Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21
décembre 2000, par MM. Jean-François MATTEI,
Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, Mme Nicole
AMELINE, M. François d'AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM.
Dominique BUSSEREAU, Antoine CARRÉ, Pierre CARDO, Pascal
CLÉMENT, Bernard DEFLESSELLES, Franck DHERSIN, Laurent
DOMINATI, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN,
François GOULARD, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON,
Pierre LEQUILLER, Alain MADELIN, Paul PATRIARCHE, Bernard
PERRUT, José ROSSI, Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN,
MM. Henri CUQ, Patrick DELNATTE, Yves DENIAUD, Eric DOLIGÉ,
Robert GALLEY, Christian JACOB, Didier JULIA, Robert LAMY,
Gilbert MEYER, Pierre MORANGE, Jacques PÉLISSARD, Dominique
PERBEN, Bernard SCHREINER, Jean UEBERSCHLAG, Pierre-Christophe
BAGUET, Jacques BARROT, Dominique BAUDIS, Claude BIRRAUX,
Emile BLESSIG, Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, MM.
Yves BUR, Jean-François CHOSSY, René COUANAU,
Charles de COURSON, Marc-Philippe DAUBRESSE, Francis DELATTRE,
Léonce DEPREZ, Renaud DUTREIL, Jean-Pierre FOUCHER,
Germain GENGENWIN, Hubert GRIMAULT, Patrick HERR, Francis
HILLMEYER, Mmes Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Maurice LEROY,
Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Pierre MENJUCQ, Pierre MICAUX,
Jean-Marie MORISSET, Arthur PAECHT, Dominique PAILLÉ,
Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, François ROCHEBLOINE,
Rudy SALLES, François SAUVADET et Bruno BOURG-BROC,
députés, dans les conditions prévues
à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution,
de la conformité à celle-ci de la loi relative
à l'archéologie préventive ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment
le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée
portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 modifiée
portant diverses mesures d'amélioration des relations
entre l'administration et le public et diverses dispositions
d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le
8 janvier 2001 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les députés auteurs de
la saisine défèrent au Conseil constitutionnel
la loi relative à l'archéologie préventive
en mettant en cause la conformité à la Constitution,
en tout ou partie, de ses articles 4 et 9, ainsi que de ses
articles 5 et 7, en tant qu'ils seraient indissociables des
précédents ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE
DES ARTICLES 34 ET 37 DE LA CONSTITUTION :
* En ce qui concerne l'empiètement du législateur
sur le domaine réglementaire : Considérant que,
selon les requérants, la création d'un
établissement public à caractère administratif
chargé de gérer une activité réputée
de nature industrielle et commerciale porterait atteinte
aux articles 34 et 37 de la Constitution ; qu'ils font valoir
en outre que le caractère administratif de l'établissement
public créé par l'article 4 de la loi
est incompatible avec la nature des activités de l'organisme
; qu'en insérant une telle qualification dans
la loi, le législateur aurait porté atteinte
au principe de séparation des pouvoirs réglementaire
et législatif résultant des articles
34 et 37 de la Constitution ;
Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution
la loi fixe les règles concernant la création
de catégories d'établissements publics ;
Considérant que, selon l'article 1er de la loi déférée,
l'archéologie préventive, qui relève
de missions de service public et qui est régie par
les principes applicables à toute recherche scientifique,
a pour objet d'assurer la détection, la conservation
ou la sauvegarde par l'étude scientifique, des éléments
du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles
d'être affectés par les travaux publics ou privés
concourant à l'aménagement ; qu'elle a
également pour objet l'interprétation et la
diffusion des résultats obtenus ;
qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la
loi déférée : Les diagnostics
et opérations de fouilles d'archéologie préventive
sont confiés à un établissement public
national à caractère administratif ;
qu'à ceux du troisième alinéa du même
article : L'établissement public assure ...
