La
création d'un établissement public administratif
porte gravement atteinte à la liberté et à
la diversité des professionnels déjà
bien installés dans le secteur (archéologues
de collectivités territoriales, du CNRS, des universités
et des autres organismes privés d'archéologie).
En effet, de nombreuses entreprises exercent à l'heure
actuelle des activités économiques centrées
autour de l'archéologie préventive, activités
qui ne pourront désormais plus être exercées
librement, mais à la demande de l'EPA.
La liberté d'entreprendre est un principe
constitutionnel que le Conseil constitutionnel a reconnu
dans sa décision de janvier 1982 sur les lois de
nationalisation : la liberté (...) ne saurait
elle-même être préservée si des
restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées
à la liberté d'entreprendre .
Certes, l'article 2 de la loi prévoit
que l'EPA peut faire appel, par voie de convention,
à d'autres personnes morales, françaises ou
étrangères, dotées de services de recherche
archéologique . Toutefois cette possibilité
ne constitue pas une réelle garantie d'ouverture
puisqu'elle est à la discrétion de l'établissement.
Cette atteinte à la liberté d'entreprendre
ne se justifie par aucun motif d'ordre public et ne peut
répondre à l'article 90.2 du traité
de Rome qui permet aux Etats de déroger sous certaines
conditions, aux principes du droit de la concurrence. Ainsi
cet article prévoit que les entreprises
chargées de la gestion de services d'intérêt
économique général ou présentant
le caractère de monopole fiscal sont soumises aux
règles du présent traité, notamment
aux règles de concurrence, dans les limites où
l'application de ces règles ne fait pas échec
à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission
particulière qui leur a été impartie.
Le développement des échanges ne doit pas
être affecté dans une mesure contraire à
l'intérêt de la communauté .
Or
certaines activités de l'EPA présentent un
caractère économique de nature industriel
et commercial susceptibles d'être exercées
par des entreprises privées, justifiant de l'application
des règles de concurrence.
L'argument invoqué par les défenseurs
de ce monopole, garantir que des opérations d'archéologie
préventive puissent être menées sur
tout un territoire en respectant le principe d'égalité
de traitement, n'implique aucunement la création
d'un monopole et d'un établissement public. Cela
relève déjà de la mission de l'Etat
et des services de l'archéologie de l'Etat qui doivent
obligatoirement délivrer les autorisations nécessaires
à la réalisations des chantiers. Le meilleur
moyen de garantir l'égalité de traitement
et la mutualisation de son financement, c'est justement
de dissocier le contrôle qui relève fondamentalement
d'une activité régalienne et la réalisation
des opérations qui peut être exercée
dans un cadre concurrentiel.
Un tel monopole n'existe dans aucun pays européen.
Si l'exécution des fouilles s'effectue de façon
générale sous le contrôle des autorités
en charge de l'archéologie, conformément à
la convention de Malte de 1992, il n'existe nulle part un
opérateur de fouille unique comme le présent
projet de loi. Le statut des opérateurs est très
diversifié : structures parapubliques, coopératives
privées d'archéologues (Italie), archéologues
libéraux (Espagne), entreprises privées (Espagne,
Allemagne), associations ou fondations (Allemagne, Angleterre).
La Cour de Justice des Communautés Européennes
considère également qu'une activité
à caractère économique susceptible
d'être exercée par une entreprise privée
dans un but lucratif, ne saurait échapper aux règles
de la concurrence en étant exercée dans le
cadre de la gestion d'un service d'intérêt
économique général après que
des droits exclusifs aient été conférés
à l'entreprise qui en est chargée. Ne relèvent
en fait de cette notion que des activités qui bénéficient
directement à la collectivité (arrêt
Merci convenzionali porto di Genova Spa c/ Siderurgica Gabrielli
Spa, 10.12.1991).
L'établissement créé par
cette loi constitue une atteinte à la liberté
d'entreprendre et une entrave abusive au marché.
En conséquence, les articles 2, 2bis
et 2 ter 1 de la loi, en tant qu'ils portent atteinte à
la liberté d'entreprendre, doivent être déclarés
inconstitutionnels.
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