Mis
en ligne le 4 mai 2010
Monsieur Laurent PERDIOLAT occupe le poste de chef du bureau « infrastructures de transport, secteur audiovisuel » au sein de l’Agence des participations de l’Etat. Il s’agit d’un service à compétence nationale dirigée par le Trésor public, au sein de ministère de l’économie et des finances. Elle a pour mission d’incarner et d’exercer la fonction d’actionnaire de l’Etat :
- elle propose la position de l’Etat actionnaire au ministre de l’économie, en ce qui concerne la stratégie des entreprises et organismes figurant sur une liste annexée au décret qui l’a créé ;
- elle contrôle l’activité des personnes de droit public figurant sur la liste et la gestion financière des personnes contrôlées.
La société anonyme ARTE France figure sur cette liste et fait partie des entités relevant du périmètre de l’agence, dont elle soutient notamment la production et la création (1).
Le bureau que dirige Monsieur PERDIOLAT est quant à lui chargé d’exercer la mission de l’Etat dans les secteurs des services et de l’audiovisuel rentrant dans le champ de compétence de l’Agence (2).
Monsieur PERDIOLAT est nommé par arrêté du 11 mars 2010 au conseil de surveillance de la société ARTE France (3).
Il nous semble donc que les éléments du délit de prise illégale d’intérêt, prévu et réprimé à l’article 432-12 du code pénal, sont constitués (4).
Exerçant une fonction de direction au sein d’une agence contrôlée par l’Etat, Monsieur PERDIOLAT est chargé d’une mission de service publique en ce qu’il exerce la mission de l’Etat notamment dans le secteur de l’audiovisuel.
ARTE France est une entité appartenant au secteur de l’audiovisuel et entrant dans le périmètre de compétence de l’Agence des participations de l’Etat. Ce dernier détient également 45% des parts de cette société. L’Agence a notamment permis qu’un contrat d’objectifs et de moyens soit signé entre ARTE France et l’Etat, le 15 mars 2007, permettant à la chaîne de financer le développement de ses programmes (5). En occupant un poste au conseil de surveillance d’ARTE France, Monsieur PERDIOLAT prend donc directement un intérêt direct qui est loin d’être quelconque dans une entreprise dont il a la charge d’assurer la surveillance et le contrôle.
La réglementation relative à l’Agence prévoit qu’elle représente l’Etat dans les assemblées d’actionnaires des entreprises dont elle assure le contrôle. Cependant, aucune loi ne prévoit que ce décret puisse déroger aux dispositions du code pénal relatives à la prise illégale d’intérêt. Le décret fondant cette agence organise donc le pantouflage illégale de l’un de ses responsable. Ainsi que l’a précisé la cour de cassation dans son arrêt en date du 4 novembre 2004, le fait d’être nommé à certaines de ces fonctions par décision gouvernementale ne caractérise pas l’ordre de la loi (6), qui permettrait d’écarter la commission de ce délit. Un décret ne peut déroger à une disposition pénale de nature législative. Est-il utile de rappeler que nul n’est censé ignorer la loi ?
Ce serait faire insulte à Monsieur PERDIOLAT, ancien élève de l’École nationale des ponts et chaussées, d’affirmer qu’il ignorait sa nomination, au conseil de surveillance de ARTE France, dans la mesure où celle-ci a été publiée au Journal Officiel. Ceci constitue l’élément intentionnel du délit de prise illégale d’intérêt. ?
(1) Décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l’Etat. JORF du 10 septembre 2004 page 15929.
(2) Arrêté du 11 octobre 2004 portant organisation de l’Agence des participations de l’Etat. JORF du 13 octobre 2004.
(3) Arrêté du 11 mars 2010 portant nomination d’un représentant de l’Etat au conseil de surveillance de la société ARTE France. JORF du 16 mars 2010 page 5014.
(4) Article 432-12 du code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. »
(5) Rapport 2008 de l’Agence des participations de l’Etat, page 117.
(6) Cass. Crim. 4 novembre 2004, n° 03-84687.
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