Permettons
nous tout d'abord de remercier Monsieur Alain SEBAN de nous
écrire. Nous apprécions que le ministère
de la culture, qui nous a toujours ignoré superbement
quel que soit la couleur du ministre, s'adresse à
nous. Nous remercions pour cela Monsieur AILLAGON à
qui nous devons sans doute ce léger changement de
climat.
Il
est évident que lorsque nous nous permettons d'insérer
un nom et des faits dans notre petit bréviaire de
la corruption, nous procédons à toutes les
vérifications. Nodula qui existe depuis 1992 n'a
jamais fait l'objet de la moindre condamnation.
Monsieur
Alain SEBAN a la gentillesse de nous demander de rectifier
les commentaires que nous avons publiés sous son
nom dont il ne souhaite pas relever la nature diffamatoire.
Et pour cause, tout ce que nous écrivons est vrai.
En
effet, comment la direction du développement et des
médias qui est justement chargée du contrôle
des chaînes publiques, peut elle sereinement exercer
sa mission si les responsables exercent par ailleurs des
fonctions d'administrateur de ces mêmes chaînes.
Le fait que ces fonctions soient éventuellement gratuites,
est sans incidence. Monsieur SEBAN retire un intérêt
moral évident à participer à ce conseil
d'administration. La plupart des présidents de chaînes
publiques nommés par ces conseils d'administration
sont justement des administrateurs qui exerçaient
par ailleurs des fonctions de direction au ministère
de la culture. Comment Monsieur Alain SEBAN, administrateur
de France 2, France 3 et de la Cinquième en situation
de prise illégale d'intérêt à
titre personnel, peut-il critiquer le fait que le PDG de
France télévision, Monsieur Marc TEISSIER,
est lui-même en situation de prise illégale
d'intérêt en sa qualité d'ancien directeur
du CNC. Comment peut-il critiquer le fait que ces chaînes
publiques engagent à leur tour d'anciens membres
du CSA, eux aussi en situation de prise illégale
d'intérêt.
Monsieur
SEBAN cautionne toutes ces décisions illégales
et s'interdit de mener efficacement la tutelle que sa fonction
de directeur du développement et des médias
lui donne la charge d'exercer. Monsieur Alain SEBAN n'est
pas en mesure d'exercer de façon indépendante
ses fonctions officielles car il donne prise à la
critique. Il n'est ni indépendant, ni impartial,
et sujet à toutes sortes de chantage. Toute entreprise
privée ou publique peut ainsi tenter d'obtenir de
sa part des avantages indus en menaçant de le poursuivre
au pénal.
En
effet, si les textes prévoient bien la présence
de représentants de l'Etat au sein des conseils d'administration
des chaînes publiques, aucun texte n'autorise que
soient nommés à ces postes les fonctionnaires
par ailleurs en charge d'exercer la tutelle de ces entreprises.
Au contraire, les décrets d'application relatifs
aux représentants de l'ETAT dans les chaînes
publiques rappellent les règles d'incompatibilité.
Monsieur
Alain SEBAN, qui est Maître des Requêtes au
Conseil d'Etat, ne peut ignorer la jurisprudence du Conseil
d'Etat sur ces questions.
Le Conseil dEtat a déjà eu à
connaître de situations proches, voire similaires.
Dans le cadre de son arrêt du 24 janvier 1969 Dalloz
1969 page 440, il a annulé un arrêté
portant détachement dun fonctionnaire en qualité
de directeur dune caisse primaire de sécurité
sociale, organisme de droit privé en raison de lillégalité
de la décision ministérielle qui avait auparavant
agréé la nomination de lintéressé
à ce poste.
Le Conseil dEtat a maintenu cette position dans son
arrêt CE du 6 décembre 1996, Sté Lambda
C/Beaufret dans lequel il a considéré quun
décret nommant un fonctionnaire au poste de sous-gouverneur
du Crédit Foncier de France était entaché
dexcès de pouvoir dès lors que lintéressé,
avant sa nomination, exerçait, en sa qualité
de chef du service des affaires monétaires et financières
à la direction du trésor, un contrôle
direct sur cet établissement . Pourtant, les statuts
du Crédit Foncier de France prévoient également
qu'un certain nombre d'administrateurs et le président
sont nommés par l'État.
Le fait que certains administrateurs d'une société
privée dont le capital est détenu par l'Etat,
soient de par la loi nommés par l'Etat, n'autorise
pas ce dernier à y désigner une personne étant
ou ayant été du fait de ses fonctions au sein
de l'administration en position de contrôler ou de
surveiller cette entreprise ses prestataires ou ses concurrentes.
La loi de 1986 relative à la liberté de communication
ne contient aucune disposition dérogatoire à
la loi pénale. Aucun des décrets pris en application
de cette loi et approuvant les statuts des chaînes
publiques, ni aucun autre texte d'application ne saurait
déroger aux dispositions de la loi pénale,
notamment à celles de l'article L. 432-12 du code
pénal.
De
plus, ces dispositions figurent également dans le
code de la déontologie de la fonction publique élaboré
au sein du Conseil de l'Europe et l'on voit mal un État
membre de ce conseil y déroger ouvertement.
Il convient ensuite de noter qu'aucune des dispositions
du décret n° 94-582 du 12 juillet 1994 relatif
aux conseils et aux dirigeants des établissements
publics et entreprises du secteur public ne contient une
quelconque disposition permettant de penser qu'il a entendu
permettre la nomination au sein des conseils d'administration
des entreprises publiques de nature industrielles et commerciales
intervenant dans le secteur concurrentiel des fonctionnaires
ayant justement pour fonction de contrôler, surveiller,
et passer des conventions avec ces entreprises au nom de
l'État ou d'autres entreprises publiques ou privées.
Bien au contraire, ce décret n° 94-582 du 12
juillet 1994 rappelle dans son article 8 qu'il est interdit,
sauf autorisation spéciale du ministre pris après
consultation de la commission de déontologie de la
fonction publique, à tout fonctionnaire ayant représenté
l'Etat au conseil d'une société d'entrer au
service de cette société, à un titre
quelconque, avant l'expiration d'un délai de cinq
ans à compter du jour où il a quitté
ce conseil.
Ce décret organise donc des conditions plus sévères
que celles prévues par l'article 432-13 du code pénal,
lequel ne concerne que les entreprises publiques industrielles
et commerciales intervenant dans le secteur concurrentiel,
alors que ce décret n° 94-582 du 12 juillet 1994
concerne toutes les entreprises publiques, y compris administratives.
On ne voit donc pas sur quel texte Monsieur Alain SEBAN
pourrait se fonder pour justifier sa présence au
sein du réseau de corruption constitué par
les très nombreux agents publics qui contrôlent
et mettent la culture française en coupe réglée
au détriment de la liberté et de la diversité
de la création.
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