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mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la
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Fonds régionaux d’art contemporain
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Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant
Cet article a été publié au numéro 264 correspondant à l'actualité du mois d'avril 2016 dans la rubrique des réponse aux réponses des parlementaires.
Question. - M. Hervé Féron
attire l’attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur
la question de l’avenir des Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC).
Institués par la circulaire du 3 septembre 1982 (1), sur la base d’un
partenariat entre l’État et les régions, les FRAC sont devenus des outils
essentiels de la politique de soutien à la création et à la diffusion de l’art
contemporain. Du marchand d’art jusqu’à la classe de trente élèves qui vient
visiter une exposition, les FRAC travaillent avec un large tissu social, au
plus proche du public et des collectivités. La France compte aujourd’hui 23
FRAC, réunissant près de 26 000 œuvres, ce qui équivaut à la deuxième
collection d’art contemporain du pays. Afin de protéger ces collections parfois
très précieuses, l’article 18 du projet de loi relatif à la « Liberté de création, à l’architecture et au patrimoine » donne une base légale aux FRAC afin de les protéger de la
revente, notamment à la suite d’un changement de majorité politique. Ces
collections pourront ainsi être à l’abri en cas d’arrivée à la tête d’un
conseil régional d’un représentant politique d’un parti hostile à la culture
(l’exemple de Fréjus, où le maire FN oblige les artistes à garder des enfants
pour garder le logement qui leur est attribué par la municipalité, est
suffisamment parlant). Si la disposition prévue à l’article 18 du Projet de loi
peut être légitimement saluée dans le monde de l’art contemporain, des
inquiétudes subsistent néanmoins au sujet de l’avenir des FRAC. En effet, il
n’est pas assuré que lorsque deux régions fusionneront, la nouvelle entité se
retrouve avec deux FRAC au lieu d’un seul auparavant. L’État et les régions
devront décider, au cas par cas, du sort de ces établissements ; et il y a fort
à craindre que la constitution des sept grandes régions entraîne la disparition
de nombreux FRAC, au profit d’une recentralisation régionale. Les effets
néfastes seraient multiples : aujourd’hui structures légères de 6 à 20
personnes, les FRAC deviendraient de grosses machines sans véritable
implantation locale, ce qui fait pourtant leur force depuis le début. Ceci fait
dire à M. Bernard de Montferrand, président du réseau Platform (association qui
réunit l’ensemble des FRAC), qu’il est nécessaire de trouver des « formules fédératives » entre les
structures existantes, plutôt que de les supprimer. Ainsi permettrons-nous de
préserver leur indépendance, avec une certaine souplesse dans leur gestion.
Cette réforme pourrait également être l’occasion de redéfinir les missions des
FRAC, mais aussi, au sein de régions à dimension européenne, de les faire
rayonner davantage en élargissant leur action à l’étranger. Au vu de ces
éléments, il souhaite connaître la stratégie du Gouvernement pour préserver et
développer encore davantage les 23 FRAC, structures pilotes de la
décentralisation et de la démocratisation culturelles.
Réponse. - (2) Créés en 1983, les Fonds
régionaux d’art contemporain (FRAC), fruits d’une collaboration exemplaire de
l’État et des régions, sont des outils efficaces de décentralisation et de
démocratisation culturelle, qui ont accueilli 1,6 millions de visiteurs dans
l’ensemble de leurs expositions et actions en 2014. Le ministère de la culture
et de la communication est très attaché à ce réseau qui permet la diffusion de
l’art contemporain sur l’ensemble du territoire, du fait de sa mission de
présentation des œuvres dans et hors les murs, notamment dans des lieux non
dédiés aux expositions, et des actions de sensibilisation et de médiation qu’il
mène. C’est pourquoi, l’article 18 du projet de loi relatif à la liberté de la
création, à l’architecture et au patrimoine, porté par le ministère, instaure
une appellation FRAC, afin de sécuriser leur existence et leurs collections. Le
projet de décret d’application relatif à l’appellation FRAC, et le cahier des
charges qui lui est attaché, permettront de réaffirmer et renforcer la mission
de diffusion des collections mais aussi de réaffirmer et développer les
missions de ces structures au niveau local, national et international,
notamment par le développement de la mise en réseau. La concertation sur ces
textes en cours d’élaboration a débuté avec les instances représentatives des
professionnels et celles des commissions culture des collectivités
territoriales. Ce réseau, du fait de la nature partenariale de son financement
entre l’État et les régions, est le plus impacté par la fusion des régions et
la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Aussi,
au-delà de la mise en place d’une appellation FRAC, le ministère de la culture
et de la communication a pris l’initiative, depuis plus d’un an, d’un groupe de
travail rassemblant les directeurs de FRAC et l’association Platform, qui est
leur regroupement, ainsi que les conseillers arts plastiques des directions
régionales des affaires culturelles (DRAC) et le service de l’inspection de la
