Nouvelles mesures en faveur
des organisateurs clandestins
(Paru
au n° 105 de décembre 2001).
La
loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité
quotidienne (1) contient des dispositions
en faveur des organisateurs clandestins de rave parties
(2).
En effet, cette nouvelle loi crée une infraction
spécifique aux rave parties. Ce faisant, en application
du principe de spécialité des infractions,
elle interdit de poursuivre les organisateurs clandestins
de rave parties au titre de certaines infractions à
la définition plus large et qui étaient plus
sévèrement sanctionnées. Le délit
d'organisation sur la voie publique de manifestation non
déclarée ne peut ainsi plus être invoqué,
notamment dans le cadre des poursuites déjà
entamées sur ce fondement. De plus, la nouvelle loi,
du fait de ses imprécisions et de l'absence de mesures
transitoires, notamment de calendrier d'application, ouvre
dans l'immédiat une période de permissivité
quasi totale.
Une nouvelle autorisation
préalable
Les organisateurs des rave parties doivent faire une déclaration
auprès du préfet du département dans
lequel le rassemblement doit se tenir. Cette nouvelle disposition
concerne " les rassemblements exclusivement festifs à
caractère musical, organisés par des personnes
privées, dans des lieux qui ne sont pas au préalable
aménagés à cette fin (3)...
"Toutefois, cette obligation de déclaration
ne concerne pas " les manifestations soumises, en vertu
des lois ou règlements qui leur sont applicables,
à une obligation de déclaration ou d'autorisation
instituée dans un souci de protection de la tranquillité
et de la santé publique, "
Le moins que l'on puisse dire est que le cadre d'application
de cette loi n'est pas d'une grande limpiditée. En
effet, les rave parties, dès lors qu'elles font travailler
un DJ qui se livre à une création originale
relève déjà de la réglementation
du spectacle. Sauf que cette réglementation du spectacle
ne semble pas avoir été établie dans
un souci de protection de la tranquillité et de la
santé publique...
" La déclaration doit mentionner les mesures envisagées
pour garantir la sécurité, la salubrité,
l'hygiène, et la tranquillité publiques. L'autorisation
d'occuper le terrain ou le local où est prévu
le rassemblement, donnée par le propriétaire
ou le titulaire d'un droit réel d'usage est jointe
à la déclaration. "
Ces dispositions doivent faire sourire les organisateurs
de rave parties clandestines qui ne disposent pratiquement
jamais de l'autorisation du propriétaire du lieu.
Les
préfets : nouveaux organisateurs de rave parties
Lorsque
les moyens envisagés par l'organisateur paraissent
insuffisants pour garantir le bon déroulement du
rassemblement, le préfet organise une concertation
avec les responsables destinée notamment à
adapter lesdites mesures et, le cas échéant,
à rechercher un terrain ou un local plus approprié.
Le
préfet peut imposer aux organisateurs toute mesure
nécessaire au bon déroulement du rassemblement,
notamment la mise en place d'un service d'ordre ou d'un
dispositif sanitaire.
Le
préfet peut également interdire le rassemblement
projeté si celui-ci est de nature à troubler
gravement l'ordre public ou si, en dépit d'une mise
en demeure préalable, adressée à l'organisateur,
les mesures prises par celui-ci pour assurer le bon déroulement
du rassemblement sont insuffisantes.
Le texte ne prévoyant pas de délai pour la
déclaration préalable, les organisateurs de
rave partie peuvent tout à fait informer le préfet
l'après-midi pour le soir, ce qui ne permettra pas
au préfet d'adresser une mise en demeure préalable.
Pour interdire le rassemblement, le préfet devra
alors prouver qu'il est "de nature à troubler
gravement l'ordre public". Il devra prouver l'existence
d'un risque en matière de sécurité
publique, de tranquillité publique ou de salubrité
publique. L'interdiction de la rave partie pourra ainsi
être justifiée par le soucis de prévenir
les accidents, désordres ou maladies. La tâche
ne sera pas évidente, les rave parties ayant généralement
lieu en pleine campagne ou dans des endroits éloignés
et surtout lorsque le préfet n'est informé
que quelques heures avant. Dans le cas où le préfet
ne parviendrait pas à démontrer l'existence
d'un tel risque, le rassemblement sera alors déclaré
et les organisateurs ne risqueront plus aucune des infractions
prévues par la nouvelle réglementation...
