définitive, il peut se dérouler des mois, voir des années de travail, cette phase étant d’ailleurs aujourd’hui amplifiée par la technique des effets spéciaux et des insertions d’images de synthèse.
Ainsi le Ministère de la culture, soutient dans son bilan de l'action artistique des SPRD pour la période 1987-1994, une interprétation fort extensive du champ d'application de la loi. Il énonce en effet que :
"la notion de création (...) comprend aussi bien des actions préalables à la création elle même, qu'il s'agisse d'études, d'animation, de sensibilisation, que des actions postérieures aux créations (incitations à l'exportation de disques ou à des tournées à l'étranger)"
(pièce n°15, Rapport ADAMI, annexe 11, p°3, C).

Ce point de vue est hautement critiquable dans la mesure où cet argument n'est élaboré qu'à l'unique fin d'éluder l’application de la loi.

Cette analyse est confortée par le rapport "Mariani-Ducray" de février 2000 (pièce n°19, B). Ce rapport souligne que la notion d'aide à la création telle qu'elle ressort du décret 98-1040, fait l'objet d'une double interprétation : "
- restrictive, tout d'abord, dans l'alinéa a) qui énumère de façon très précise les quatre types d'activités susceptible d’entrer dans le champ des aides à la création et d'être financées dans le cadre de l'article L 321-9 ;
- ouverte, ensuite, dans l'alinéa b) qui étend la définition de l'aide à la création à toutes sortes " d'actions propres à assurer la défense et la promotion de la création".

Il en résulte selon le rapport précité que :
" les activités artistiques prises en charge par les SPRD se sont, en effet, révélées infiniment plus larges que le champ des dépenses visées par la loi et couvrent, en fait des dépenses d'une nature différente."
Le rapport précise que :
" la nouvelle formulation permet sans doute de légitimer désormais de telles pratiques. Il n'en demeure pas moins que subsiste une forme de contradiction au sein d'un même texte de ces deux alinéas et qu'un certain nombre d'ambiguïtés ou problèmes d'interprétation demeurent sur la nature des activités susceptibles d'être financées dans le cadre de l'article L 321-9".
Les dispositions sus-visées du décret attaqué opèrent donc bien un détournement de loi.

3 - sur la formation d'artistes :

Le ministre de la culture prétend que :
"C'est à tort que la requérante prétend que le décret ne pouvait pas prévoir dans le domaine de la formation que la formation aidée bénéficie aux auteurs comme aux artistes interprètes".
Pour lui, le terme “ d’artiste ” désigne tant les auteurs que les artistes. "Le législateur prévoyant l'aide aux actions de formation des artistes n'a pas entendu limiter cette aide à la seule formation des artistes interprètes. Si tel avait été le cas, il l'aurait précisé. En visant la "formation des artistes", la loi y a englobé les auteurs. En effet, il serait pour le moins paradoxal de dénier aux auteurs (compositeurs, écrivains, peintres, sculpteurs, concepteurs ...) la qualité d'artiste, comme le prétend la société GR.A.C.E., sans même tenter une démonstration du bien-fondé de son affirmation".

La société GR.A.C.E. considère quant à elle que le texte de loi n'évoque la possibilité d’intervention des SPRD dans le domaine de la formation qu’à destination des artistes et non des auteurs et que le décret attaqué détourne donc la loi également sur ce point.

Sur la notion d'artiste:


Le terme d’artiste est clairement défini par l’article L. 212-1 du CPI (issu de l'article 16 de la loi du 3 juillet 1985), lequel dispose que :
" à l'exclusion de l'artiste de complément, considéré comme tel par les usages professionnels, l'artiste-interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes" (pièce n°23).
Il en résulte que selon le sens de la loi la notion d'artiste recouvre "l'artiste interprète" et "l'artiste de complément".

Cette définition peut être complétée par celles qui figurent :
- à l'article 3.a de la convention de Rome, qui entend par artiste, "les acteurs chanteurs, musiciens, danseurs et autres personnes qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent de tout autre manière des œuvres littéraires ou artistiques."

