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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Ballet National de Marseille :

Centre chorégraphique national recherche statut,
désespérément ...


Le contentieux qui vient de se clore à Marseille par le départ de Madame Marie-Claude PIETRAGALLA est des plus intéressants à analyser sur le plan juridique. Il nous donne l’occasion de rappeler ce qu’est la loi de la jungle qui a seule cour au ministère de la culture et plus particulièrement dans le secteur de la danse.

Un certain nombre d’articles publiés ces dernières semaines sur cette crise ont posé la question de la nécessité de réformer le statut des centres chorégraphiques nationaux. D’autres se sont interrogés sur l’adéquation du statut de ballet national avec celui de centre chorégraphique national (CCN). Il nous semble que cette question de statut est effectivement à l’origine d’un certain nombre de malentendus et de contentieux.

Le plus étonnant est sans doute de lire des articles posant la question du statut des centres chorégraphiques et de sa nécessaire réforme sans imaginer un instant que la source des problèmes tient non pas l’inadaptation du statut de ces structures mais à l’absence totale de statut. En effet, tout un chacun peut s’intituler ballet national ou centre chorégraphique national. N’a t-on pas vu récemment un groupe rap s’intituler orchestre national de Barbès ?

Il n’existe pas d’avantage de texte autorisant le ministère de la culture à créer et financer les centres chorégraphiques nationaux que les ballets nationaux.

Des institutions destinées à créer un répertoire contemporain

Le ministère de la culture a toujours présenté les centres chorégraphiques nationaux comme étant destinés à créer un répertoire contemporain. Qu’en a-t-il été du ballet “ national ” de Marseille.

En effet, lors du départ de Roland PETIT, Marie-Claude PIETRAGALLA a accepté de prendre la direction du ballet en annonçant publiquement qu’elle entendait poursuivre le travail de Roland PETIT et maintenir le répertoire créé en présentant ses ballets. Or, il n’existait aucun contrat entre l’association Ballet National de Marseille Roland PETIT et Monsieur Roland PETIT. Le ballet national est en réalité une association de droit privé, déclarée selon la loi de 1901 et intégralement soumise au droit privé. Aucun des administrateurs du ballet n’avait jugé utile de vérifier que ce ballet créait bien un répertoire. Le ministère de la culture et le ballet de Marseille qui finançaient ce ballet n’avaient pas d’avantage jugé utile d’exiger la quelconque preuve d’une création de répertoire. À titre de comparaison, lorsqu’un producteur de cinéma demande un numéro de visa d’exploitation pour un film au registre public de l’audiovisuel, le Centre National du Cinéma (CNC) exige la production des contrats d’auteur autorisant le producteur à envisager sa production.

Le cadre légal de la création de répertoire

Pour qu’un ballet ou un centre chorégraphique national puisse disposer d’un répertoire, il est nécessaire qu’il en ait acquis les droits de représentation. Or, si l’on se situe dans un cadre de droit privé, sans aucune dérogation, puisqu’il n’existe aucun texte légal ou réglementaire venant organiser la création de répertoire par ces institutions, il est nécessaire d’appliquer strictement l’article L. 132-19 du code de la propriété intellectuelle qui énonce que le contrat de représentation est conclu pour une durée limitée ou pour un nombre déterminé de représentations. On pourrait bien entendu convenir contractuellement d’une durée fort longue, proche de la durée légale de protection des œuvres d’un nombre conséquent de représentations à même de faire en sorte que le problème ne se pose jamais. Aucun des administrateurs du ballet n’a jamais veillé à ce que l’association acquiert les droits de ses directeurs artistiques.

Le choix d’une structure de droit privé rend difficile la création d’un répertoire. Il faudrait pour cela que les ballets soient créés dans le cadre de structures de droit public autorisant un régime de commande d’État, pouvant déroger au droit commun de la propriété intellectuelle en faisant que les œuvres financées avec des fonds publics, dans le cadre de missions de service public et par des personnes payées sur fonds publics, appartiennent bien à l’État.

Un contrôle fort particulier

Il est tout de même étonnant de voir que la question du répertoire, soulevée en 1998 lors du départ de Roland PETIT se soit posée dans les mêmes termes en 2004 avec le départ de Madame PIETRAGALLA.

On trouvait pourtant en 1997 au sein du conseil d’administration du ballet national de Marseille Roland PETIT Monsieur Jean DIGNE, actuel président de Hors Les Murs, alors Directeur de l’AFAA (1), Monsieur François de BANES GARDONNE, Directeur régional des affaires culturelles, Madame Anne CHIFFERT, inspecteur général de l’administration du ministère de la culture et actuelle présidente du Centre National de la Danse, qui était à cette époque déléguée à la danse au ministère de la culture, outre Monsieur Jean Claude GAUDIN et Monsieur VIGOUROUX.

Ces personnes étaient en charge de la gestion directe du ballet alors qu’elles étaient par ailleurs responsables de sa tutelle et de son financement (2). Il est évident qu’aucune tutelle sérieuse ne peut être exercée par des personnes qui participent à l’absence totale de gestion des centres chorégraphiques nationaux.

On voit mal les personnes citées ci-dessus critiquer le manque de sérieux de la gestion de ce ballet alors qu’elles en étaient responsables à plusieurs titres et que leur situation relève de qualifications pénales. Lorsque l’on vote un budget de production et que l’on met une production en route, la première tâche d’un administrateur de production responsable est de vérifier que l’entreprise dispose bien des droits d’auteurs permettant d’engager les dépenses sans risque. Si la mise en production est justifiée par la création d’un répertoire, c’est-à-dire la mise en production d’une œuvre dont le souci immédiat n’est pas la rentabilité, mais un investissement sur l’avenir, cette question des droits d’auteur est encore plus importante.