création artistique, pour travailler sur les enjeux posés par les évolutions
législatives récentes et réfléchir aux évolutions des FRAC, afin de renforcer
leur ancrage dans les politiques publiques des arts visuels. Dès le début de
l’année 2015, le ministère de la culture et de la communication a incité les
DRAC à étudier la possibilité d’un passage des FRAC associatifs en
établissements publics à coopération culturelle (EPCC), en cohérence avec les
préconisations de la circulaire FRAC de 2002. En effet, ce statut garantit
d’une part l’inaliénabilité des collections en leur conférant un statut public
et d’autre part, consacre le partenariat de l’État et des régions sur la base
de contributions financières au sein d’un établissement public chargé d’une
mission de service public. À l’exception de la région Centre-Val de Loire, qui
est en train de transformer son FRAC en EPCC, ni les directeurs de FRAC
associatifs ni les exécutifs régionaux n’ont souhaité, à ce stade, s’engager
dans ces démarches qui sont nécessairement à l’initiative d’une collectivité
territoriale. L’État n’est pas le seul décisionnaire dans le devenir des FRAC,
mais il entend les renforcer et privilégie, comme cela à été dit à leurs
directeurs, le maintien des financements et des implantations actuelles
lorsqu’elles sont adaptées à l’exercice de leurs missions. L’État et les
régions se sont d’ailleurs engagés, depuis plusieurs années, dans un programme
d’investissements important qui a permis de doter 12 FRAC d’équipements
architecturaux performants. De même, le projet de loi relatif à la liberté de
la création, à l’architecture et au patrimoine rendant possible l’attribution
de plusieurs appellations par région, le ministère envisage la co existence de
plusieurs FRAC dans une même grande région. À ce titre, l’État invite les
différents partenaires à travailler conjointement au niveau local, afin
d’envisager les évolutions des FRAC au regard des spécificités territoriales.
Enfin, le ministère de la culture et de la communication, qui finance à hauteur
de 33 % les FRAC, a prévu des crédits supplémentaires dans la loi de finances
pour 2016, pour accompagner le développement des FRAC et de leurs projets en
réseau. Il est à espérer que les assemblées régionales issues des régions
fusionnées (53 % des financements) décideront de poursuivre cette politique
partenariale en faveur de l’art contemporain en répondant positivement aux
demandes de subventions émanant des structures bénéficiant du label FRAC.
Commentaire. – Écrire que les
FRAC sont « des structures pilotes de la
décentralisation et de la démocratisation culturelles » nous amène à nous interpeller sur le sens de la notion de « démocratisation culturelle ». En effet,
peut il y avoir « démocratisation culturelle » en l’absence de respect des principes démocratiques dont le
premier est incontestable le respect de « l’État de droit ». Or, si les Fracs ont été
créés en dehors de toute norme juridique, si ce n’est celles des qualifications
pénales encourues par leurs créateurs et animateurs, c’est avant tout parce que
le ministère de la culture entend régir et réglementer le bon goût, comme la
République entend par ailleurs réglementer la façon de s’habiller, ce qui ne
constitue pourtant pas de façon certaine des prérogatives admises d’un État qui
prétend à la qualité de démocratie moderne. Les FRAC ont permis de
décentraliser la capacité de constitution de clientèles et d’éviter ainsi que
les élus critiquent la manière dont le ministère de la culture et ses filiales
nationales interviennent dans le secteur artistique, en leur permettant de
faire comme lui. La ministre reconnaît l’illégalité des FRAC, puisque l’appellation
FRAC n’a d’existence légale que depuis la loi du 8 juillet 2016 et la
promulgation de la loi création et patrimoine. Or, cette loi crée un label et
aucunement une nouvelle catégorie d’établissement public. De surcroît, comment
sera-t-il possible de prétendre que ce label sera attribué de façon
démocratique, alors qu’il est « attribué » à des structures qui l’utilisent depuis de nombreuses années…
Labellisés ou non les FRAC qui ne sont pas créés sous forme d’établissement
public, ceux qui sont créés sous forme associative continueront à être des
associations illégales, destinées à contourner notamment le code du patrimoine
et les règles d’acquisition des œuvres des collections publiques, les règles de
la comptabilité publique et les règles de la fonction publique. Aucune
politique ne peut se prétendre démocratique et mener une action de
démocratisation culturelle, lorsqu’elle se fonde sur un contournement
généralisés de la règle de droit et une négation des principes démocratiques.
Le seul état au monde qui imite la France en ces matières est la République
Démocratique Chinoise. Il est dommage que nos élites culturelles aient la même
compréhension de la démocratie que Pékin. Ce n’est pas pour rien que la France
est le seul pays au monde à avoir une ambassade culturelle à Pyong Yang qui
admire également notre politique culturelle. Cette ambassade a d’ailleurs été
inaugurée par Monsieur Jack LANG en personne…
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1)
Ndlr : qu’une catégorie d’établissement public puisse être créé par une
circulaire ne semble pas interpeller outre mesure l’honorable parlementaire.
(2)
QEAN 19 avril 2016, n°87346, 87946, p. 3387.
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