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Cet article a été publié au numéro 259 correspondant à l'actualité du mois de Novembre 2015.
La propriété des droits sur une œuvre d’art, et notamment,
le droit de la représenter et de la reproduire, est indépendant de la propriété
matérielle de l’œuvre considérée en tant qu’objet matériel (1). Cela signifie
que l’acquisition d’une œuvre d’art n’implique aucunement l’acquisition des
droits d’auteur permettant d’exploiter l’œuvre, notamment le droit de la
représenter autrement que dans un cadre privé ou d’en réaliser des
reproductions. A contrario, le fait d’avoir financé la réalisation d’une œuvre
permet d’en revendiquer la qualité de propriétaire. C’est ce que vient de
rappeler une décision de la cour de cassation du 28 octobre 2015 (2)
Un photographe avait réalisé des reportages pour le
magazine « Lui ». Ce photographe a reproché à la société Hachette Filipacchi
presse de ne pas lui avoir restitué les clichés photographiques dont il lui
avait remis les négatifs aux fins de reproduction dans ce magazine, sans
toutefois lui en avoir cédé la propriété corporelle. Il l’a assigné en
réparation du préjudice qu’il considérait avoir subi. La société Filipacchi
s’est opposée à cette demande en soutenant qu’elle avait la qualité de
propriétaire des supports matériels des photographies litigieuses.
La cour d’appel de Versailles avait condamné la société à
payer au photographe des dommages intérêts au titre de la réparation du
préjudice matériel résultant de la non restitution des clichés photographiques
au motif qu’elle ne rapportait la preuve de l’acquisition des supports
transformés par l’intervention du photographe et que le seul financement des
supports vierges et des frais techniques de développement n’emportait pas, sauf
convention expresse, le transfert au profit de la société éditrice de la
propriété matérielle des cliches originaux
La cour de cassation casse cette décision en s’appuyant
sur le fait que la cour d’appel ayant constaté que la société avait financé les
supports vierges et les frais techniques de développement, ce dont il résultait
qu’elle était le propriétaire originaire desdits supports.
En effet, tous les frais correspondant a la production des
photographies du magazine LUI réalisées par les différents photographes du
journal, étaient pris en charge par l’éditeur quel que soit le statut salarié
ou non du photographe, en précisant que cela concernait le prix des pellicules,
le développement des tirages et duplicata, les frais de studio, de modèles, de
voyage et de séjour.
Des photographies reconnues originales
Dans ce dossier, la société HFP contestait également la
qualité d’auteur du photographe et déniant l’originalité des photographies du
fait de l’utilisation de la technique du « bracketin » qui consiste à prendre une
série de photographies successives en un seul déclenchement, en faisant varier
la vitesse d’exposition et l’ouverture du diaphragme, l’exposition variant
automatiquement entre les prises de vues. La cour d’appel avait écarté cet
argument en considérant que l’utilisation de cette technique n’excluait par en
soi l’intervention personnelle du photographe, que les planches contacts
examinées par l’expert révèlent les différences d’exposition, de lumière et les
variations de position des modèles, que le choix du décor, du cadrage, de
l’angle de prise de vue, du modèle, la maîtrise de la lumière traduisent
l’empreinte de la personnalité de l’auteur et confèrent aux photographies
revendiquées l’originalité requise pour bénéficier de la protection des œuvres
de l’esprit au sens des dispositions du livre Ier du code de la propriété
intellectuelle.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
((1) Ce principe est posé par
l’article L.111-3 du code de la propriété intellectuelle qui distingue la
propriété incorporelle et la propriété matérielle.
(2) Cas. Civ. 1ère, n° 14-22207.
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