Cette convention a été ratifiée par la France en date du 9 mars 1988 (JCP éd. G. 1988, III, 61364) et s’impose donc au ministre de la culture.
Cette analyse est également confortée par la définition de l’artiste qui figure à l'alinéa 3 de l'article L. 762-1 du Code du travail ; lequel énonce : "Sont considérés comme artistes du spectacle, notamment l'artiste lyrique, l'artiste dramatique, l'artiste chorégraphique, l'artiste de variétés, le musicien, le chansonnier, l'artiste de complément, le chef d'orchestre, l'arrangeur-orchestrateur et, pour l'exécution matérielle de sa conception artistique, le metteur en scène."

Cette définition du metteur en scène s’applique de façon identique au chorégraphe, au réalisateur audiovisuel et à tous les artistes ayant à la fois une fonction d’interprétation et de direction d’acteur et une fonction de création. Seule l’intervention de ces professionnels relative à l’exécution matérielle de la conception artistique relève de la définition de l’Artiste.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions, que le terme d' “ artiste ”au sens du CPI, comme d’ailleurs du code du travail (auquel renvoient les articles L. 212-3 et 212-6 du CPI) vise une fonction de représentation, d'exécution et d'interprétation, qui ne peut se confondre avec la qualité d'auteur qui consiste en une activité de création.

La distinction des notions “ d'auteur ” et “ d'artiste ” est une question d'importance capitale, et la Convention de Berne a de manière constante, dans sa lettre et dans son esprit, reconnu et limité au seul créateur, la qualité d'auteur.

Le législateur a toujours pris le soin de distinguer l'auteur de l'artiste. Le CPI, quand il entend désigner à la fois les artistes interprètes et les auteurs, le dit clairement, et aucune disposition de la loi ne fait d’amalgame entre ces deux notions.

Ainsi, par exemple, bien qu'accordant des droits équivalents, les articles L.121-1 et L.212-2 du CPI attribuent distinctement et respectivement à l'un "le respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre" et à l'autre " le respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation".

À défaut de toute précision dans les débats parlementaires sur ce point considéré comme suffisamment clair, il convient de se référer aux principes constants du CPI et différencier très clairement les notions d’artiste et d’auteur.

Par conséquent le décret fait à nouveau sur ce point une interprétation extensive de la disposition législative en dépit de la volonté du législateur.
Plaise au Conseil d'État de constater que cette disposition du décret attaqué opère un détournement de la loi, et doit en conséquence être annulée.

4°- Sur les "allégations" relatives aux pratiques des agents du ministère :

Selon le ministère de la culture, "les développements de ce paragraphe II commençant par " le décret tente de légaliser " et s'achevant par "ne va pas directement alimenter les entreprises de fonctionnaires et agents privés du ministère de la culture" se composent exclusivement d'insinuations et d'allégations diffamatoires pour les agents du ministère de la culture, comme pour le ministère lui-même, dans des conditions qui justifient que la ministre de la culture et de la communication sollicite la suppression de l'ensemble de ces développements en application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881".

Les allégations avancées par la société GR.A.C.E. "sont au demeurant totalement infondées. Elles constituent une série d'affirmations qui ne sont ni démontrées ni justifiées par le moindre commencement de preuve du sérieux d'imputations aussi graves" "En visant les "actions d'aide à la création" le législateur n'a pas entendu exclure les aides indirectes mais certainement efficaces pour la création que sont les actions propres à assurer sa défense et sa promotion. La disposition litigieuse s'inscrit bien dans le cadre législatif, que le décret attaqué avait pour objet de mettre en œuvre".

* Pour la société GRACE, ce "marché de la défense et de la promotion de la création, comme d’ailleurs celui de la diffusion des œuvres audiovisuelles est en effet occupé par plusieurs centaines d'entreprises créées illégalement par le Ministère de la culture et ses agents," et qui ont pour but de contrôler intégralement le marché de la culture.

Le Ministère de la culture, chargé de contrôler les sociétés civiles de gestion et de répartition des droits est en effet un des premiers bénéficiaires des aides de ces sociétés. À titre d'exemple, le gérant de l'ADAMI, société civile sous tutelle du ministère de la culture, qui a été élu fin 1998 est un agent du Ministère de la culture, salarié de l'Institut de Recherche pour les Musiques Actuelles, organisme considéré par la ministre de la culture comme relevant de ses services. Le journal Le Monde s'est d'ailleurs fait l'écho de cette bizarrerie (pièce n° 24, journal Le Monde du 29 décembre 1998).