(4)
Les
sanctions du défaut de déclaration
Si
le rassemblement se tient sans déclaration préalable
ou en dépit d'une interdiction prononcée par
le préfet, les officiers de police judiciaire et
sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire,
peuvent saisir le matériel utilisé, pour une
durée maximale de six mois, en vue de sa confiscation
par le tribunal.
L'organisateur risque également une contravention
de 5ème classe.
Un
texte de loi à l'utilité incertaine
En
effet, ainsi que le rappelait à juste titre la circulaire
de Catherine TASCA du 29 décembre 1998, de nombreuses
dispositions légales trouvaient déjà
à s'appliquer. Cette circulaire contenait une annexe
de deux pages listant toutes les dispositions pénales
à même de sanctionner les organisateurs illégaux
de rave parties.
Le
problème des rave parties clandestines est en effet
davantage lié à l'impossibilité concrète
dans lesquelles sont les forces de police d'intervenir sans
risque pour la sécurité du public et la leur,
dans des manifestations regroupant des centaines, voire
des milliers de personnes, se déroulant le plus souvent
de nuit et dans la nature, et en tout cas dans des lieux
non adaptés aux interventions de police régulières,
et cela d'autant que les forces de sécurité
ne disposent la plupart du temps pas des moyens à
même d'empêcher le déroulement effectif
de ces rassemblements non autorisés lorsqu'ils en
ont connaissance tardivement.
Le
second problème réside ensuite dans la faiblesse
des moyens de l'institution judiciaire française
et de l'impunité relative de certains comportements
illicites qui en est la conséquence directe.
En effet, les infractions commises par ces rassemblements
sont nombreuses. Les organisateurs ne demandent le plus
souvent aucune autorisation en matière de droit d'auteur,
ni de droit d'utilisation des phonogrammes et des enregistrements
des artistes interprètes (5).
Ils ouvrent des débits de boisson sans autorisation
(6). Ces organisateurs sont également la plupart
du temps en infraction avec les dispositions relatives au
travail dissimulé (7), à
la réglementation sanitaire, à la réglementation
du bruit, etc... De nombreuses dispositions du code pénal
relatives à la lutte contre les stupéfiants
leur sont également applicables, sans même
parler des infractions à la réglementation
du commerce et à la fiscalité.
De
plus, ainsi que le rappelait le ministre de l'intérieur
dans une réponse écrite ˆ un sénateur
(8), ces manifestations pouvaient
être sanctionnées sur la base de l'article
431-9 du code pénal qui sanctionne les manifestations
non déclarées, ce délit étant
passible d'une peine de six mois d'emprisonnement et de
50 000 F d'amende.
Il
n'est pas sûr que ce nouvel encadrement législatif
n'ait pas comme unique conséquence de compliquer
le cadre juridique de ces manifestations et d'offrir ainsi
de nouvelles possibilités juridiques d'impunité
totale pour ceux des organisateurs de ces manifestations
qui encourraient des sanctions. Il en est d'ailleurs souvent
ainsi de lois votées uniquement sur des considérations
d'électoralisme et de communication.
(1)
Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, Jo du 16 novembre
2001, p. 18215 et suivantes.
(2)
Il ne s'agit pas d'une erreur de frappe... Article 53 de
la loi suscitée, qui insère un nouvel article
23-1 à la loi n° 95-73 du 21 janvier 1005 d'orientation
et de programmation relative à la sécurité.
(3)
" et répondant à certaines caractéristiques
fixées par décret en Conseil d'État,
tenant à leur importance, à leur mode d'organisation
ainsi qu'aux risques susceptibles d'être encourus
par les participants ".
(4)
Il est toutefois probable que le décret en Conseil
d'État prévu par ce texte vienne organiser
un délai et des formes à la déclaration
préalable. En tout cas, le texte de loi s'appliquant
immédiatement, en l'absence de dispositions sur ses
modalités de mise en application, la nouvelle loi
organise pour un temps une tolérance totale.
(5)
Faits passibles de 1 MF (152 449 Euros) et de 2 ans d'emprisonnement,
et permettant la fermeture de l'établissement et
la confiscation du matériel, articles L. 335-2 et
suivants du code de la propriété intellectuelle.
(6)
Article R2 du code des débits de boisson.
(7)
Les articles L. 362-3 et suivants du code du travail prévoient
en matière de travail dissimulé des sanctions
de 2 ans d'emprisonnement et de 30 489,80Euros (200
000 F) d'amende, ainsi que l'interdiction d'exercice professionnel
et la confiscation du matériel.
(8)
Jo du 17 octobre 1997, p 2718.
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