REPUBLIQUE
FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISLe Conseil dEtat statuant
au contentieux (Section du contentieux, 6ème et 4ème
sous-sections réunies).
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section
du contentieuxSéance du 8 novembre 2000
Lecture du 8 décembre 2000
Vu 1°), sous le n° 202076, la requête enregistrée
le 24 novembre 1998 au secrétariat du contentieux
du Conseil dEtat, présentée par lASSOCIATION
PROTECTION DES AYANTS DROIT demeurant 41 rue
des Archives à Paris (75004) ; lASSOCIATION
PROTECTION DES AYANTS DROIT demande que le Conseil
dEtat annule pour excès de pouvoir larticle
1er du décret n° 98-1040 du 18 novembre 1998
portant modification de la partie réglementaire du
code de la propriété intellectuelle, en tant
quil insère un article R. 321-9 nouveau au
chapitre 1er du Il du livre III de ce code;
Vu
2°), sous le n° 203626, la requête enregistrée
le 19janvier 1999 au secrétariat du contentieux du
Conseil dEtat, présentée par M. Jean-Jacques
ZEITOUN, agissant en qualité de gérant de
la société Groupement des artistes et concepteurs-créateurs
denvironnement (G.R.A.C.E.), dont le siège
est 61, rue Boileau à Paris (75016) ; M. ZEITOUN
demande au Conseil dEtat dannuler pour excès
de pouvoir larticle 1er du décret n° 98-1040
du 18 novembre 1998 portant modification de la partie réglementaire
du code de la propriété intellectuelle, en
tant quil insère un article R. 321-9 nouveau
au chapitre 1er du titre Il du livre III de ce code;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu le code de la propriété intellectuelle;
Vu la loi n°91-647 du 10juillet 1991
Vu lordonnance n° 45-1708 du 31juillet1945, le
décret n° 53-934 du 30
septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre
1987;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié
par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 et
par le décret n° 97-1177 du 24 décembre
1997;
Après avoir entendu en audience publique:
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller dEtat,
- de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre
de la culture et de la communication,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement;
Considérant que les requêtes de lASSOCIATION
PROTECTION DES AYANTSo DROIT et de la SOCIETE
GROUPEMENT DES ARTISTES ET CONCEPTEURS-CREATEURS DENVIRONNEMENT
(G.R.A.C.E.) sont dirigées contre le même décret
; quil y a lieu de les joindre pour statuer par une
seule décision;
Sur les conclusions du ministre de la culture tendant
à ce quil soit donné acte du désistement
de la société G.R.A.C.E.
Considérant que la requête de la société
G.R.A.C.E. ne mentionne pas lintention de la requérante
de présenter un mémoire complémentaire
; que, dès lors, le ministre de la culture nest
pas fondé, quel que soit lintitulé de
ladite requête, à demander en application de
larticle 53-3 du décret du 30 juillet 1963
susvisé, et au motif quaucun mémoire
complémentaire na été produit
dans le délai de quatre mois, que le Conseil dEtat
donne acte du désistement de la requérante;
Sans quil soit besoin de statuer sur la recevabilité
de la requête de la société
G.R.A.C.E.:
Sur la légalité du décret attaqué:
Considérant quaux termes de larticle
38 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, modifié
par larticle 4-2 de la loi n° 97-283 du 27 mars
1997, codifié à larticle L. 321-9 du
code de la propriété intellectuelle, les sociétés
de perception et de répartition des droits... utilisent
à des actions daide à la création,
à la diffusion du spectacle vivant et à des
actions de formation dartistes:
1° 25 % des sommes provenant de la rémunération
pour copie privée ; 2° La totalité des
sommes perçues en application des articles L. 122-10,
L. 132-20-1, L. 214-1, L. 217-2 et L. 311-1 et qui nont
pu être réparties à lexpiration
du délai prévu au dernier alinéa de
larticle L. 321-1. ; que le décret attaqué
insère au code de la propriété intellectuelle
un article R. 321-9 ainsi rédigé : Laide
à la création mentionnée à larticle
L. 321-9 sentend : a) Dune part, des concours
apportés à la création dune oeuvre,
à son interprétation, à la première
fixation dune oeuvre ou dune interprétation
sur un phonogramme ou un vidéogramme ; b) Dautre
part, des actions propres à assurer la défense
et la promotion de la création. Laide à
la formation dartistes mentionnée au même
article sentend de la formation dauteurs et
de la formation dartistes-interprètes.;
Considérant que lASSOCIATION PROTECTION
DES AYANTS DROIT et la société G.R.A.C.E.