Le décret du 18 novembre a donc pour effet de permettre aux sociétés civiles de financer les associations de promotion de la création des fonctionnaires du Ministère de la Culture chargées de les contrôler et d'acheter le silence des syndicats professionnels en leur permettant de récupérer une partie de l'argent ainsi détourné de son objectif. Il tente donc de réglementer un système de corruption et de permettre ainsi aux fonctionnaires du Ministère de la culture d'étendre considérablement leur pouvoir sur le marché de la culture.

Ce décret est contraire au principe général d'indépendance et d'impartialité de l'administration de l'État qui n'a pas à permettre aux organismes qu'elle a pour mission de contrôler de les rémunérer. Seul le Parlement est en effet compétent pour voter l'impôt et celui-ci est attribué globalement au budget de l'État et ne va pas directement alimenter les entreprises des fonctionnaires et agents privés du Ministère de la culture.

De plus cet argent va fort peu à la création et beaucoup au paiement des structures permanentes et de leurs agents, ainsi que le note fort justement le rapport de la cour des comptes de janvier 2000 consacré aux relations entre le ministère de la culture et les associations.

La société GR.A.C.E. entend apporter la preuve de ces affirmations et est heureuse de constater que la ministre les considère effectivement comme très graves et qu’elle aura tout à fait la possibilité de transmettre le dossier de la Société G.R.A.C.E et les pièces qui y sont jointes au Procureur de la République.

Le Rapport d’inspection de l’ADAMI réalisé par un inspecteur général du ministère de la culture et un inspecteur du ministère des finances, donne quelques exemples très précis des affirmations de la société GR.A.C.E. et du financement par les sociétés civiles de perception et répartitions d’un certain nombre d’associations para-administratives du ministère de la culture, voire de sociétés privées dirigées par des agents du ministère de la culture en situation de prise illégale d’intérêts.

Nous ne citerons que quelques exemples qui nous ont semblé fort éloquents (pièce n° 25, p.43-70).

4.1 - Le festival d’Avignon
(pièce n° 15, page 7)

Le festival d’Avignon est une association selon la loi de 1901. Cette association est majoritairement financée par des fonds publics, émanant notamment du ministère de la culture (voir pièce n° 26, programme officiel du festival d'Avignon 2000).

Cette association gère le festival d’Avignon considéré comme la première des manifestations de théâtre à vocation nationale et internationale subventionnée par le ministère de la culture (pièce n°27).

Cette association dispose d’une délégation de mission de service public culturel, voir d’un marché public culturel sans qu’il n’y ait jamais eu ni appel d’offre, ni mise en concurrence, contrairement aux dispositions relatives aux marchés publics et aux délégations de service public. Elle perçoit chaque année des sommes fort conséquentes de l’ADAMI au titre de l’action culturelle, c’est-à-dire des fonds non répartissables que le décret attaqué vient réglementer.
Ainsi en 1995, l'ADAMI a financé ce festival, au titre de l'article L. 321-9 du CPI, à hauteur de 2 138 000 F (Annexe n° 11 p.7 du rapport de la mission d'audit de l'ADAMI, pièce n°15, et pièce n° 26). La brochure du festival pour l’année 2000 montre que l’ADAMI continue à financer très régulièrement ce festival.

Par ailleurs, l'association est littéralement intégrée à l'organigramme du Ministère. Dans une de ses brochures, la direction du théâtre et des spectacles du ministère de la culture en évoque un financement direct en raison de sa vocation nationale et internationale (pièce n°27).

Le rapport MARIANI DUCRAY prend lui aussi pour exemple les subventions des SPRD au festival d’Avignon pour souligner l'opacité qui entoure la gestion des SPRD pour ce qui est du montant des budgets effectivement affectés à des actions artistiques d'intérêt général au titre de l'article L.321-9 du CPI.
"Les aides aux structures, assorties d'un montant de subvention, ne permettent pas plus de déterminer la nature de l'aide ou de l'opération financière : une même subvention à un organisme tel que le Festival de Cannes, le MIDEM ou le Festival d'Avignon, peut aussi bien recouvrir la location d'un stand, la tenue d'un colloque que l'aide à la création pour de jeunes artistes..."

