Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant
Cet article a été publié au numéro 261 correspondant à l'actualité du mois de janvier 2016.
Le contrat de concession est désormais défini comme étant un
contrat administratif écrit, ayant pour objet de confier l’exécution de travaux
ou la gestion d’un service et qui implique un transfert du risque
d’exploitation, en contrepartie du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service en
question, ou de ce droit assorti d’un prix (1). Les collectivités publiques et
leurs groupements qui ont régulièrement recours à ce type de contrats notamment
lorsqu’ils confient l’exploitation d’un théâtre, d’une salle de spectacle ou
d’un complexe sportif à une entreprise tierce devront intégrer cette nouvelle
réglementation.
Ce cadre nouveau et cette définition résultent de l’ordonnance
du 29 janvier 2016 qui unifie et simplifie les règles communes aux différents
contrats de la commande publique relevant pour la plupart, du régime de la
concession au sens du droit européen. Les contrats ayant pour objet la
délégation d’un service public sont désormais eux aussi des contrats de
concession (2).
Une délégation de service public est un contrat conclu par
écrit, par lequel une autorité délégante confie la gestion d’un service public
à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transfère un risque lié a
l’exploitation du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter le service
qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix.
La part de risque transférée au délégataire implique une
réelle exposition aux aléas du marche, de sorte que toute perte potentielle
supportée par le délégataire ne doit pas être purement nominale ou négligeable.
Le délégataire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions
d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou
les coûts qu’il a supportés, liés a l’exploitation du service.
Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages, de
réaliser des travaux ou d’acquérir des biens nécessaires au service public (3).
L’ordonnance procède en outre à la mise en cohérence et à
l’adaptation des règles particulières propres à certains de ces contrats, eu
égard à leur objet.
Champ d’application
L’ordonnance s’applique à tous les contrats de concession au
sens du droit européen. Elle redéfinit les contours du contrat de concession en
y incluant les contrats de concessions de travaux et de services, y compris les
concessions qui consistent à déléguer la gestion d’un service public (4).
Les contrats expressément exclus
L’ordonnance exclut de son champ d’application certains
contrats de service à l’instar de ceux qui ont pour objet l’acquisition ou la
location de terrains ou d’immeubles, ceux qui sont relatifs à l’arbitrage et à
la conciliation, à des services financiers, etc.
Elle reprend les exclusions déjà existantes entre personnes
publiques telles que :
- les contrats de quasi régie dits « in house »,
c’est-à-dire ceux conclus par une personne publique avec un cocontractant sur
lequel elle exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres
services et qui réalise 80 % de ses activités pour elle (5),
- la coopération, sous certaines conditions, entre pouvoirs
publics, dans le but de garantir le fonctionnement des services publics dont
ils ont la responsabilité (6),
- l’attribution d’une concession à une entreprise liée ou une
co-entreprise par une entité adjudicatrice (7).
Règles de passation des contrats de concession
L’ordonnance impose que l’autorité concédante détermine,
préalablement à tout lancement de la consultation, la nature et l’étendue des
besoins à satisfaire en prenant en compte des objectifs de développement
durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale (8).
Encadrement du contenu des contrats de concession
L’ordonnance prévoit que « le contrat de concession ne peut contenir
de clauses par lesquelles le concessionnaire prend à sa charge l’exécution de
services, de travaux ou de paiements étrangers à l’objet de la concession » (9).
Le texte précise toutefois que les conditions d’exécution d’un
contrat de concession peuvent prendre en compte des considérations relatives à
l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi,
à condition qu’elles soient liées à l’objet du contrat.
Modalités de mise en concurrence
En dépit des principes de liberté d’accès à la commande
publique et d’égalité de traitement des candidats, la candidature de certaines
catégories de fournisseurs ou de prestataires à un marché public peut être
interdite. En effet, certaines condamnations pénales peuvent entraîner une
interdiction de soumissionner, à l’instar notamment d’une condamnation
prononcée pour travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d’œuvre ou
d’emploi d’un étranger sans titre de travail.
L’ordonnance prévoit des interdictions de soumissionner,
obligatoires et générales (10) ainsi que des interdictions facultatives qui
résultent, par exemple, de la mauvaise exécution d’un contrat de concession
antérieur (11).