soutiennent que lautorité titulaire du pouvoir
réglementaire aurait, ce faisant, donné de
laide à la création définie à
larticle L. 321-9 une interprétation illégale,
car trop extensive, et aurait eu en réalité
pour objectif de légaliser des pratiques non conformes
à la loi des sociétés de perception
et de répartition des droits;
Considérant, dune part, que si le législateur,
par larticle L. 321-9, a entendu exclure de laide
que peuvent accorder les sociétés de perception
et de répartition des droits toute aide à
la diffusion, laide accordée à la première
fixation dune oeuvre ou dune interprétation
sur un phonogramme ou un vidéogramme constitue non
une aide à la diffusion de cette oeuvre ou de cette
interprétation mais une aide à la création
au sens de la loi ; que laide à la formation
peut légalement concerner tant les auteurs que les
artistes-interprètes ;
Considérant, dautre part, que lauteur
du décret attaqué pouvait légalement
prévoir que laide serait également accordée
aux actions propres à assurer la défense et
la promotion de la création dès lors que le
b) de larticle R. 321-9, résultant du décret
attaqué, ne saurait être regardé comme
autorisant lemploi de fonds au soutien dactions,
dopérations ou de manifestations qui nauraient
pas directement pour objet la création doeuvres
;
Considérant, enfin, que le détournement de
pouvoir allégué nest pas établi;
Considérant quil résulte de ce qui précède
que lASSOCIATION PROTECTION DES AYANTS DROIT
et la société G.R.A.C.E. ne sont pas fondées
à demander lannulation du décret attaqué
;
Sur les conclusions de lASSOCIATION PROTECTION
DES AYANTS DROIT et de la société G.R.A.C.E.
tendant à lapplication des dispositions de
larticle 75-I de la loi du 10 iuillet 1991 ;
Considérant que les dispositions de larticle
75-I de la loi du 10juillet 1991 font obstacle à
ce que lEtat, qui nest pas, dans la présente
instance, la partie perdante, soit condamné à
payer à lASSOCIATION PROTECTION DES AYANTS
DROIT et à la société G.R.A.C.E.
les sommes quelles demandent au titre des frais exposés
par elles et non compris dans les dépens;
Sur les conclusions du ministre de la culture tendant
à lapplication des dispositions de larticle
75-I de la loi du 10 juillet 1991:
Considérant quil ny a pas lieu, dans
les circonstances de lespèce, de faire application
des dispositions de larticle 75-I de la loi du 10
juillet 1991 et de condamner lASSOCIATION PROTECTION
DES AYANTS DROIT et la société G.R.A.C.E.
à payer à lEtat la somme quil
demande au titre des frais exposés par lui et non
compris dans les dépens;
DECIDE:
Article 1er: Les requêtes de lASSOCIATION PROTECTION
DES AYANTS DROIT et de la société G.R.A.C.E.
sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du ministre de la culture et
de la communication tendant à lapplication
des dispositions de larticle 75-I de la loi du 10
juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée
à lASSOCIATION PROTECTION DES AYANTS
DROIT, à la société G.R.A.C.E.,
au Premier ministre et au ministre de la culture et de la
communication.
Délibéré dans la séance du 8
novembre 2000 où siégeaient M. Fouquet, Président
adjoint de la Section du Contentieux, Président ;
M. Durand-Viel, M. Bonichot, Présidents de sous-section
; M. Zémor, M. Boyon, M. Dulong, Conseillers dEtat
; M. Benassayag, Conseiller dEtat-rapporteur ; M.
Lévis, et M. de Froment, Conseillers dEtat.
Lu en séance publique le 8 décembre 2000.Le
Président:
Signé: M. Fouquet
Le
Conseiller dEtat-rapporteur:
Signé: M. BenassayagLe secrétaire:
Signé: Mme Guinot
La République mande et ordonne au Premier ministre
et au ministre de la culture et de la communication chacun
en ce qui le concerne et à tous huissiers à
ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun
contre les parties privées de pourvoir à lexécution
de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le secrétaire,
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