Publié le 18 août 2016 :
Madame Patricia BARBIZET à la Philharmonie : une présidente qui risque de
ne pas pouvoir beaucoup siéger !
Madame Patricia
BARBIZET a été nommée par décret du 25 mars 2016 présidente du conseil
d’administration de l’Établissement public de la cité de la musique -
Philharmonie de Paris (1). Elle en avait été nommée administratrice par décret
du 10 février 2016 (2). Il s’agit d’un établissement public industriel et
commercial qui développe une activité de production et de diffusion musicale,
et qui exploite le musée national de la musique. Cet établissement public a été
créé en 2015 et s’est substitué à l’établissement public de la cité de la
musique (3). Le conseil d’administration de cet établissement règle par
délibération les affaires de l’établissement.
En sa qualité de présidente de cet établissement public,
Madame Patricia BARBIZET est chargée d’une mission de service public. Elle n’a
donc pas le droit de conserver, directement ou indirectement, un intérêt
quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a au moment de
l’acte, en tout oupartie, la charge d’assurer la surveillance ou
l’administration (4).
Or, Madame Patricia BARBIZET exerce toujours les fonctions de
directrice générale de la société ARTEMIS - la holding personnelle de la
famille Pinault - qui gère les avoirs du groupe. La holding ARTEMIS détient
32,86 % de la FNAC, ce qui fait d’elle son premier actionnaire. Madame BARBIZET
est membre du conseil d’administration de la FNAC. Le site internet de la FNAC
et les magasins FNAC vendent la billetterie de la Philharmonie et sont donc
directement intéressés à sa gestion. La distribution de billets de spectacles est
l’une des quatre activités du groupe FNAC.
Il nous semble qu’à ce titre, Madame Patricia BARBIZET
pourrait encourir des poursuites au titre de la prise illégale d’intérêt de
l’article 432-12 du code pénal.
La holding ARTEMIS détient également des intérêts, directement
ou indirectement, dans des sociétés de production et/ou de diffusion de
spectacles, ce qui la met en situation de concurrence économique avec la
Philharmonie.
La Holding ARTEMIS détient également des musées, ainsi que la
société de vente aux enchères Christie’s, alors que la Philharmonie gère le
musée de la musique, ce qui pourrait également être source de conflits
d’intérêts puisque ce musée a vocation à acquérir des œuvres notamment auprès
des maisons de vente aux enchères.
En principe, Madame Patricia BARBIZET a dû adresser à la
Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de
situation patrimoniale et une déclaration d’intérêt. Mais cette déclaration
doit être établie selon le modèle annexé au décret du 23 décembre 2013 (5) qui
manque singulièrement de précision et participe en conséquence fort peu à la
prévention des conflits d’intérêts.
Madame Patricia BARBIZET est également administratrice de la
Fondation de France, qui accueille notamment la Fondation de la Philharmonie de
Paris qu’elle a créé en 2014.
Ce n’est pas la seule situation de conflit d’intérêt dans
laquelle s’est placée Madame BARBIZET en acceptant la fonction de présidente du
conseil d’administration de la Philharmonie de Paris. En effet, la Philharmonie
a pour partenaires principaux un certain nombre d’entreprises (6) qui la
placent également en situation délicate…
La Philharmonie collabore ainsi avec le Conservatoire National
Supérieur de Musique et de Danse de Paris, alors que le directeur général de la
Philharmonie, Monsieur Laurent BAYLE, est membre du conseil
d’administration du CNSMDP (7). Monsieur Bruno MONTAVONI, qui
exerce les fonctions de directeur du CNSMDP, a quant à lui été nommé par décret
du 10 février 2016 au conseil d’administration de la Philharmonie ; et c’est ce
conseil qui a proposé au conseil des ministres la nomination de Madame Patricia
BARBIZET. Ces personnes prennent réciproquement des intérêts illicites dans des
opérations vis-à-vis desquelles ils ont charge de surveillance et
d’administration, de liquidation et de paiement. Ce faisant, ils nous semble
commettre des faits passibles de prise illégale d’intérêt au sens de l’article
432-12 du code pénal, et si Madame BARBIZET ne dénonce pas ces faits dans le
cadre de l’administration de l’établissement dont elle aura dorénavant la
responsabilité, elle se rendra éventuellement complice de ces infractions.
