Il nous a semblé utile de
rappeler les principales obligations légales qu'il
convient de respecter lors de la production d'un phonogramme,
ou qu'il convient de vérifier lors du rachat d'un
master en vue de son pressage et de sa mise sur le commerce.
Relations avec les auteurs
Le producteur du phonogramme est
défini par le code de la propriété
intellectuelle (1) comme la personne physique ou morale,
qui a l'initiative et la responsabilité de la première
fixation d'une séquence de sons et d'images.
Le Producteur se doit donc d'abord de vérifier s'il
est nécessaire d'obtenir des autorisations au titre
des droits d'auteur.
Auteurs adhérents à la SDRM
Si les uvres relèvent
du répertoire de la SDRM (Société pour
l'administration des droits de reproduction mécanique
des auteurs compositeurs et éditeurs (2). Il convient
de demander l'autorisation de reproduire les uvres
à cette société.
La SDRM propose trois types de mécanismes.
1°. L'autorisation uvre par uvre.
Ce mécanismes concerne les
producteurs qui versent moins de 30 000 F par an de droit
de reproduction mécanique. Ils doivent alors demander
l'autorisation de reproduction au cas par cas.
Si les uvres ne relèvent
pas du répertoire SDRM, soit parce que les auteurs
ne sont pas adhérents à l'une des sociétés
d'auteur représentées par la SDRM, soit parce
que les uvres relèvent du domaine public, il
n'est en principe pas nécessaire de prévenir
la SDRM. Cependant, il sera souvent préférable
de demander dans tous les cas lautorisation à
la SDRM ou dinterroger le service de documentation
de la SACEM.
En effet en cas d'erreur, le producteur
se trouve en situation d'infraction pénale. Ainsi,
une oeuvre peut relever du domaine public, mais la version
utilisée n'est peut-être pas la version originelle
et avoir fait l'objet d'une orchestration relevant juridiquement
d'une adaptation, laquelle est protégée comme
une oeuvre nouvelle.
Dans un tel cas, il convient de
noter que l'autorisation donnée par la SDRM est obtenue
le plus souvent au moment du pressage, et que le producteur
qui procède à la fixation de l'uvre
au moment de son enregistrement en studio n'a à ce
moment aucune autorisation des auteurs de procéder
à cet enregistrement. Il est donc parfois préférable
de faire signer aux auteurs un contrat de fixation, autorisant
le producteur à procéder à l'enregistrement
de l'uvre.
2°. Le contrat type producteur indépendant
Ce contrat concerne les producteurs
justifiant d'un chiffre d'affaires annuel au titre de la
production de phonogrammes d'au moins 350 000 F HT ou exerçant
une activité de production depuis au moins deux ans,
avec un catalogue comprenant un minimum de 15 références
et la mise à disposition du public d'au moins 5 nouveautés
par an.
Dans un tel cas, le producteur conclut
un contrat cadre avec la SDRM l'autorisant à procéder
à l'enregistrement et au pressage de l'ensemble du
répertoire de la SDRM. Il n'est donc pas nécessaire
de faire signer aux auteur des contrats de fixation.
Ce contrat est basé sur le
principe du paiement par la producteur à la SDRM
d'une redevance mensuelle minimum payée à
titre d'à valoir et calculée sur la base de
la moyenne des redevances payées les douze mois précédent.
Le producteur remet également à la SDRM une
garantie financière permanente. Le producteur paie
ensuite les droits sur la base des sorties de stocks et
non sur la bases des phonogrammes pressés (base de
calcul des droits du contrat oeuvre par oeuvre).
3°. Les contrats BIEM
Les majors du disques bénéficient
quant à elle d'un autre type de contrat, Contrat
BIEM/IFPI, négocié au niveau international
entre le Bureau International de lEdition Musicale
(BIEM) qui regroupe les principales sociétés
dauteur, et lIFPI qui regroupe les producteurs.
Ce contrat tient compte du fait que les multinationales
ont une diffusion mondiale dans des pays économiquement
très divers.
