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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Droits d’auteurs sur les œuvres de commande ou
subventionnées

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant

Cet article a été publié au numéro 241 correspondant à l'actualité du mois de mars 2014 dans la rubrique "Réponse aux questions des parlementaires". Chaque mois nous sélectionnons les questions écrites ayant fait l'objet d'une réponse, que nous agrémentons d'un commentaire.


Question. -
Mme Sylvie Andrieux attire l’attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l’intérêt pour nos concitoyens de voir libérer les droits sur les données et œuvres produites ou subventionnées par les services de l’État ou des collectivités locales. Par exemple, un logiciel développé sur commande de l’administration devrait être libre, tout comme des cartes, des travaux de recherche ou un catalogue des métadonnées des œuvres enregistrées... La publication d’œuvres ou données immatérielles produites sur commande des personnes morales de droit public, ou cofinancées par celles-ci, pourrait être envisagée sous licence libre, dans un format facilement exploitable, à l’exclusion des données confidentielles ou critiques pour la sécurité publique. Elle demande si elle compte prendre des dispositions dans ce sens, pour permettre ainsi d’améliorer la diffusion de la connaissance et de la culture.

Réponse. - (1) Dans le cadre de la séquence « Automne numérique », la ministre de la culture et de la communication a annoncé douze décisions clés en faveur d’une politique des usages numériques. La politique d’ouverture et de partage des données publiques (« open data ») est l’un des piliers de cette politique numérique. L’ensemble des actions conduites dans ce domaine sont définies dans la feuille de route stratégique « open data » du ministère. Cette politique d’ouverture des données publiques culturelles n’est pas exclusive d’autres actions destinées à renforcer la démocratisation culturelle ainsi qu’à participer à la diffusion et à l’accès des biens communs de la connaissance. C’est la raison pour laquelle le ministère de la culture et de la communication a lancé des travaux sur les licences ouvertes, notamment un partenariat avec Creative Commons France, ayant pour objectif d’accompagner une plus grande circulation des contenus culturels détenus ou produits par le ministère et ses établissements publics sous tutelle.

Commentaire. –
La réponse de la ministre est des plus évasives et manque quelque peu de contenu concret. Il est vrai que la question mélange un certain nombre de problématiques. Il nous semble utile d’y apporter la réponse qu’elle aurait méritée. Il convient en premier lieu de distinguer selon que l’administration commande une œuvre, lance un concours ou un appel à projet, ou subventionne.

Cas d’une commande publique


Dans un tel cas, et notamment par rapport à un logiciel ou à une œuvre de commande, le marché doit en principe faire l’objet d’un contrat et ce contrat pourra viser les clauses administratives générales applicables aux marchés de prestation intellectuelles (CCAG-PI). Ces clauses ont fait l’objet d’une publication par un arrêté cosigné par le ministre de la culture (2).

Ces clauses s’appliquent aux marchés comportant une part importante de services faisant appel exclusivement à des activités de l’esprit. Il peut s’agir notamment de prestations d’étude, de réflexion, de conception, de conseil, d’expertise ou de maîtrise d’œuvre. Les domaines d’application de ces services sont par nature très divers. Ces marchés donnent généralement naissance à des droits de propriété intellectuelle, et notamment des droits de propriété industrielles, littéraires ou artistiques. Elles s’appliquent parfaitement en cas de commande d’un logiciel, mais rien n’interdit de les utiliser pour une œuvre de nature littéraire ou artistique.

Ces clauses ne s’appliquent cependant que lorsque le marché y a fait expressément référence, et le marché peut déroger à certaines des stipulations organisées par les CCAG-PI.

L’article 25 de ces CCAG-PI organise deux mécanismes de transfert des droits au profit du pouvoir adjudicateur et le contrat doit préciser l’option choisie.

Option A : concession d’exploitation à titre non exclusif

Dans ce cadre, le pouvoir adjudicateur se voit concéder, à titre non exclusif, le droit d’utiliser ou de faire utiliser les résultats, en l’état ou modifiés, de façon permanente ou temporaire, en tout ou partie, par tout moyen et sous toutes formes. Cette concession ne vaut que pour les besoins découlant de l’objet du marché et pour la France. Dans l’hypothèse d’une publication sur internet, les droits sont concédés pour le monde entier.

Le droit d’utiliser les résultats ne couvre pas les exploitations commerciales des résultats.

Le pouvoir adjudicateur et les tiers désignés dans le marché ne deviennent pas automatiquement titulaires des droits afférents aux résultats, dont la propriété des inventions nées, mises au point ou utilisées à l’occasion de l’exécution du marché.

Le prix de cette concession est forfaitairement compris dans le montant du marché.

L’objet du marché doit être clairement rédigé de manière à ce que les différents modes d’exploitation envisagés des résultats soient identifiés ou identifiables. Les droits afférents aux résultats sont en effet concédés pour les seuls besoins découlant de l’objet du marché. Si, hormis le cas d’une publication sur internet, l’utilisation des résultats n’est pas limitée au seul territoire français, les documents particuliers du marché devront le prévoir.

Les documents particuliers du marché peuvent prévoir la dissociation du prix des prestations de celui de la concession.

Lors de la mise en concurrence, le pouvoir adjudicateur peut autoriser une variante invitant les candidats à présenter leur offre avec l’option non retenue a priori.