Concernant les interdictions facultatives, le texte précise
qu’un opérateur économique ne peut être exclu de la procédure de passation de
contrat de concession que s’il a été mis à même par l’acheteur public de
prouver, dans un délai raisonnable et par tout moyen, son professionnalisme et
sa fiabilité et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de
passation n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement
des candidats.
Par ailleurs, l’ordonnance rappelle les principes selon
lesquels :
- la sélection des candidats se fait par une procédure
permettant de vérifier l’aptitude des candidats à exercer l’activité
professionnelle, leur capacité économique, financière, technique nécessaires à
l’exécution du contrat, leur aptitude à assurer la continuité du service public
et l’égalité des usagers devant le public (12) ;
- une fois la sélection des candidats effectuée, selon des
critères non discriminatoires et liés à l’objet du contrat, l’autorité
concédante peut organiser librement la négociation. La procédure négociée reste
la règle pour la procédure de passation des contrats de concession (13) ;
- le contrat est attribué à celui « qui a présenté la
meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité
concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à
l’objet du contrat » (14).
Règles d’occupation du domaine public
Le Titre III de l’ordonnance précise les règles applicables à
l’occupation du domaine public dans le cadre des contrats de concession. Si le
contrat le prévoit, le concessionnaire a des droits réels sur les ouvrages et
équipements qu’il réalise. Ces droits lui confèrent les prérogatives et
obligations du propriétaire, dans les conditions et les limites définies par
les clauses du contrat ayant pour objet de garantir l’intégrité et
l’affectation du domaine public.
Le concessionnaire peut être autorisé, avec l’accord
expressément formulé de l’autorité concédante, à conclure des baux ou droits
d’une durée excédant celle du contrat de concession.
Les autorisations données par l’autorité concédante, ainsi que
les baux et droits réels qui en résultent, constituent des accessoires au
contrat de concession et sont, à l’issue de la durée du contrat, transférés à
l’autorité concédante.
Le titre IV de l’ordonnance a pour but de renforcer en outre
la transparence dans l’attribution et l’exécution des contrats de concession.
Il précise également les modalités d’exécution des contrats de concession,
notamment en ce qui concerne les éventuelles modifications apportées au contrat
et son exécution par des tiers.
Le titre V, organise les dispositions permettant aux
collectivités territoriales et à leurs groupements de recourir à ces contrats.
A l’heure où la France intègre dans son droit ces nouvelles
dispositions européennes, il est intéressant de noter que le ministre de la
culture, qui n’a pas signé cette ordonnance, fait quant à lui voter par le
Parlement dans le cadre de la sa loi Patrimoine et Création des dispositions
organisant la gestion des entreprises culturelles par le biais d’une politique
de labellisation et de cahier des charges qui entraine concession ou délégation
d’outils culturels publics, dans l’ignorance totale des cette réglementation.
Roland LIENHARDT et Assia KACI
Avocats au Barreau de Paris
(1) Article 5 de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016
relative aux contrats de concession, JORF du 30 janvier 2016. Elle transpose en
droit interne la Directive 2014/23/UE du parlement européen et du conseil du 26
février 2014 sur l’attribution de contrats de concession, JOUE du 28 mars 2014.
L’ordonnance sera complétée par un décret d’application et entrera en vigueur
au plus tard le 1er avril 2016.
(2) Article 6-II de l’ordonnance.
(3) Article L.1411-1 du code général des collectivités
territoriales.
(4) Articles 5 et 6 de l’ordonnance.
(5) Article 16 de l’ordonnance.
(6) Article 17 de l’ordonnance.
(7) Articles 18 et 19 de l’ordonnance.
(8) Article 27 de l’ordonnance.
(9) Article 30 de l’ordonnance.
(10) Article 39 de l’ordonnance.
(11) Article 42 de l’ordonnance.
(12) Article 45 de l’ordonnance.
(13) Article 46 de l’ordonnance.
(14) Article 47 de l’ordonnance.
Droit de reproduction à usage commercial et professionnel
réservé.
Droit de reprographie aux fins de vente, de location, de
publicité et de promotion réservés
(Loi du 3 janvier 1995)
© Nodula 2016