"Il est donc à ce stade légitime de s'interroger sur la capacité réelle donnée à l'Assemblée Générale de ces sociétés de contrôler de près ou de loin les dépenses engagées au titre de l'article L.321-9 et, accessoirement, aux services du Ministère de la Culture, d'en avoir une vision détaillée" (pièce n°19, p° 104 - 105).

Cette association du festival d’Avignon qui gère une activité de spectacle public par nature commerciale en application de l’article 632 du code du commerce est de plus actuellement dirigée par Monsieur Bernard FAIVRE d’ARCIER, fonctionnaire du ministère de la culture en détachement, qui occupait précédemment les fonctions de Directeur du Théâtre et des Spectacles au ministère de la culture, c’est-à-dire de l’administration de tutelle dudit festival. Il a d’ailleurs fait à deux fois depuis 1989 le va et vient entre ses fonctions à la direction du ministère et celles à la direction du festival (Voir sur cette question la pièce n° 25, "Cultivez-vous !...", p. 90, p. 288 et s. Les faits présentés dans cet ouvrage publié en 1998 étant aujourd’hui prescrits, nous ne reproduisons pas cette pièce et vous invitons à vous reporter à la lecture de cet ouvrage).

L’examen du programme du festival d’Avignon illustre clairement ce propos. La plupart des spectacles présentés dans ce festival et subventionnés également directement par l’ADAMI sont coproduits par des structures associatives ou commerciales sous tutelle étroite du ministère de la culture qui en contrôle la vie sociale, les budgets et en nomme les dirigeants, quand il ne s’immisce pas de façon beaucoup plus directe et permanente dans leur gestion. Ainsi des centres dramatiques nationaux (CDN) pour lesquels il existe un arrêté publié au Journal officiel montrant clairement que ces SARL ou SA sont directement dirigées par le ministère de la culture et son directeur du théâtre et des spectacles qui en nomme les PDG, gérants, et responsables administratifs. (pièces 25, p 320 et suiv ; 28 ; 29 ; 30) en dehors de tout cadre légal.

À titre d’exemple le spectacle "Monnaie de Singes" (pièce n° 26, p.11), est coproduit entre autre par le Théâtre de la ville de Paris, le Théâtre de la Manufacture (CDN Nancy-Lorraine) et le festival d'Avignon. Ce spectacle bénéficie également du soutien de l'Association française d'Action artistique (association para-administrative illégale du ministère des Affaires étrangères) et du concours de l'ADAMI, présente en tant que coproducteur d'une grande partie des spectacles du festival.

Le festival d’AVIGNON intègre également une production de l’ADAMI sur invitations, intitulée "Adami, Paroles d'acteurs", qui est de fait une opération de communication de l’ADAMI, accueillie par le festival d’AVIGNON (pièce n° 26, p.17).

L’ADAMI n’est pas la seule SPRD à financer le festival d’AVIGNON. Le programme de l’édition 2000 montre que la SACD (société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), finance une opération danse (pièce n° 26, p.19). Cette opération est mise en œuvre et présentée par Madame Karine SAPORTA, présidente de la commission danse de la SACD (pièce n°31), qui dirige par ailleurs le Centre Chorégraphique National de Caen, association loi de 1901, titulaire d’une délégation de mission public sans délégation légale, ni respect des règles de marché public, laquelle devrait avoir la qualité d’agent public et ne devrait même pas percevoir de droits d’auteurs pour les spectacles qu’elle crée dans le cadre de sa mission de service public, avec l’argent public, et les outils du service public (pièce n° 32 et pièce n° 33).

