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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Conclusions de Monsieur LAMY, Commissaire du gouvernement

N°202.076
N° 203.626

Séance du 8 novembre 2000
Lecture du 8 décembre 2000

CONCLUSiONS
Monsieur LAMY, Commissaire du gouvernement



      Le régime français des droits d'auteur est principalement défini par la loi du 11 mars 1957, qui consacre le droit personnel de l'auteur sur chacune de ses œuvres, et la loi du 3juillet I 985, qui élargit le champ des droits patrimoniaux des auteurs et pose le principe de droits patrimoniaux pour les artistes-interprètes et les producteurs. Ces droits spécifiques de propriété intellectuelle reconnus aux artistes-interprètes sont distincts de ceux des producteurs, à la différence du système américain dans lequel la propriété des œuvres et des droits qui en sont issus sont définitivement acquis par les producteurs (système du copyright).

      Aux termes des articles 18 et 19 de la loi de 1985, la fixation de la prestation de l'artiste-interprete, sa reproduction et sa communication au public, l'utilisation du son ou de Limage de cette prestation est soumise à une autorisation écrite de l'artiste-interprète et donne lieu à une rémunération, fixée par contrat par convention collective ou selon un barème.
     
     Les rémunérations issues de la cession commerciale et de la rediffusion des productions sont perçues et gérées par les "sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogramme et de vidéogramme" (SPRD), sociétés civiles dont les associés doivent être des auteurs, des artistes-interprètes. des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, des éditeurs, ou leurs ayants droit. Les plus connues sont la SACEM, la SACD, l'ADAMI. Elles regroupent quelques 135.000 associés et 60.000 autres ayants droit, et gèrent un répertoire d'environ 7 millions d'œuvres.

     En instituant de nouveaux droits, en particulier sur la copie privée audiovisuel]e et sonore correspondant au marché des cassettes vierges, la loi de 1985 a été à l'origine d'un important accroissement des sommes gérées par les SPRD (près de 5 milliard de francs en 1997).

     En 1985 le législateur avait d'autre part décidé qu'une partie des sommes perçues par les SPRD ne pouvant être réparties entre associés et ayants droits, et celles provenant de la rémunération par copie privée, devraient servir A financer la création et la formation artistique. C'était l'objet de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle.

     Un "audit" de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles réalisé en 1997 a critiqué en termes sévères l'utilisation par Î'ADAMI des fonds devant être affectés à des actions artistiques, une partie d'entre eux finançant en fait d'autres dépenses.

     L'article L321-9 du Code de la propriété intellectuelle a été modifié par une loi du 27/03/97 en vue de préciser l'utilisation de ces sommes et donc mieux garantir une affectation conforme à la destination voulue par le législateur.

     L'association "protection des ayants droit" et la société "groupement des artistes et concepteurs créateurs d'environnement" (GRACE) vous demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 18 novembre 1998, insérant dans la partie réglementaire des articles R. 321.8 et R.321- 9, pris pour l'application de l'article L 321-9 nouveau.

    Vous joindrez ces deux requêtes pour y statuer par une même décision.

   Vous commencerez par rejeter les conclusions du ministre de la culture
tendant à ce que vous donniez acte du désistement de la société "G.R.A.C.E'.

     S'il est vrai que la requête de la société était intitulée "requête sommaire", elle ne portait toutefois pas mention de 1'intention de produire un mémoire comp1émentaire. La circonstance qu'aucun mémoire complémentaire n'ait été produit dans le délai de 4 mois ne doit donc pas vous conduire, en application de l'article 53-3 du décret du 30/07/63. à prononcer le désistement d'office de la requête.

     D'autre part, contrairement à ce que soutient le ministre de la culture. M. Zeitoun, gérant de la société civile "G.R.A.C.E." était habilité à la représenter puisque d'après l'article 18 § 2-2 des statuts, son gérant a donc plein droit qualité pour agir en justice au nom de celle-ci.

     Le moyen essentiel, commun aux deux requêtes, est tiré de ce que le décret attaqué aurait donné à la notion d'aide à la création une portée extensive, illégale au regard de l'article L. 321-9.

     Citons les dispositions en cause. Selon l'article L. 321-9 nouveau : " Ces sociétés uti1isent à des actions d'aide à la création. à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formationdes artistes ":

     1°. 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée;

     2°. La totalité des sommes perçues en application des articles L. 122-10. L. 132-20-1, L. 214-1, L. 217-2 et L.311 - 1 et qui n'ont pu être réparties à l'expiration du délai prévu au dernier alinéa de l'article L. 321-1.

     ("Elles peuvent utiliser à ces actions tout ou partie des sommes visées au 20 à compter de la fin de la cinquième année suivant la date de leur mise en répartition, sans préjudice des demandes de paiement des droits non prescrits".

B.- Le second alinéa est ainsi rédigé "Le montant et l'utilisation de ces sommes font l'objet, chaque année, d'un rapport des sociétés de perception et de répartition des droits au ministre chargé de la culture. Le commissaire aux comptes vérifie la sincérité et la concordance avec les documents comptables de la société des informations contenues dans ce rapport. Il établit à cet effet un rapport spécial".)

     L'article R. .321-9 est ainsi rédigé :

"L'aide à la création mentionnée à l'article L. 321-9 s'entend : a) d'une part. des concours apportés à la citation d'une œuvre, à son interprétation, à la première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme ; b) d'autre part, des actions propres à assurer la défense et la promotion de la création. L'aide à la formation d'artistes mentionnée au même article s'entend de la formation d'auteurs et donc la formation d'artistes-interpretes".