Limite des autorisations
La SDRM n'est pas en mesure d'autoriser
à elle seule toutes les reproductions. Dans certains
cas, il convient également de recueillir l'autorisation
expresse des auteurs. Cela concerne :
- l'enregistrement de larges
extraits ou de l'intégralité d'une oeuvre
à caractère dramatique ou dramatico-musical
inédites. Il faut alors obtenir l'autorisation spéciale
des auteurs ou de leurs ayants-droit. Ces uvres relèvent
en effet du répertoire de la SACD, société
auquel ses adhérents ne confèrent en principe
qu'un mandat de gestion, et non un apport ;
- l'enregistrement d'uvres
littéraires ;
- la fragmentation des uvres
ou l'intégration de tout ou partie des uvres
dans une oeuvre nouvelle ;
- les modifications quelconques
des uvres , adaptation ou arrangement, superpositions
de paroles nouvelles, adjonction de testes.
En effet, en cas de modification des uvres, l'autorisation
expresse des auteurs ou de leurs ayants-droit est nécessaire.
La question de lexclusivité
Les autorisations de reproduction
délivrées par la SDRM ne sont pas données
à titre exclusive. Un auteur adhérent à
la Sacem n'est donc pas en mesure de garantir une quelconque
exclusivité au producteur. La seule exclusivité
que peut garantir l'auteur, c'est lexclusivité
de première diffusion en cas d'uvre inédite.
Cette prérogative de divulgation relève en
effet des droits moraux des auteurs qui ne peuvent être
apportés à une société d'auteur.
Dès que l'uvre a donc
été présentée au public, tout
producteur peut en procéder à son enregistrement
et son exploitation sous forme de disque du commerce. C'est
la raison pour laquelle les "Covers" ne
sont pas répréhensibles sur le plan du droit
dauteur.
Relations avec les artistes et musiciens
Le producteur qui procède
à la fixation des uvres doit forcément
avoir recours à des artistes interprètes et/ou
des musiciens. Même si l'auteur crée son oeuvre
sur des instruments électroniques, qui en effectuent
une interprétation non détachable de l'écriture,
il y a forcément une interprétation, ne serait-ce
qu'au niveau des réglages de sonorité et du
mixage. Cet interprète peut alors être également
l'auteur.
Si l'enregistrement a été
réalisé en France, il est indispensable de
conclure avec l'artiste un contrat autorisant le producteur
à procéder à l'enregistrement des uvres
et prévoyant de façon détaillé
tous les modes d'exploitation envisagés des uvres
ainsi qu'une rémunération pour chaque mode
de rémunération. Ce contrat est en principe
un contrat de travail et les séances d'enregistrement
doivent faire l'objet de l'établissement d'une fiche
de paie et du paiement d'un salaire.
Il n'est possible d'accepter une
facture et de se passer d'une fiche de paie que lorsque
l'artiste ou le musicien interviennent dans le cadre d'une
contrat de coproduction, impliquant une prise de risque
de l'artiste et un intéressement corrélatif
au bénéfice.
Pour les artistes ressortissant
des autres pays de l'EEE, il est désormais possible
d'accepter une note d'honoraire ou une facture en dehors
de ce cadre si ces artistes ont bien une activité
régulière déclarée dans leur
pays et qu'il s'acquitte eux-mêmes du paiement des
charges sociales dans leur pays. Mais il faut en cas de
contrôle être en mesure de la prouver (3).
En l'absence de paiement des séances
d'enregistrement, les redevances proportionnelles aux ventes
seront sensées rémunérer la prestation
initiales et pourront être requalifiées par
l'URSSAF en salaire et soumises à charges sociales.
Le paiement aux artistes et musiciens
d'avances non remboursables peut également être
requalifié par l'URSSAF en salaires en application
de l'article L. 771-2 du code du travail. En effet, nétant
pas remboursables, ces avances ne sont pas proportionnelles
au recettes dexploitations et ne répondent
donc pas à la définition des redevances.
Le passage par un intermédiaire
En cas d'achat d'une bande en vue
de sa production, par exemple dans le cadre d'un contrat
de licence (cédant uniquement des droits dexploitation
du master, à titre exclusif ou non, et non sa propriété
définitive) ou dun achat pur et simple, le
producteur qui achète la bande ne peut se suffire
d'une clause de garantie, surtout s'il a affaire directement
à un artiste ou à une société
sans références. Le producteur doit vérifier
que les artistes et musiciens ont bien été
salariés et que des fiches de paie ont été
établies.