La SACD finance également le festival d’Avignon par le biais de l’association Beaumarchais, association liée à la SACD, (pièce n°34). L’en-tête de ce document précise que l’association BEAUMARCHAIS a un accord particulier avec le festival d’Avignon qu’elle finance. Le conseil d’administration de l’association Beaumarchais comprend : Monsieur François BRAIZE, sous directeur des Affaires Juridiques au ministère de la Culture (en charge de la propriété intellectuelle et du contrôle juridique des sociétés d’auteurs…), Monsieur Alain DONZEL, haut fonctionnaire au Centre National de la Cinématographie (Ministère de la culture), Monsieur Bernard Faivre d’Arcier, Directeur du festival d’Avignon et ancien directeur du Théâtre au ministère de la culture, Madame Karine SAPORTA, directrice du Centre Chorégraphique National de Caen (Ministère de la culture), vice présidente de la SACD…

L’Association Beaumarchais a pour objet d’assurer la Promotion des œuvres qu’elle soutient dans les milieux professionnels.
Le Festival d’AVIGNON n’est pas seulement financé par le ministère de la culture, il en est une émanation directe, dans le cadre duquel sont accueillies de nombreuses structures illégales du ministère de la culture. L’argent de la création, au lieu d’aller aux artistes, va aux productions du ministère de la culture et de ses “ filiales ”, et tout cela dans la plus parfaite illégalité, puisque la quasi totalité de ces intervenants pourraient encourir de lourdes sanctions pénales. Le décret attaqué permet de financer ce type d’entreprises illégales en toute sérénité sur les fonds en provenance de l’action culturelle des sociétés d’auteurs et d’artistes, sensées être contrôlées par ceux-là même qu’elles financent.

La société GRACE n’est pas la seule à se demander comment des irrégularités aussi graves peuvent être commises par le ministre de la culture sans que les juges ne réagissent. On peut ainsi citer l'intervention d’un Maître de conférences en droit à l'Université d'Aix-Marseille III, Madame France GUILLEMONAT, en 1995 lors d'un colloque sur les "approches comparatives en économie de la culture".

En effet, Madame GUILLEMONAT s'étonnait que :
" les pouvoirs publics se dissimulent derrière des statuts privés ou non lucratifs qui leur sont normalement interdits...".
et que: "La France, pour sa part, est sans doute le pire exemple de confusion que l'on puisse proposer puisque l'État lui-même donne l'exemple en intégrant très officiellement dans l'organigramme d'un ministère une association à but non-lucratif dont le statut est officiellement privé. Les lois françaises sont sévères à l'égard de ce genre de pratique qui relèvent du détournement de fonds publics. Il n'en demeure pas moins que les errements persistent depuis de longues années sans pour autant attirer l'attention des tribunaux" (pièce n°35, p.3).

Le journal de la CGT Spectacles,, “ Plateaux ” s’insurge également contre le financement de toutes ces entreprises privées par des fonds publics avec pour seule règle l’arbitraire et le copinage (pièce n°36)

Le rapport de la Cour des comptes de janvier 2000 s’interroge lui aussi sur les relations entre le ministre de la culture et ces associations et contient des affirmations similaires (pièce n°37).

Un article du Monde du 4 février 1999 montre également la “ bizarrerie ” des entreprises privées du ministère de la culture (pièce n°38).

4.2 - Le festival de Cannes

Cette association selon la loi de 1901 est également subventionnée de façon conséquente par l’ADAMI, le CNC (Centre National de la Cinématographie), et d’autres SPRD (Annexe n°11 p.8 du rapport de la mission d'audit de l'ADAMI, pièce n° 15). Cette association relève de ce qu’il convient d’appeler une association para administrative, pratique interdite et hautement condamnable.

Ce festival a bénéficié au titre de l'article L.321-9 du CPI d'une aide totale de la part de la seule ADAMI pour 1996 de 1 580 000 F. Comme le Festival d'Avignon, le Festival de Cannes est expressément visé par le rapport MARIANI-DUCRAY.

Dans des brochures éditées par le Ministère de la culture pour le Centre National de la Cinématographie (CNC), le festival international du film de CANNES est cité comme "grande institution ” alors que cette "institution" est une association selon la loi de 1901 intégrée dans l’organigramme du ministère de la culture (pièce n°39). De plus son financement est assuré par :
"Les subventions du ministère de la Culture, du centre national de la cinématographie, de la ville de Cannes, du ministère des Affaires étrangères, du département des Alpes-Maritimes et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur" (pièce n° 39, guide du CNC).

