Madame Laurence ENGEL exerçait jusqu’en mai 2013 les fonctions de directrice de cabinet du ministre de la culture dans lesquelles elle avait été nommée en mai 2012. Elle avait été contrainte de quitter ce poste à la suite de la démission de son compagnon, Aquilino MORELLE de ses fonctions de conseiller politique de François HOLLANDE, mis en cause pour des faits de conflit d’intérêt. Par décret en date du 5 septembre 2014, Madame Laurence ENGEL a été nommée médiateur du livre (1).
Or, ainsi que nous l’avions commenté dans notre numéro de juillet août 2014 (2), l’article 1er du décret du 19 août 2014 relatif au médiateur du livre précise que la fonction de médiateur du livre est incompatible avec le fait d’exercer ou d’avoir exercé au cours des trois dernières années, les fonctions de dirigeant, d’associé, de mandataire social ou de salarié d’une entreprise ou d’un organisme relevant d’une des catégories d’entreprises ou d’organismes susceptibles de le saisir (3).
Sont concernés par cette incompatibilité : tout détaillant, toute personne qui édite des livres, en diffuse, en distribue auprès des détaillants, toute organisation professionnelle ou syndicale concernées, les prestataires techniques auxquelles ces personnes recourent, ainsi que les ministres intéressés, en l’occurrence, le ministre de la culture dont les attributions intègrent la tutelle du livre.
En sa qualité de directeur de cabinet du ministre de la culture jusqu’en mai 2014, Madame Laurence ENGEL a exercé une fonction de dirigeante et de salariée du ministre de la culture. Elle n’avait donc pas le droit d’être nommée en qualité de médiateur du livre avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant son départ.
Il convient également de se rappeler que jusqu’en mai 2012, Madame Laurence ENGEL était directrice des affaires culturelles de la Mairie de Paris, qui édite chaque année de nombreux ouvrages, notamment pour les expositions de ses musées. Elle dispose même pour ses bibliothèques d’une filiale éditoriale, Paris Bibliothèque. Au titre de cette fonction de directeur des affaires culturelles de la ville de Paris, elle assurait une fonction de direction et de salariée d’un organisme éditant et diffusant des livres auprès des détaillants, les librairies des musées municipaux, fonction exercée depuis moins de trois ans. Pour cette seconde raison, elle ne pouvait pas d’avantage être nommée médiateur du livre.
Une nomination illégale
Sa nomination à ce poste nous semble en conséquence encourir la critique de l’illégalité, et celà à double titre.
Quelle indépendance peut bien avoir un médiateur si toute partie à un différend auquel elle est chargée d’apporter une solution peut la menacer d’invoquer cette illégalité et de lui faire perdre son poste ? Ayant été directeur de cabinet du ministre de la culture au moment où la loi ayant créé le médiateur du libre a été promulguée, elle ne pouvait de surcroît ignorer cette réglementation.
Lorsque le gouvernement met en place des réglementations destinées à mettre fin aux situations de conflit d’intérêts, les énarques semblent s’évertuer à n’en faire que des artifices de communication qui ne les concernent pas.
(1) Décret du 5 septembre 2014 portant nomination du médiateur du livre - Mme ENGEL (Laurence), JORF du 7 septembre 2014 page 14826.
(2) La Lettre de Nodula, n° 245, 2724.
(3) Article 144.II. alinéa 1er de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.