Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant
Cet article a été publié au numéro 248 correspondant à l'actualité du mois de novembre 2014.
Les auteurs qui adhèrent à la SACEM afin de percevoir leurs droits d’exploitation n’ont pas toujours conscience de la nature de l’apport qu’ils font à cette société. Une décision de la cour de cassation en date du 13 novembre 2014 nous incite à faire le point. Elle énonce en effet comme principe qu’un auteur adhérent à la SACEM est irrecevable à agir en contrefaçon au titre de ses droits patrimoniaux d’auteur à défaut d’avoir préalablement sollicité l’intervention de cette société et constaté sa carence (1).
L’adhésion à la SACEM est un apport
La SACEM n’est pas une administration, mais une société de droit privé à capital variable. Le capital de la société est constitué par l’apport de chacun des adhérents. Celui-ci est précisé à l’article 1er des statuts de la SACEM qui énonce que tout auteur, auteur-réalisateur ou compositeur admis à adhérer « fait apport à la société, du fait même de cette adhésion, en tous pays et pour la durée de la société, du droit d’autoriser ou d’interdire l’exécution ou la représentation publique de ses œuvres, dès que créées » ;
Cette apport peut être l’objet de limitations, par mode d’exploitation, et par territoires, mais la plupart des auteurs n’utilisent pas ces possibilités de compartimentation de la gestion de leurs droits et adhérent sans réserve. Seuls sont exclues de l’apport les prérogatives relevant du droit moral, l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle énonçant que le droit moral est attaché à la personne de l’auteur et inaliénable. Le producteur qui entend diffuser une œuvre inédite ne relevant pas encore du répertoire de la SACEM doit donc en principe se faire autoriser par l’auteur pour réaliser la première fixation de l’œuvre et sa première divulgation. La rémunération correspondante est d’ailleurs intitulée prime d’inédit. Une fois l’œuvre relevant du répertoire de la Sacem divulguée et le droit moral épuisé, tout un chacun peut ensuite l’exploiter en sollicitant une autorisation de reproduction et de représentation auprès de la SACEM-SDRM, cette autorisation ne valant que si l’œuvre n’est pas modifiée dans une mesure susceptible de mettre à nouveau en cause le droit moral de l’auteur.
Cet apport à la SACEM vaut dessaisissement de l’auteur. La cour d’appel a considéré qu’ « En faisant ainsi l’apport de l’ensemble de leurs droits d’auteurs, les adhérents à la SACEM ne peuvent agir personnellement au titre de l’atteinte à leurs droits patrimoniaux d’auteur, sauf à démonter la carence de la SACEM ; qu’ils ne demeurent recevables à agir que pour la défense de leurs droits moraux d’auteur ; que dès lors seule la SACEM était recevable à agir en indemnisation d’une violation alléguée du droit d’autorisation de l’exploitation de la chanson Angel ».
Les auteurs qui n’avaient fondé leurs demandes de dommages intérêt que sur l’atteinte à leurs droits patrimoniaux d’auteur sont donc jugés irrecevables. S’ils avaient considéré que l’exploitation de leur chanson comme illustration d’une œuvre audiovisuelle relevait d’une prérogative de droit moral, et avaient fondé leurs demandes de dommages intérêts à la fois sur leur droit moral et leur droit patrimonial, la solution eut sans doute été différente.
Dans la pratique, l’auteur qui entend n’agir que sur le terrain des droits patrimoniaux doit au préalable mettre en demeure la SACEM de diligenter une action, et se constituer une preuve de la carence de cette société avant de pouvoir saisir un tribunal.
L’existence d’un contrat de cession et d’édition musicale ne peut résulter que d’un contrat écrit.
La cour d’appel avait considéré que le comportement des auteurs permettait de prouver qu’ils avait donné leur accord pour que la chanson Angel soit exploitée à la télévision et sous forme de phonogramme. Elle relevait ainsi qu’il résultait d’un entretien accordé au magazine Cinéfonia par les auteurs, dont la teneur n’est contestée ni par l’un ni par l’autre, que la bande originale de la série Zodiaque a été composée par M. X... pour cette série en étroite collaboration avec le réalisateur, que la chanson Angel l’a été ensuite par les auteurs à titre de générique de fin de chaque épisode de la série, que le communiqué de presse de la société TF1 portait en titre : « Angel par A...- La chanson générique de la série de l’été de TF1 » sans que les auteurs n’aient alors émis la moindre protestation, et que cette série a été diffusée par la société TF1 pendant l’été 2004 avec la chanson Angel comme générique de fin sans réaction de leur part ;
La cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel en considérant qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que les contrats de cession des droits d’édition et de cession des droits d’adaptation, établis et adressés aux auteurs par la société Une Musique n’avaient été ni signés ni retournés par eux, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les articles L. 131-2, L. 131-3 et L. 132-7 du code de la propriété intellectuelle qui exigent un écrit détaillant chacun des droits cédés.
Dans la pratique, le contrat type d’adaptation audiovisuelle proposé par la chambre syndicale de l’édition musicale, presque toujours utilisé par les professionnels, contient un article 4 précisant que chaque projet d’exploitation doit au préalable être expressément approuvé par les auteurs. Il faut non seulement que les auteurs aient signé ce contrat, mais également qu’ils aient approuvé par écrit chacun des projets d’adaptation.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
((1) Cass. Civ. 1ère 13 novembre 2014, n° 13-22401.
Droit de reproduction à usage commercial et professionnel
réservé.
Droit de reprographie aux fins de vente, de location, de
publicité et de promotion réservés
(Loi du 3 janvier 1995)
© Nodula 2014