Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant
Cet article a été publié au numéro 252 correspondant à l'actualité du mois de Mars 2015, dans la rubrique "réponse aux question des parlementaires". Chaque mois, Roland LIENHARDT sélectionne les réponses aux questions des parlementaires pouvant intéresser notre secteur professionnel et s'autorise à commenter la réponse du ministre lorsqu'elle le mérite.
Question. - Mme Cécile Untermaier appelle l’attention de Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme sur les inquiétudes des professionnels du spectacle et de l’animation. En effet, ces professionnels qui, pour la plupart, gèrent une entreprise individuelle ou de petite taille, sont soumis à une concurrence déloyale et illégale de la part de particuliers ou d’auto-entrepreneurs qui proposent ces activités à très bas coût. Dans ces conditions, les entreprises qui, de leur côté, respectent les formalités juridiques nécessaires pour exercer leur activité, ne peuvent aligner leurs coûts et nombre d’entre-elles disparaissent. Elles souhaiteraient donc un renforcement des contrôles sur ces activités afin que ces structures non déclarées cessent de se développer. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement en la matière.
Réponse. – (1) A titre préalable, il importe de rappeler qu’un artiste qui exerce son activité en qualité de salarié ne peut se déclarer auto-entrepreneur pour la même profession, du fait de son affiliation au régime général de la sécurité sociale. Cette faculté apparaît juridiquement ouverte, en revanche, aux entrepreneurs de spectacles vivants, exerçant leur activité sous forme de prestation technique. Cependant, elle ne présente qu’un intérêt limité, dans la mesure où le régime de l’auto-entrepreneur apparaît peu adapté, en pratique, aux contraintes et spécificités de ce type de profession. En premier lieu, son exercice est conditionné à l’obtention d’une licence. Ensuite, l’impossibilité totale de déduire des frais professionnels de quelque nature que ce soit, liée au dispositif même du régime de l’auto-entrepreneur (lequel est basé sur une comptabilité simplifiée, ne portant que sur le chiffre d’affaires ou les recettes effectivement encaissées) ne peut que freiner considérablement le développement d’activités comme celles du spectacle, qui intègrent généralement de nombreux frais de fonctionnement (personnel, déplacements, achat ou location de matériel ou de consommables, etc). Enfin, les plafonds de chiffre d’affaires annuel imposés par le régime fiscal de la micro-entreprise, dont relève le dispositif de l’auto-entrepreneur (32 900 € pour les activités de service ou de prestations techniques) rend difficile le respect de l’ensemble des obligations imposées par la commission nationale du label (au regard du respect des règles d’assurance, de qualification, des normes techniques, de contrôle, d’entretien et de sécurité) pour attribuer son signe de qualité « prestataire de services du spectacle vivant » à l’entreprise. En tout état de cause, la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui vient d’être adoptée par le Parlement, contient des dispositions propres à rétablir une plus grande égalité de traitement entre les différentes formes d’entreprises, en remédiant aux dérives auxquelles a pu donner lieu le régime de l’auto-entrepreneur. Elle prévoit la suppression des dispositions exonérant les auto-entrepreneurs artisans à titre secondaire d’immatriculation au répertoire des métiers, rétablissant le caractère systématique de l’immatriculation pour les auto-entrepreneurs artisans et commerçants, qu’ils exercent leur activité à titre principal ou secondaire. Pour mettre fin aux optimisations abusives du droit à la formation professionnelle de la part d’auto-entrepreneurs sans activité réelle, le droit aux prestations de formation professionnelle sera limité aux auto-entrepreneurs qui ont réalisé un chiffre d’affaires les douze mois précédant la demande de formation. Par ailleurs, la nouvelle loi prévoit la suppression, à compter du 1er janvier 2015, des cas d’exonération permanents ou temporaires dont bénéficient les auto-entrepreneurs en matière de taxes pour frais et chambres, et modifie les modalités de calcul de cette taxe, par application d’un pourcentage au chiffre d’affaires réalisé, variable selon les réseaux consulaires et l’implantation géographique de l’entreprise. Ainsi, les auto-entrepreneurs qui ne réalisent pas de chiffre d’affaires n’auront pas de taxe à payer. Enfin, des contrôles de la qualification d’artisan seront mis en place, tandis que les corps de contrôle habilités à constater les infractions de travail illégal auront désormais la possibilité de se faire présenter les attestations d’assurances professionnelles détenues par les travailleurs indépendants, y compris auto-entrepreneurs, lorsque ces assurances répondent à une obligation légale.
Commentaire. - Les propos de la ministre qui indique que l’exercice de la profession d’entrepreneur de spectacle sous le régime de l’autoentreprenariat ne présente qu’un intérêt limité au regard de l’impossibilité de récupérer la réalité des charges et surtout la TVA grevant les dépenses nous semblent emprunts de bon sens. Par contre, nous sommes contraints de la contredire sur plusieurs points. En premier lieu, rien n’interdit à un artiste interprète qui est affilié au régime général de la sécurité sociale du fait de son activité d’artiste salarié de se déclarer en qualité d’autoentrepreneur pour une activité d’artiste. En effet, seules comptent les dispositions de l’article L.7121-3 du code du travail qui énonce que l’artiste qui exerce l’activité qui fait l’objet du contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ne relève pas d’un contrat de travail. Or, si l’artiste exerce une activité liée à un contrat spécifique dans des conditions impliquant une inscription au registre du commerce, les dispositions relatives à l’autoentreprenariat le dispense de cette inscription, tout en écartant la présomption de salariat et la soumission au régime général de la sécurité sociale qui en découle. Il faut que l’artiste soit réellement en situation de coproduction ou de producteur du spectacle. L’autoentreprenariat ne peut concerner la prestation d’un artiste subordonné de façon permanente à un chef d’orchestre et remplacer l’émission d’une fiche de paie.
Quant à la condition d’obtention d’une licence, elle n’est plus obligatoire depuis l’entrée en application de la directive service (2), applicable depuis décembre 2009. Si la France n’a pas supprimé sa réglementation, celle-ci ne tient plus la route devant un tribunal, aucune condition impérieuse d’intérêt général ne justifiant les atteintes à la liberté du commerce ainsi maintenues et la France n’a pas respecté les procédures européennes organisées par la directive pour le maintien en place de réglementations.
De surcroît, les obligations imposées par la commission nationale du label et le « signe de qualité prestataire de services du spectacle vivant », que le ministère n’ose pas même qualifier de « label » alors que telle est sa dénomination exacte sont totalement illégales et ne peuvent davantage être invoquées devant un tribunal. L’institution de ce « label » relève en effet d’une organisation illégale du marché relevant de qualifications pénales.
Il convient de savoir que le marché de l’organisation du spectacle en France est pour un grande part contrôlé par le ministère de la culture, ses agents ou anciens agents qui entendent conserver la main sur le pactole financier que ce secteur représente. Financer un spectacle implique les mêmes dépenses que le financement d’une campagne électorale, ceci explique cela… ?
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1) QEAN 10 mars 2015, n° 24500, p. 1725.
(2) Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur [Journal officiel L 376 du 27.12.2006].
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