Par ailleurs, on voit mal comment l’inspection générale du ministère de la culture, qui devrait normalement contrôler les entreprises financées sur les fonds du ministère pourrait contrôler une association dont plusieurs inspecteurs généraux sont administrateurs.

Marie Claude PIETRAGALLA s’est donc retrouvée à la tête d’un ballet qui n’avait aucun répertoire, Monsieur Roland PETIT n’ayant pas apprécié les conditions de son remerciement, justifié par la découverte fortuite par la ministre de l’époque, Madame Catherine TRAUTMANN de son statut fiscal et personnel et de son train de vie mis en exergue dans un rapport de la chambre régionales des comptes.

Les pouvoirs publics ne pouvaient donc ignorer que le statut du ballet “ national ” de Marseille n’autorisait pas la création de répertoire et auraient du modifier la donne. Les administrateurs de l’association qui se sont succédés ces dernières années auraient dû être en mesure de rectifier cette question s’ils en avaient eu la volonté. Ainsi de Madame Sylvie HUBAC, Directrice de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) jusqu’en janvier 2004, de Monsieur Jérôme BOUET, alors directeur de la DRAC Provence Alpes Côte d’azur, qui lui a succédé à la tête de la DMDTS du ministère de la culture, de Madame Catherine AHMADI, sous directeur de la DMDTS. Il n’en a rien été.
Le licenciement de Madame PIETRAGALLA aboutit à l’annulation des représentations programmées puisqu’il s’avère que le ballet “ national ” de Marseille n’a pas d’avantage négocié les droits de Madame PIETRAGALLA sur ses œuvres qu’il n’avait négocié ceux de Monsieur Roland PETIT. Sous la direction de Madame PIETRAGALLA, aucun répertoire n’a donc été créé.
Suite à sa mission d’audit du ballet, Monsieur Marc SADAOUI avait pourtant été nommé administrateur général du ballet. Nous avions écrit alors qu’il est tout à fait indécent qu’un ancien directeur de cabinet du ministre de la culture, chargé d’une mission d’audit à la demande du ministère de la culture se fasse embaucher par l’entreprise qu’il avait la charge d’auditer. Cette situation n’est pas seulement condamnable moralement, Monsieur Marc SADAOUI est entré à cette époque dans le petit bréviaire de la corruption (3) pour ces faits qui nous semblent constitutifs de prise illégale d’intérêt.
D’ailleurs, ainsi que l’indique Madame PIETRAGALLA qui s’étonne du comportement de ce haut fonctionnaire, Monsieur Marc SADAOUI a augmenté l’effectif administratif et technique du ballet au détriment de l’effectif artistique et fait de la responsable de la CGT qui s’occupait de la billetterie la directrice de la communication du ballet. On touche là au fonds du problème. Au delà du discours, ces entreprises n’auraient-elles pas pour unique but de rémunérer des amis et de se faire des obligés ?

De deux choses l’une, soit ces administrateurs sont d’une incompétence rare, soit le souci affiché des centres chorégraphiques nationaux de créer du répertoire n’est effectivement destiné qu’à la communication, ces centres ayant pour vocation première de servir la communication de l’État et de créer de la clientèle.

Pourtant, des modes de gestion à même de permettre la création de répertoires contemporains existent, mais aucun des modes légaux de financement de projets culturels n’autorise les agents du ministère de la culture à être à la fois la tutelle, les administrateurs, les décideurs artistiques et à financer avec les budgets de ces ballets des fonctionnaires en situation de pantouflage, tout en garantissant une opacité absolue vis-à-vis du public.

Pour réfléchir à une vraie politique de la danse, il est impératif de se situer dans un cadre respectueux de l’État de droit, et surtout, il est nécessaire que soit créée une administration du ministère de la culture à même de contrôler la gestion des Centres Chorégraphiques Nationaux sur la base de délégations de service public et de cahier des charges précis. Mais pour contrôler une gestion privée, il faut être indépendant et impartial au regard de cette gestion.

L’absence de cadre légal des CCN autorise toutes les déviances

Les conditions du départ de Madame PIETRAGALLA ne sont à l’honneur de personne. En effet, ainsi que l’a publiquement expliqué Monsieur Jérôme BOUET, elle a été licenciée pour faute grave afin que ses indemnités ne soient pas imposées. Le Ministre de la culture a donc décidé le licenciement pour faute et annonce au public que ce montage est fictif et est uniquement destiné à frauder le fisc... Le licenciement pour faute grave est en effet un préalable indispensable à la négociation d’une transaction. C’est bien entendu le ballet national de Marseille qui s’acquittera du paiement de ces indemnités, une subvention spécifique lui étant sans doute attribuée à cet effet. Les médias présentent toute cette cuisine comme naturelle alors que chacun des éléments qui la compose est répréhensible.

Effectivement le silence de Madame PIETRAGALLA a un prix, mais ce qui est sans doute le plus étonnant est que tout cela puisse s’afficher publiquement, le monde de la culture et le ministère correspondant agissant au grand jour dans la certitude d’une impunité absolue.

(1) Association financée par le ministère des affaires étrangères et qui financent notamment les tournées et déplacements à l’étranger des compagnies de danse.

(2) Nous avions écrit à cette époque que cette situation nous semblait relever de la prise illégale d’intérêt de l’article 432-12 du code pénal. Les faits sont aujourd’hui prescrits. Ces faits pourraient également relever de l’article 433-13 du Code pénal qui sanctionne le fait d’exercer une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique.
(3) www.nodula.com/pantouflage_du_mois/html.


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