Le pouvoir adjudicataire ne se fait concéder que les droits patrimoniaux, et doit respecter les droits moraux des auteurs.

L’arrêté précise qu’il est recommandé, préalablement aux adaptations, modifications ou arrangements de l’œuvre qui n’auraient pas fait l’objet d’une autorisation spécifique dans les documents particuliers du marché et qui seraient susceptibles d’altérer ou de dénaturer l’œuvre, d’informer le titulaire du marché ou les auteurs des aménagements envisagés.

Les droits portant sur les résultats qui ont la forme de logiciels comportent, dans le respect des droits moraux, le droit d’exécuter, d’afficher, de stocker, de dupliquer, d’évaluer, d’observer, de tester, d’analyser, de décompiler pour les besoins découlant de l’objet du marché.

Les codes sources et la documentation nécessaires à la mise en œuvre des droits sur les logiciels livrés au titre du marché sont livrés simultanément à la remise du code objet. Les codes sources et la documentation sont confidentiels.

De manière générale, le titulaire du marché ne peut opposer ses droits ou titres de propriété intellectuelle ou ses droits de toute autre nature à l’utilisation des résultats, lorsque celle-ci est conforme aux besoins découlant de l’objet du marché.

Le titulaire du marché ne peut notamment opposer aucun droit portant sur l’apparence graphique, les enchaînements et intitulés de menus ou de commandes qui seraient de nature à limiter les besoins d’évolution, d’adaptation, de traduction ou d’incorporation des résultats à des fins notamment d’interopérabilité avec d’autres systèmes et logiciels.

2. En cas de cessation du marché pour quelque cause que ce soit, le pouvoir adjudicateur et les tiers désignés dans le marché demeurent licenciés de l’ensemble des droits d’utilisation portant sur les résultats et les connaissances antérieures qui sont nécessaires pour les besoins découlant de l’objet du marché.

Publication commerciale
Si le titulaire du marché exploite l’œuvre qui lui a été commandée dans un cadre commercial, et sous réserve de respecter les obligations de confidentialité du marché, les CGAP-IP organisent un système de redevance au profit du pouvoir adjudicateur qui a financé la réalisation de l’œuvre.

La redevance est fixée à 30 % des sommes hors taxe encaissées par le titulaire du marché, après déduction des frais de fabrication et de commercialisation. La prise en compte de ces frais peut être effectuée sur une base
forfaitaire, le cas échéant en pourcentage des sommes encaissées. Dans tous les cas, lorsque des produits fabriqués incorporant les résultats sont commercialisés, l’assiette de la redevance ne peut être inférieure à 2 % des sommes hors taxes encaissées, départ usine, emballage exclu.

Dans les cas prévus par le code de la propriété intellectuelle, la redevance peut toutefois être évaluée forfaitairement. Les CCAGE-IP organise dans le détail les conditions d’exploitation des résultats du marché.

Option B : cession intégrale des droits


Dans cette hypothèse, le titulaire du marché cède, à titre exclusif, l’intégralité des droits ou titres de toute nature afférents aux résultats permettant au pouvoir adjudicateur de les exploiter librement, y compris à des fins commerciales, pour les destinations précisées dans les documents particuliers du marché.

Les documents particuliers du marché peuvent prévoir que le pouvoir adjudicateur bénéficiaire de la cession peut rétrocéder ou concéder à titre non exclusif certains droits d’exploitation au bénéfice du titulaire du marché.

Le territoire, la durée, les modes d’exploitation des droits cédés et le prix sont définis dans les documents particuliers du marché.
Le titulaire du marché reste seul responsable à l’égard de ses salariés et des tiers intervenant pour son compte.

Le montant de la redevance dû par le titulaire du marché au titre des exploitations notamment commerciales que la cession partielle ou la concession à titre non exclusif pourrait l’autoriser à réaliser devra être déterminé dans les documents particuliers du marché.

Les CCAG-PI organisent le détail de cette cession et des modalités d’exploitations des œuvres. Il est toujours préférable que le contrat particulier conclu à l’occasion du marché adapte les clauses à la réalité de la commande.

Dans cette seconde hypothèse, c’est le pouvoir adjudicateur qui peut déposer des demandes relatives au titre de la propriété industrielle.

Les oeuvres subventionnées


Dans le cadre d’œuvres subventionnées, rien n’interdit à l’État d’organiser contractuellement une cession de droit à son profit. Cela existe déjà dans le secteur audiovisuel, en contrepartie de l’intervention des mécanismes de soutien du Centre national de la cinématographie et de l’audiovisuel, l’État récupère les droits non commerciaux relatifs aux œuvres.

En cas de subvention d’une œuvre, et si la subvention est la contrepartie de contraintes de services public que doit respecter le producteur, rien n’interdit à l’État de se faire céder les œuvres, soit en se référant aux clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestation intellectuelle, soit en s’en inspirant.

Les auteurs cèdent bien des droits à des éditeurs parce que ces derniers les financent (3), l’aide de l’État à la création d’une œuvre devrait de la même manière systématiquement s’accompagner d’une contrepartie en terme de cession de droit.


Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris

(1) QEAN 25 mars 2014, n° 44773 p. 2817.
(2) Arrêté du 16 septembre 2009, JORF du 16 octobre 2009.
(3) et souvent parce qu’ils veulent tout simplement être diffusés et qu’il n’ont pas le choix.



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