Le CNC est un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, institué par la loi du 25 octobre 1946, et placé sous l'autorité du ministre de la Culture. Dans le cadre de ses aides aux manifestations nationales et internationales, une aide est accordée au festival de Cannes.

Le financement du festival international du film prouve le caractère para-administratif de cette association.

4.3 - Le CIOD Centre d’information et d’orientation du danseur,

Il s’agit d’un organisme intégré au Centre National de la Danse, établissement public industriel et commercial présidé par Madame Anne CHIFFERT, inspecteur général du ministère de la culture, ancienne directrice de la musique et de la danse du ministère de la culture, qui semble d’ailleurs en situation d’infraction au regard de l’article L. 213-4 du Code pénal (infraction non prescrite) (pièce n° 25, p.92). En effet, à ce titre, elle signait ainsi en décembre 1997 une convention (pièce n°40) sur la mission du Fonds pour la création musicale (FCM), association de défense et de promotion de la création musicale, financée par six sociétés civiles de l’industrie musicale sur les fonds provenant des financements de l’article L. 321-9 du CPI, association dirigée par Didier BOUTLEUX, ancien directeur de l’IRMA, association para-administrative intégrée dans l’organigramme du ministère de la culture.

Les subventions dont le CIOD a bénéficiées, sont critiquées par le rapport ADAMI (pièce n°15, annexe n° 11, p.10).

"En 1995, l'aide accordée par l'ADAMI a été assortie de la demande de prise en charge par le CIOD de la fabrication, de l'édition et de la diffusion d'une brochure conçue par l'ADAMI à destination des danseurs. Cette dépense doit donc être conçue comme une dépense de communication de l'ADAMI, et non comme l'aide à la formation d'artistes visée par l'article L.321-9".


Ce rapport illustre bien les pratiques dénoncées par la société GRACE, que le décret contesté tente de légaliser.

Le CIOD était présidé précédemment par Monsieur André LARQUIE, fonctionnaire en détachement ( pièce n°41), responsable de nombreuses entreprises de spectacle privées subventionnées, ancien conseiller technique du Premier ministre pour la culture.

Le TCD, dont dépendait le CIOD avant son intégration au sein du Centre National de la Danse percevait en 1997 du ministère de la culture la somme de 8 560 000 F . Le Centre National de la Danse qui lui a succédé gère de nombreux marchés publics et missions de service public sans qu’il y ait jamais eu d’appel d’offre et mise en concurrence (pièce n° 52).

4.4 - UNIFRANCE

L'Association nationale pour la diffusion du film français à l'étranger Unifrance film international, a été fondée en 1949. Il s‘agit d’une association selon la loi du 1er juillet 1901.

Jusqu'en 1998, le directeur de la direction des affaires européennes et internationales du CNC, Madame DEVAUCHELLE-CARRERE D'ENCAUSSE, était membre de droit des instances dirigeantes d'Unifrance film international, et y exerçait la fonction de commissaire du gouvernement (pièces n° 42 et 43). Le CNC qui, doit-on le rappeler, est sous la tutelle du ministère de la Culture.

De plus, parmi les membres du comité directeur, siégeant de plein droit, on retrouve régulièrement un représentant du Ministère de la Culture. Ainsi siégeait en 1996 Monsieur BALDELLI et depuis 1998 Madame PERRAS (pièce n° 42).

Or, les ressources de l'association comprennent principalement des subventions qui lui sont accordées par le ministère de la Culture et le CNC ( pièce n° 30, guide du CNC p.217).

Cette association pour la promotion du cinéma français dans le monde est également citée dans le rapport sur l'ADAMI ( pièce n° 15, annexe 11, p. 14, et annexe 14 ) :
"Un échange de correspondance entre l'ADAMI et Unifrance indique une volonté de l'ADAMI de faire prendre en charge par cet organisme certaines de ses propres charges de fonctionnement ( frais de transport et d'hébergement de son représentant sur l'ensemble des opérations organisées à l'étranger). Unifrance a limité cette prise en charge au seul festival de Yokohama, pour un coût de 30 000 francs, expliquant que la satisfaction de la demande de l'ADAMI "excéderait le montant de (son) apport et rendrait caduc, a fortiori, un solde financier au bénéfice de l'association".