l'exploitation scientifique de ses activités et la
diffusion de leurs résultats ... ; qu'en vertu
de l'article 8, les redevances d'archéologie préventive
assurent en partie le financement de l'établissement
; qu'en application de l'article 9, qui en fixe les règles
de calcul, le montant de ces redevances est arrêté
par décision de l'établissement sur le fondement
des prescriptions de l'Etat concernant les diagnostics et
les opérations de fouille d'archéologie préventive
; que ces prescriptions constituent le fait générateur
desdites redevances ; qu'il résulte de l'article 9
que, sur décision de l'établissement public,
certains travaux d'aménagement exécutés
par une collectivité territoriale sont exonérés
du paiement de la redevance d'archéologie préventive
;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces
dispositions que l'établissement public national chargé
des diagnostics et opérations de fouilles d'archéologie
préventive constitue, au sens de l'article 34 de la
Constitution, à lui seul, une catégorie particulière
d'établissement public sans équivalent avec
les catégories d'établissements publics existantes
; que relève dès lors de la loi la fixation
de ses règles constitutives ; qu'en déterminant
les organes de direction et d'administration de l'établissement
et en précisant leur rôle, les conditions de
leur élection ou de leur désignation, les catégories
de personnes représentées en leur sein, ainsi
que les catégories de ressources dont peut bénéficier
l'établissement, le législateur a exercé
la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution
;
Considérant, par ailleurs, que le caractère
d'établissement public administratif attribué
par le législateur à l'établissement
créé par l'article 4 est conforme à ses
missions, à ses modalités d'intervention et
à l'origine de ses ressources ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède
que le grief tiré de l'empiètement de la loi
sur le domaine réglementaire doit, en tout état
de cause, être rejeté ;* En ce qui concerne la
méconnaissance par le législateur du champ de
sa compétence : Considérant que, selon les requérants,
les mesures arrêtées par l'article 2 de la loi
relèveraient de la loi de finances ; qu'en outre, ils
soutiennent que le législateur n'aurait pas pleinement
exercé sa compétence en ne fixant pas l'ensemble
des règles de calcul de la redevance d'archéologie
préventive instituée par l'article 9 de la loi
;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte
de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance susvisée
du 2 janvier 1959, rapprochées des dispositions du
titre V de la Constitution, que les règles posées
par le quatrième alinéa de son article 1er et
par le cinquième alinéa de son article 2, ont
pour objet de faire obstacle à ce qu'une loi permette
des dépenses nouvelles, alors que ses incidences sur
l'équilibre financier de l'année, ou sur celui
d'exercices ultérieurs, n'auraient pas été
appréciées et prises en compte, antérieurement,
par des lois de finances ;
Considérant que la loi déférée
ne méconnaît pas ces règles, dès
lors qu'elle ne permet pas qu'il soit fait face aux charges
qu'elle implique sans qu'au préalable les crédits
qui s'avèreraient nécessaires aient été
prévus, évalués et autorisés par
la loi de finances de l'année, modifiée, le
cas échéant, par une loi de finances rectificative
;
Considérant, en second lieu, qu'il appartient au législateur,
lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer
l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement,
sous réserve du respect des principes et règles
de valeur constitutionnelle ;
Considérant que l'assiette, le taux et les modalités
de recouvrement des redevances d'archéologie préventive,
lesquelles constituent des impositions de toutes natures
au sens de l'article 34 de la Constitution, sont précisément
déterminés par l'article 9 de la loi déférée
; qu'en chargeant l'établissement public d'arrêter
le montant de la redevance dans le cadre ainsi défini
et sur le fondement des prescriptions de l'Etat qui
en constituent le fait générateur , le
législateur a pleinement exercé sa compétence
;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE À LA LIBERTÉ
D'ENTREPRENDRE :
Considérant que, selon les requérants,
la création d'un établissement public administratif
porte gravement atteinte à la liberté et à
la diversité des professionnels déjà
installés dans le secteur des fouilles archéologiques
; que cette création constituerait en outre
une entrave abusive au marché en ne respectant
pas les principes du droit de la concurrence ;
Considérant qu'il est loisible au législateur
d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui
découle de l'article 4 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées
à des exigences constitutionnelles ou justifiées
par l'intérêt général, à
la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées
au regard de l'objectif poursuivi ;
Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été
dit, que l'archéologie préventive, qui relève
de missions de service public, est partie intégrante
