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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Académie des beaux arts : une gestion fort peu éthique

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant

Cet article a été publié au numéro 260 correspondant à l'actualité du mois de Décembre 2015.

 

Un décret de décembre 2015 approuve les nouveaux statuts de l’académie des beaux arts (1). Les principales modifications portent sur les points suivants :

- le nombre des photographes membres de l’Académie est porté a quatre ;

- le secrétaire perpétuel est désormais élu pour six ans sans limitation du nombre de mandats ;

- les membres peuvent avoir accès aux documents de nature financière et patrimoniaux relatifs à l’Académie ;

- l’élection d’un nouvel académicien intervient un mois après la lecture des lettres de candidature reçues ;

- la commission chargée de vérifier les allocutions des membres de l’Académie parlant au nom de celle-ci à l’extérieur est supprimée.

Certaines dispositions des statuts de cette institution nous semblent cependant quelques peu archaïques et en contradiction d’une part avec la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et d’autre part les dispositions de l’article 432-12 du code pénal qui sanctionne la prise illégale d’intérêt. Cela est d’autant plus dommageable que le dernier rapport de la cour des comptes consacre un chapitre à la gestion de l’Institut de France et des académies et qu’il a conclu au fait que la gestion manquait de rigueur. La cour exprime toujours en terme châtiés des faits qui pourraient pourtant parfois relever de qualifications relevant dans le langage courant de ce qu’on appelle corruption.

Un établissement totalement original

Le fait que la l’article 36 loi de 2006 ait énoncé que « l’institut et les académies s’administrent librement » et qu’elles bénéficient de l’autonomie financière sous le seul contrôle de la cour des comptes signifie que ces institutions ne relèvent - de la tutelle d’aucun ministère (2). L’article 35 de la loi énonce en effet qu’il s’agit de personnes morales de droit public à statut particulier placées sous la protection du président de la République.

Cela n’exonère pas l’institut et les académies de l’obligation de respecter les dispositions du code pénal, ni les grands principes du droit public. Toute disposition légale qui soustrairait de façon générale une entreprise publique du respect des dispositions du code pénal encourrait la critique de l’inconstitutionnalité pour atteinte au principe d’égalité devant la loi. Il nous semble également que comme toutes les personnes exerçant une mission de service public, les académiciens sont soumis aux dispositions de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (3).

Ainsi, la cour des comptes relève que « Dans une lettre adressée en décembre 2013 a l’ensemble des secrétaires perpétuels des académies, le chancelier de l’Institut a indique qu’au terme d’une étude juridique il est apparu « nécessaire, pour des raisons tenant a l’opposabilité des actes considères et a la légalité des décisions individuelles qui peuvent en procéder, d’ [en] organiser [la] publication ».

Une décision de la commission administrative centrale portant sur les conditions générales de publication des actes réglementaires de l’Institut de France et des académies a été approuvée a la fin de l’année 2014. L’institut reconnaît donc qu’il doit respecter les grands principes du droit. Cette règle de l’opposabilité des actes administratifs est en effet énoncée à l’article 1er du code civil.

Si l’académie ne respectait pas les dispositions applicables à la fonction publique d’État et aux établissements publics nationaux, elle risquerait des recours pour non respect du principe d’égalité.

Vocation de l’académie des Beaux Arts

Elle doit contribuer à la défense et à l’illustration du patrimoine artistique de la France, ainsi qu’à son développement, dans le respect du pluralisme des expressions. A ce titre, elle veille à la sensibilisation aux arts dans l’enseignement général et a la qualité de l’enseignement dans les écoles spécialisées. Elle concourt au développement des relations artistiques internationales en établissant des rapports de coopération et d’échangés.

Un patrimoine fort conséquent

L’article 1er des statuts de l’académie des beaux arts indique qu’elle gère son patrimoine, notamment les fondations dont la responsabilité lui est confiée par dons et legs, a l’effet d’administrer des musées et de soutenir les artistes, conformément aux volontés des légataires et donateurs, et cela dans le respect de sa vocation statutaire.

La gestion des fondations

L’Article 20 des statuts de l’académie des beaux arts indique que  pour assurer le fonctionnement de certaines fondations, l’Académie élit, parmi ses membres, des directeurs de musée ou des conservateurs. Ils sont élus pour une durée de cinq ans renouvelables et à la majorité des académiciens présents. Aucun quorum n’est requis.

Or, il nous semble que ces statuts, approuvés par décret, ne sauraient déroger aux dispositions de l’article 432-12 du code pénal, qui a une valeur légale et énonce que « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. »

Il nous semble que cette disposition qui confie le soin aux académiciens, institution publique et qui doit gérer et administrer des fondations, notamment des musées, de nommer l’un de ses membres en qualité de directeur de ces musées ou de conservateur du patrimoine dont elle a la charge ouvre la porte à des nominations constitutives de prises illégale d’intérêt. Le fait que la fondation soit à but non lucratif, ce qui est parfois contesté par la cour des comptes n’y change rien, puisque en matière de prise illégale d’intérêt, l’intérêt peut n’être que moral. Dans les fait, ces fonctions ne sont pas réellement désintéressées, et alors même que leurs titulaires peuvent par ailleurs cumuler un certain nombre de retraites liées à leurs précédentes fonctions publiques.

