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Cet article a été publié au numéro 251 correspondant à l'actualité du mois de février 2015.
Les données personnelles que les entreprises de spectacles collectent auprès de leurs abonnés doivent avoir des finalités déterminées et ne doivent pas être utilisées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. En clair, lorsqu’un théâtre constitue un fichier de ses abonnés, il ne doit pas utiliser ce fichier pour leur proposer des services sans aucun rapport avec l’activité et la finalité au titre de laquelle il a récolté ces informations personnelles, et notamment pas pour leur adresser des messages à caractère politique.
Le théâtre national de Bretagne avait récolté auprès de ses abonnés des données à caractère personnel, et notamment leur adresse de messagerie électronique afin de les contacter dans le cadre de la gestion de leur abonnement, mais également pour leur adresser des informations d’ordre culturel sous la forme de newletters électroniques.
En mars 2014, il a adressé à ses abonnés un courriel intitulé « Rennes mérite une politique artistique et culturelle ambitieuse », se servant des adresses de messagerie électronique collectées dans le cadre de leur abonnement. Des abonnés se sont plaints et ont saisi la Commission Nationale Informatique et Liberté.
Le TNB a fait valoir que ce message avait là pour objet une communication culturelle visant notamment à défendre les acteurs culturels rennais et leur travail, qui avaient fait l’objet d’une polémique dans la presse régionale.
La CNIL a considéré que ce message répondait à un article publié par le quotidien régional à l’occasion des élections municipales, qu’il a été adressé aux seuls abonnés rennais du TNB alors même que la zone de publication de l’article du quotidien régional était plus large et qu’enfin il a été perçu comme suggérant d’apprécier favorablement les actions entreprises par l’équipe municipale sortante afin de la reconduire lors des prochaines élections. La CNIL a ainsi constaté que le message du TNB revêtait le caractère d’une communication politique et qu’il ne pouvait pas utiliser les adresses électroniques personnelles des abonnés pour répondre à un article de la presse régionale et leur envoyer une communication de nature politique.
Ce courriel n’avait pour but ni d’aborder la gestion de leur abonnement ni de leur adresser des informations culturelles, le TNB avait donc méconnu les dispositions de l’article 6-2° de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés.
Il nous semble également utile de rappeler que le TNB est une société d’économie mixte. Que ces sociétés ont par définition, la charge de l’exploitation d’un service public (2). Or, l’obligation de neutralité des services publics est un principe à valeur constitutionnelle. Une société d’économie mixte et plus généralement une entreprise titulaire d’une mission de service public, gestionnaire d’entreprises de spectacles public, financé sur fonds publics, doit respecter ce principe de neutralité et ne peut utiliser les moyens du service public à des fins politiques et partisanes. De telles actions peuvent engager la responsabilité personnelle des responsables de l’entreprise chargée d’une mission de service public. L’utilisation des moyens financiers du service public à des fins incompatibles avec la mission de service public peut également relever du délit de soustraction ou de détournement de biens publics prévus et réprimé par l’article 432-15 du code pénal (3).
On peut d’ailleurs s’étonner que la CNIL qui est une autorité publique se soit contentée de donner un avertissement. En effet, à partir du moment où une autorité publique a connaissance de la commission de faits susceptibles de constituer un délit, et en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, elle aurait du transmettre le dossier au procureur de la République. Il est vrai, qu’en France, ce dernier n’a ni l’obligation d’enquêter, ni de poursuivre et que la plupart des dossiers qui lui sont transmis n’ont aucune suite.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1) CNIL, délibération de la formation restreinte n° 2015-040 du 12 février 2015.
(2) Article L.1521-1 du code général des collectivités territoriales.
(3) Ce délit est passible de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 €.
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