En effet, l'article L. 324-9 du
Code du travail sanctionne au titre du travail dissimulé
le fait d'avoir recours sciemment , directement ou par personne
interposées aux services de celui qui exerce un travail
dissimulé. Le producteur de disque qui achète
un master, si celui-ci est acquis auprès d'un professionnel
doit donc vérifier que ce master n'a pas été
réalisé avec recours au travail dissimulé.
Il est donc toujours préférable
de demander à se faire communiquer la copie des contrats
de cessions de droit des artistes et musiciens et une copie
des fiches de paie correspondant aux séances d'enregistrement.
Attention, le seul fait de ne pas mentionner toutes les
heures, par exemple de faire une fiche de paie pour une
journée alors qu'il y a eu une semaine d'enregistrement
est également constitutif de travail dissimulé.
L'achat d'une bande autoproduite
Si cette bande est réalisée
par un particulier qui est seul artiste-interprète,
que ce dernier n'a pas de registre du commerce et que la
cession de la bande est concédée à
titre forfaitaire et définitive, il sera alors préférable
de régulariser la situation par l'émission
de fiches de paie correspondant à l'enregistrement.
En effet, dans le cas contraire, le producteur encourt le
risque de voir l'artiste faire requalifier le contrat de
cession en contrat de travail.
Relations avec le studio d'enregistrement
Si le studio d'enregistrement facture
au producteur une prestation globale, intégrant la
rémunération des artistes, des musiciens et
des techniciens, il est là encore préférable
de clairement distinguer la rémunération du
studio du remboursement des salaires et charges et d'exiger
du studio la copie des contrats de travail et des fiches
de paie. Il convient également de convenir avec le
studio, préalablement aux séances d'enregistrement,
du type de contrat et de feuille de séances qu'il
convient de faire signer aux artistes et musiciens.
Relations avec les techniciens
Il convient de vérifier que
le personnel technique du studio, s'il ne s'agit pas du
travail personnel du responsable du studio sous forme d'entreprise
commerciale, est bien déclaré à un
titre ou à un autre aux organismes de protection
sociale. Si le studio a une certaine surface financière,
sa garantie suffira souvent, assortie des clauses de vérification
contractuelle des articles L. 324-14 du code du travail.
Bien
cerner les notions d'auteur et d'artiste
Il convient de bien distinguer ce qui relève de la
technique et ce qui relève d'une prestation d'auteur
ou d'artiste-interprète.
En effet, les réalisateurs,
les programmateurs, les mixeurs, s'ils réalisent
un travail créatif sur l'uvre, peuvent dans
certains cas prétendre à la qualité
de coauteur, voir d'auteur de l'uvre, ou à
tout le moins à la qualité d'artiste-interprète.
Certains musiciens, surtout dans le domaine de la variété,
peuvent eux aussi prétendre à la qualité
d'auteur. Si ces derniers travaillent en symbiose avec les
autres auteurs, et qu'ils peuvent le prouver.
Il sera souvent difficile de leur nier cette qualité
de coauteur.
Il convient donc de bien se faire
céder les droits éventuels de ce personnel
qui pourrait relever d'un droit d'artiste ou d'auteur. Ces
précautions s'avéreront fort utiles si votre
enregistrement rencontre un succès commercial, susceptible
de donner des regrets et des idées à l'ensemble
des personnes qui y auront collaboré.
Il est vrai que toutes ces catégories
d'auteur ne sont pas forcément reconnues aujourd'hui
par la SACEM, mais le producteur doit savoir qu'il engage
sa responsabilité en procédant au dépôt
d'un bulletin d'auteurs qui ne mentionne pas tous les auteurs.
(1) Article L. 213-1 du CPI (Code de la propriété
intellectuelle)
(2)
Cette société regroupe la SACEM (Société
des Auteurs Compositeur et Editeurs de musique), la SACD
(Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques)
et la SCAM (Société civile des auteurs multimédias).
(3) Une toute récente décision du 30 mars
2000 de la Cour des Justice des Communautés Européennes
vient d'admettre cette possibilité.
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