Outre l'opacité de la gestion de cette association, son caractère para-administratif illustre bien le détournement du principe associatif et de l'objectif de partenariat poursuivi par le ministère et le financement au titre de l’article L. 321-9 du CPI des organismes développant des “ actions propres à assurer la défense et la promotion de la création qui la plupart du temps des filiales du ministère de a culture sous forme associative.

L’association UNIFRANCE film a perçu en 1997 la somme de 48 120 000 F et continue à percevoir chaque année des subvention de cet ordre sans appel d’offre ni mise en concurrence (pièce n° 52).

4.5 - l’IFCIC, institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles.

L’examen des associations subventionnées par la Société des Auteurs Compositeurs et Éditeurs de musique (SACEM), premier organisme français de perception et de répartition de droits, pour l’année 1997 (pièce n°44) montre à titre d’exemple que la SACEM subventionne elle aussi au titre de l’action culturelle l’IFCIC, dirigées très régulièrement par des hauts fonctionnaires du ministère de la culture qui semblent être en situation d’infraction au regard de l’article L. 213 du code pénal :

- Monsieur Dominique WALLON en est le président depuis le 25 avril 2000, il était précédemment Directeur du théâtre, de la musique, du spectacle et de la danse au Ministère de la culture, (DMDTS au ministère de la culture où il avait été nommé en 1997 et dont il a démissionné en janvier 2000) il occupait ce poste en novembre 1998, date du décret (pièces n°45 et 46).

L’IFCIC arrive en premier sur la liste de la SACEM des organismes bénéficiant des aides au titre de l’action culturelle. Il s’agit d’un établissement financier. Il est financé au titre des “ actions de soutien à la production de phonogrammes… ” (pièce n°47).

On comprend mieux l’intérêt de l’un des principaux artisans de ce décret à étendre l’intervention des sociétés d’auteur dans le domaine des phonogrammes puisque les sociétés d’auteurs du monde de la musique dont il assurait en partie la tutelle en sa qualité de directeur du ministère de la culture peuvent désormais le subventionner dans le cadre de ces nouvelles fonctions sur la base du décret attaqué. Un tel exemple n’est hélas pas isolé au sein du ministère de la culture, ces faits ne sont pas prescrits sur le plan pénal.

Il est possible de noter par ailleurs que le sous-directeur du ministère de la culture, en charge de la propriété intellectuelle et qui a également travaillé à ce décret, Monsieur FLORENSON, est aujourd’hui expert du GESAC, organismes de coopération des sociétés d’auteur, présidé par le même responsable que la SACEM (pièce n° 47), situation passible de sanctions pénales.

4.6 - Le Centre de Documentation de la musique contemporaine CDMC, est également une association sous tutelle du ministère de la culture et de la SACEM, financée presque exclusivement par eux.

En décembre 1997, le bureau du CDMC était composé de Monsieur Stéphane MARTIN, Directeur de la musique et de la danse au ministère de la culture, Président, Monsieur Jean-Loup TOURNIER, Président du directoire de la SACEM, trésorier (pièce n° 51 et page 56 de l’ouvrage “ Cultivez-vous, il m’en restera toujours quelque chose ”, pièce n° 25). Le bureau du CDMC a été modifié en décembre 1998 et comprend depuis au poste de Secrétaire général adjoint, M. IZARD, Directeur délégué de la Sacem (pièce n°48).

Il ressort des statuts (pièce n°48), que l'État par le biais du Ministère chargé de la Culture est membre fondateur de cette association.

Le ministère de la culture ne peut donc ignorer que les fonds à répartir en application de l’article L.321-9 du CPI, alimentent dans les faits des structures satellites du ministère de la culture et de la SACEM.

Le CDMC a perçu en 1997 de la SACEM la somme de 1 565 000 F (pièce n° 44) et la somme de 1 030 000 F du Ministère de la culture (pièce n° 52).

4-7 - L’IRMA

Les aides à des structures d’information et de diffusion concernent notamment également des associations telles que l’Institut de Recherche pour les Musiques Actuelles.