     Vous relèverez que l'article L 321-9 ne renvoyait pas à un décret d'application, et qu'il était suffisamment précis pour se suffire à lui-même. Rien n'interdisait toutefois au pouvoir réglementaire d'intervenir dès lors du moins qu'il ne donnait pas à la notion d'aide à la création au sens de l'article L. 321-9 une définition et une portée différente.

     Les requérants soutiennent que c'est le cas en ce que cette définition est trop large, ce qui permettrait de légaliser des pratiques condamnables consistant dans le financement par les SPRD d'actions étrangères à l'aide à la création proprement dite.

     - Les requérants s'en prennent d'abord aux concours apporté à la première fixation dune œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme - disque par ex.. ou - un vidéogramme -vidéodisque ou vidéocassette par exemple.

     S'agit-il d'une aide à la création d'une œuvre ? Ou d'une aide à sa diffusion ?

     L'aide à la diffusion n'est prévue par l'article L. 321-9 que pour les spectacles vivants telles les représentations théâtrales ou lyriques. L'aide à la diffusion n'est pas prévue dans le cas des œuvres autres que les spectacles vivants.

     Nous sommes d'avis que la première fixation d'une œuvre. C'est-à-dire par exemple, l'enregistrement d'un disque dans un studio, fait bien partie, de la création de l'œuvre. L'œuvre n'existe pas, matériellement, tant que cette étape,
la dernière de sa création - n'est pas réalisée. L'enregistrement participe selon nous directement à la création de l'œuvre. Celle-ci ne s'achève qu'à ce stade et pas avant. Avant, l'œuvre est sans doute conçue, mais elle est à l'état virtuel, elle n'a pas encore pris forme, et ce d'autant plus que la technique, les effets spéciaux jouent aujourd'hui un rôle important dans la réalisation d'une œuvre. Point n'est besoin de rechercher dans les travaux préparatoires - fort riches au demeurant - l'intention du législateur sur ce point. La notion de création d'une œuvre est, au regard de la question posée, claire.

     - Les requérants critiquent ensuite la définition donnée par le décret aux "actions de formation des artistes" qui selon l'article L. 321-9 peuvent également être aidées par les SPRD. Le décret précise qu'elle s'entend "de la formation d'auteurs et de la formation d'artistes-interprètes". Les requérants contestent l'aide à la formation d'auteurs.

     Certes l'artiste - terme employé à l'article L. 321-9 - et l'auteur que vise également l'article R. 321-9 ont dans notre langue des définitions qui ne recouvrent pas exactement la même réalité : un philosophe sera l'auteur d'un ouvrage niais pas un artiste, un compositeur de musique est un auteur et un artiste à la fois. Mais en l'espèce, s'agissant des sociétés de perception et de réparation des droits d'auteur et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogramme et de vidéogramme, les deux notions se recoupent. L'auteur, puisqu'il s'agit ici de disciplines appartenant aux beaux arts, est en même temps un artiste au sens de l'article L.321-9.

     Au surplus, il ressort clairement des travaux préparatoires que ces aides à la formation ont été conçues comme devant bénéficier à tous les sociétaires des SPRD, à commencer par les artistes interprètes et les auteurs.
En disposant que l'aide à la formation des artistes prévue à l'article L. 321-9 était destinée aux artistes interprètes et aux auteurs, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu la loi.

     - Les requérants s'étendent plus longuement sur la disposition de l'article L. 32 1-9 qui inclut dans l'aide à la création prévue à l'article L. 321-9 les actions propres à assurer la défense et la promotion de la création".

     Leurs critiques, très développées portent en réalité surtout sur les pratiques contestables et les dérives auxquelles le décret pourrait selon eux inciter.

     Mais la question qui se pose à vous est différente les actions de défense et de promotion de la création sont-elles des aides & la création au sens de l'article L. 321-9. L'aide à des actions de défense est de promotion de la création - à travers par exemple le subventionnement des manifestations comme les "victoires de la musique" - ne correspond assurément pas à l'aide à la création d'une œuvre déterminée.

     Il s'agit plutôt d'une aide à la création d'un ensemble d'œuvres,, d'une aide indirecte.

     Deux interprétations - l'une restrictive que les requérants vous demandent de retenir -l'autre plus large de la notion d'aide à la création au sens de l'article L. 321-9, sont donc possibles. Le choix entre les deux se discute en opportunité. En termes de légalité nous considérons que l'interprétation plus large, qui inclut les aides indirectes, ne méconnaît pas l'article L. 321-9.

     Ce qui méconnaîtrait l'article L. 321-9 ce serait par exemple le financement d'actions, d'associations ou d'organismes de promotion, non pas de la création d'œuvres, mais de leur diffusion. Mais, justement cela serait aussi contraire à l'article R-- 321-9.

     L'autre moyen soulevé par les requérants est tiré du détournement de pouvoir. Les auteurs du décret n'auraient pas d'autre but que celui de légaliser des pratiques contestables. Rien ne permet de le dire.

     Si vous nous suivez vous ne pourrez que rejeter les conclusions des requérants tendant à la condamnation de l'État au titre de l'article 75-1 de la loi du 10/07/91, l'Etat n'étant pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce nous vous proposerons de rejeter les conclusions du ministre de la culture tendant & l'application au bénéfice de l'Etat, des mêmes dispositions.

      Par ces motifs nous concluons au rejet des requêtes et au rejet des conclusions du ministre de la culture tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10/07/91.

 
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