La Philharmonie de Paris accueille également en qualité
d’orchestre résident l’Orchestre de Paris dont le site internet indique que Madame
Audrey AZOULEY, ministre de la culture qui a signé l’arrêté de
nomination de Patricia BARBIZET, est membre du conseil d’administration. Cette
entreprise de spectacles, titulaire de la licence d’entreprise de spectacle est
d’ailleurs présidée par un avocat en exercice (8), profession qui n’a en
principe pas le droit d’exercer d’activité commerciale permanente…
Madame Patricia BARBIZET est vraiment très forte puisqu’elle
arrive à la tête d’une entreprise qui accueille régulièrement le quatuor ARTEMIS,
qui porte le même nom que la holding financière de François PINAULT dont elle
est la directrice générale, mais qui n’a à notre connaissance aucun lien avec
cette entreprise et porte ce nom depuis fort longtemps. La Philharmonie a
également un partenariat privilégié avec « les arts florissants, William Christie »,
qui porte là encore le même nom que la société de vente aux enchères
Christie’s, propriété de la holding ARTEMIS dont elle assure la direction. Là
non plus, il n’existe à notre connaissance aucun lien de droit entre les deux
entités. Cela pose cependant un cas d’école, puisque Madame BARBIZET va, en
poursuivant ces collaborations, faire prospérer des noms d’entreprises dans
lesquelles elle détient directement des intérêts. Il est vrai qu’il existe 103
marques déposées à l’Institut national de la propriété intellectuelle intégrant
le terme ARTEMIS qui ne semble donc pas très distinctif. En revanche,
Christie’s est nettement moins courant…
Le moins que nous puissions dire, c’est que Madame Patricia BARBIZET
nous semble avoir le plus grand intérêt à intégrer l’article 2 de la loi
relative à la transparence de la vie publique (9) qui énonce que : « constitue
un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et
des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître
influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » ; et que lorsqu’elles estiment se trouver dans une telle situation : les
personnes concernées s’abstiennent de siéger. □
(1) JORF du 26 mars 2016.
(2) JORF du 11 février 2016.
(3) JORF du 25 septembre 2015 page 17074.
(4) L’article 432-12 du code pénal énonce que « Le
fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une
mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif
public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un
intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au
moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance,
l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans
d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».
(5) Décret n° 2013-1212 du 23 décembre 2013 relatif aux
déclarations de situation patrimoniale et déclarations d’intérêts adressées à
la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.
(6) Nous n’en citons que quelques unes.
(7) Arrêté du 2 septembre 2015 portant nomination au conseil
d’administration du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de
Paris JORF du 18 septembre 2015 page 16538.
(8) En l’occurrence, il s’agit de Monsieur Pierre JOXE, ancien
ministère, ancien membre du conseil constitutionnel.
(9) Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la
transparence de la vie publique.
Publié au numéro d'avril 2010 :
Madame Patricia BARBIZET occupe le poste de Directeur Général de la société ARTEMIS, et préside par ailleurs le Conseil d’Administration de cette société. Le groupe ARTEMIS est une filiale de la société Financière Pinault, société dans laquelle Madame Patricia BARBIZET entre autres, siège au Conseil de Surveillance.
Le groupe ARTEMIS est présent dans un grand nombre de secteurs d’activités, tels que le luxe et le grand public, les médias et la communication, les ventes aux enchères, mais aussi les services et les industries, le vignoble, et les assurances.
Le groupe FNAC
Parmi les sociétés détenues par le Groupe ARTEMIS, figure la FNAC. Depuis 1996, cette société est détenue à 100% par la société PPR, filiale de luxe du groupe ARTEMIS.
La FNAC distribue des produits culturels et technologiques, notamment des ouvrages édités par la RMN. Par ailleurs, la FNAC offre, sur Internet, un service de réservation et de préachat de billets pour les expositions et visites guidées organisées par la RMN. Ce service est également assuré par les points de vente FNAC. Une visite individuelle avec conférencier de la RMN au sein de la Galerie des Gobelins est également proposée par la FNAC.
Ces offres impliquent que différents contrats ont été conclus entre la RMN et la FNAC et sont en cours d’exécution.
Or par arrêté du 12 avril 2010, Madame Patricia BARBIZET a été nommé administrateur de la RMN (1).
La RMN est un Etablissement public industriel et commercial depuis 1990 et a pour but la gestion d’une activité de service public. D’ailleurs, le décret d’institution de la RMN précise que le conseil d’administration de cet établissement public assure clairement une mission de service public, puisqu’il est précisé que celui-ci « détermine la politique culturelle de l’établissement dans le cadre des orientations fixées par l’Etat » (2).
Exerçant une fonction d’administration au sein de cet établissement public, Madame Patricia BARBIZET a conservé un intérêt dans le groupe ARTEMIS, puisqu’elle en assure toujours la direction et l’administration.
Ce serait faire injure à Madame BARBIZET d’imaginer qu’elle puisse ne pas avoir conscience de sa nomination et de la situation dans laquelle elle est ainsi placée.
Il nous semble donc que les éléments du délit de prise illégale d’intérêt, prévu et réprimé par l’article 432-12 du Code pénal, sont constitués (3). ?
(1) JORF du 20 avril 2010, page 7331.
(2) Article 6 du décret n° 90-1026 du 14 novembre 1990, relatif à la Réunion des Musées Nationaux.
(3) Article 435-12 du code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende »
- Publié au numéro 198 du mois d'avril 2010 -.
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