L’IRMA était, jusqu'au 10 Octobre 1996, dirigée par Monsieur DUTERTRE (pièces n° 24), membre du bureau de l'ADAMI et trésorier de cette société civile d’artistes depuis le 12 janvier 1999 (pièce n° 49, la lettre de l'ADAMI). Or, l'IRMA est subventionnée à hauteur de 150 000 francs par l'ADAMI.
L’IRMA a perçu de la SACEM en 1997 la somme de 180 000 F (pièce n° 44) et 4 500 000 F du ministère de la culture (pièce n° 52) sans appel d’offre ni mise en concurrence.

La Cour des comptes vient de montrer l’importance du problème
Le dernier rapport de la Cour des comptes de janvier 2000 contient un chapitre consacré aux rapports entre le ministère de la culture et les “ associations ” culturelles et montre lui aussi clairement que de nombreuses entreprises associatives visées par ce dossier sont en fait des associations para-administratives qui permettent le dévoiement de toutes les règles du droit public.

Ce rapport de la Cour des comptes de janvier 2000 dénonce le détournement du principe associatif et de l’objectif de partenariat poursuivi par le ministère de la culture dans ses rapports avec les associations (pièce n° 37, p. 562).

Le Rapport public 1999 de la Cour des Comptes reprend la définition des "associations para-administratives" telle qu'elle résulte du rapport de 1995. Ces associations para-administratives :

"peuvent constituer des démembrements de l'administration, et dont la dépendance à l'égard de celle-ci se manifeste par les trois critères suivants:
- sur le plan administratif, les organes dirigeants et l'association sont composés en majorité, voire de façon exclusive, d'élus ou de fonctionnaires;
- sur le plan matériel, ces associations dépendent, pour la quasi totalité de leurs ressources, des subventions ou des concours en nature de la collectivité, qu'il s'agisse d'immeubles, d'équipement ou de personnel; la part des cotisations dans leur financement est nulle ou très faible;
- sur le plan fonctionnel, ces associations exercent généralement des activités ayant le caractère de service public marqué."
(pièce n°37).

Ce rapport montre clairement comment les responsables de ces multiples associations d’aide et de promotion de la création financent en fait des responsables du ministère de la culture. Ce sont ces mêmes associations que le décret attaqué entend faire bénéficier des financements prévus par l’article L. 321-9 du CPI.

Ces quelques exemples montrent clairement que le décret du 18 novembre 1998 en prévoyant la possibilité pour les sociétés civiles de perception et de répartition des droits, de financer des actions propres à assurer la défense t la promotion de la création, entend dans les faits légaliser les pratiques de subventionnement par ces sociétés des entreprises para administratives ayant justement cet objet social et souvent dirigées par des fonctionnaires ou agents du ministère de la culture.

La Société G.R.A.C.E n’a pas accès aux documents des sociétés civiles de gestion et de répartitions du ministère de la culture concernant la répartition des aides. Ce document est prévu à l’article L 321-12 du CPI et les SPRD doivent le communiquer chaque année au ministère de la culture. Si le Conseil d’État ne se considère pas comme suffisamment éclairé par les quelques exemples ci-dessus développés, il usera de son pouvoir inquisitorial pour demander à la ministre de la culture de fournir aux débats les documents détaillant les entreprises bénéficiant des aides des sociétés SPRD au titre de l’action culturelle.

La fourniture de ce document permettra à la société GR.A.C.E., si cela est encore nécessaire, de montrer qu’en tentant de légaliser les aides aux actions propres à assurer la défense et la promotion de la création, idée totalement absente de l’article L.321-9 du CPI, la ministre de la culture et le premier ministre veulent en fait légaliser un mécanisme de détournement de fonds au profit des propres services, hauts fonctionnaires et agents publics du ministère de la culture.

Le Conseil d’État constatera que la société G.R.A.C.E apporte les preuves de ses propos et qu’il n’y a donc pas lieu à les considérer comme injurieux et diffamatoires puisqu’ils relatent la vérité.

Si le Conseil d’État considère que ces propos mettent en cause des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, il pourra également à titre préjudiciel saisir la Cour de Justice de la République de la question.
Plaise en conséquence au Conseil d'annuler le nouvel article R 321-9 du CPI, issu du décret attaqué pour violation de la loi.

 
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