De surcroît, ainsi que le relève le rapport de la cour des comptes de 2015, « La direction de chaque musée est en règle générale confiée à un académicien, sans qu’il soit garanti qu’il dispose de la compétence nécessaire pour assurer cette fonction très spécialisée. L’attention distraite portée aux collections du musée et de la bibliothèque Marmottant jusqu’à une période récente illustre ce manque de professionnalisme dans la gestion. »

Ainsi le Musée Marmottant a pour directeur Monsieur Patrick de Carolis, élu membre de l’académie des beaux arts en 2010.

Les fondations gérées par l’académie des beaux arts ne sont pas dotées de la personnalité juridique. Il s’agit de fondations abritées, elles ne fondent leur droit à utiliser le terme de fondation que sur un simple avis du Conseil d’État rendu en 1988. Elles sont autorisées par décret en Conseil d’État. 

Le rapport que la cour des comptes a consacré à l’institut de France en avril 2015 présente un certain nombre de situations qui concernent la gestion par l’institut et les académies d’opérations intéressant ou initiée par des académiciens. Ainsi, la fondation créée par l’ancien ministre et académicien Claude ALLEGRE, créée sous forme d’association selon loi de 1901, présidée par un autre membre de l’académie des sciences, comptant pour seul salarié un proche parent du fondateur (2).

La cour présente également ce qu’elle dénomme une « anomalie », la cession en 2009 par l’institut de la SAS Compagnie d’exploitation et de financement Capucines. En effet,  Monsieur Pierre CARDIN, membre de l’académie des Beaux Arts louait à cette société un immeuble à usage d’habitation et à titre commercial, exploitée en résidence hôtelière sous la marque résidence Maxim’s. L’institut de France, au titre de la fondation Del Luca, était détenteur en 2005 des part de cette société. Or, c’est Monsieur Pierre CARDIN qui a acquis les parts de ma SAS au nom de sa société SCI résidence Maxim’s.

Ainsi que le relève la cour, la vente a été organisée sans réelle mise en concurrence au profit d’un académicien qui disposait du seul fait de sa situation de la connaissance de cette opération. Ainsi, bien qu’aucune publicité n’ait été faite sur la mise en vente de l’immeuble, des manifestations d’intérêts pour ce bien avaient été transmises au gestionnaire. La plus élevée a été transmise à Monsieur CARDIN, lui permettant de surenchérir à minima. La même possibilité de réévaluer leur offre n’a pas été offerte aux autres investisseurs intéressés.

De plus l’estimation de l’immeuble en 2009 a été fondée sur une estimation datant de 2004 ! De plus, dans cette opération, Monsieur CARDIN s’est avéré n’être pas l’acheteur réel, et cela bien qu’il ait signé en son nom. Un marchand de bien s’est substitué à lui le 25 juin 2009. L’ensemble, murs et fonds de commerce, a fait l’objet d’une nouvelle cession en 2010 pour un total de 75 M€, soit une plus-value de presque 15 M€ !

Nous pensons qu’un tel comportement aurait pu relever de la prise illégale d’intérêt. Les faits nous semblent cependant aujourd’hui prescrits.

Pour sa défense, Monsieur Pierre CARDIN indique qu’il ne s’était pas fait assister par un conseil et qu’il ne se souvient pas des détails de ces affaires… Il a signé les papiers qu’on lui a présentés en toute confiance. Tout le monde sait que Monsieur Pierre CARDIN est un novice en affaires.

La Cour examine également le cas de Monsieur Hugues GALL, ancien conseiller d’État qui a commencé sa carrière en 1969 au cabinet du ministre de la culture Edmond MICHELET et qui a la même année pantouflé au sein d’une institution culturelle, membre de l’académie des Beaux Arts depuis 2008 et qui exerce la fonction de directeur de la fondation Claude Monet dispose d’un véhicule de fonction financé par la fondation, d’une valeur en 2013 de 40 461 €, outre la prise en charge de ses frais de stationnement  dans un parc privé proche de son domicile parisien pour un montant annuel de 4 000 €. Monsieur GALL justifie cette dépense par ces nombreux déplacements et que cela n’a pas coûté vraiment cette somme, puisque le prix de l’ancien véhicule a été déduit ….  Il convient de noter que Madame Agnès SAAL a fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour des montants qui n’étaient pas plus importants.

Ainsi que le relève la cour des comptes, aucun texte n’autorise l’octroi par l’académie d’un tel avantage à l’un de ses membres. La cour des comptes relève qu’un tel intéressement des gestionnaires pourrait faire tomber le caractère désintéressé de la gestion de cette fondation et son accès aux dispositions fiscales qui en découlent. Il nous semble que sur le plan pénal, il pourrait également s’agir de détournement de fonds publics et de prise illégale d’intérêt.



Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris


(1) Décret n° 2015-1739 du 23 décembre 2015 portant approbation de la modification des statuts de l’Académie des beaux-arts, JORF du 26 décembre 2015 page 24016.
(2)
Loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche articles 35 à 38.

(3) LOI n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.





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