de l'archéologie ; qu'elle a pour objet d'assurer la
préservation des éléments du patrimoine
archéologique menacés par des travaux d'aménagement,
ainsi que l'interprétation et la diffusion des résultats
obtenus ; qu'il résulte par ailleurs de l'article 2
de la loi déférée que l'Etat prescrit
les mesures visant à la détection, à
la conservation ou à la sauvegarde du patrimoine archéologique
et assure les missions de contrôle et d'évaluation
des opérations d'archéologie préventive
; qu'enfin, les redevances instituées par l'article
9 assurent une péréquation nationale des dépenses
exposées du fait des opérations de diagnostic,
de fouilles et d'exploitation scientifique des résultats
;
Considérant, en conséquence, qu'eu égard
à l'intérêt général de l'objectif
qu'il s'est assigné et des modalités qu'il a
choisies pour le poursuivre, le législateur a légitimement
pu doter l'établissement public national créé
par l'article 4 de droits exclusifs s'agissant de l'exécution
des opérations de diagnostic et de fouilles d'archéologie
préventive ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de
l'article 4 de la loi déférée que
pour l'exécution de sa mission, l'établissement
public associe les services archéologiques des collectivités
territoriales et des autres personnes morales de droit public
; qu'il peut également faire appel, par voie
de convention, à d'autres personnes morales dotées
de services de recherche archéologique ;
Considérant, en conséquence, que doit être
rejeté le grief tiré de ce que les dispositions
critiquées porteraient une atteinte inconstitutionnelle
à la liberté d'entreprendre ;
- SUR LES AUTRES GRIEFS :
Considérant que les requérants soutiennent,
en premier lieu, qu' en créant un établissement
public administratif doté de droits exclusifs, la loi
porte atteinte à la liberté d'initiative des
collectivités locales qui risquent de fermer leurs
services d'archéologie préventive ; qu'ils
font valoir, en deuxième lieu, que la loi exproprie
de fait les entreprises privées, personnes physiques
ou morales, qui exercent l'ensemble des activités liées
à l'archéologie préventive et
porte ainsi atteinte au droit de propriété ;
qu'en troisième lieu, la création de l'établissement
public ne respecterait pas la liberté d'association
en rendant une partie de l'objet social des associations
qui interviennent dans le domaine de l'archéologie
préventive contraire à la loi ; qu'enfin,
en instaurant un contrôle exclusif de l'Etat
sur l'accès aux informations et aux données
permettant de connaître le patrimoine archéologique
du territoire français , le législateur
méconnaîtrait la liberté d'expression
;
Considérant, en premier lieu, qu'en application de
l'article 4 de la loi déférée, l'établissement
public est tenu d'associer, pour l'exécution de sa
mission, les services archéologiques des collectivités
territoriales ; qu'en deuxième lieu, les droits reconnus
à l'établissement public par la loi déférée
n'entraînent aucune privation de propriété
au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en troisième
lieu, les personnes morales dotées de services de recherche
archéologique peuvent être appelées par
l'établissement public à participer à
l'exécution de sa mission ; que, par suite, les trois
premiers griefs sont infondés ;
Considérant, enfin, que, loin de conférer à
l'établissement public des droits exclusifs sur l'utilisation
des résultats des fouilles, l'article 4 de la loi déférée
lui impose de diffuser les résultats de l'exploitation
scientifique de ses activités ; que l'établissement
public concourt à l'enseignement, à la
diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie
; qu'en application de la législation en vigueur,
les rapports de fouilles constituent des documents administratifs
accessibles au public ; qu'en vertu de l'article 3 de la loi
déférée, l'Etat dresse et met à
jour, avec l'ensemble des établissements publics ayant
des activités de recherche archéologique et
des collectivités territoriales, la carte archéologique
nationale, laquelle rassemble et ordonne pour l'ensemble
du territoire national les données archéologiques
disponibles ; qu'un décret déterminera
les modalités selon lesquelles la carte archéologique
nationale pourra être communiquée à toute
personne qui en fera la demande ; que manque dès lors
en fait le grief tiré de ce que le législateur
aurait porté atteinte à la liberté d'expression
garantie par l'article 10 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 ;
Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel,
de soulever d'office aucune question de conformité
à la Constitution ;
D É C I D E :
Article premier.- Les articles 1er à 9 de la loi relative
à l'archéologie préventive sont déclarés
conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée
au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel
dans sa séance du 16 janvier 2001, où siégeaient
: MM. Yves GUENA, Président, Georges ABADIE, Michel
AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle
LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mmes Monique PELLETIER et Simone
VEIL.
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