Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant
Cet article a été publié au numéro 238 correspondant à l'actualité du mois de décembre 2013 dans la rubrique "réponse aux questions des parlementaires". Chaque mois nous sélectionnons les questions écrites ayant fait l'objet d'une réponse, que nous agrémentons d'un commentaire.
Question. - M. Gérald Darmanin interroge Mme la ministre de la culture et de la communication sur les subventions accordées aux associations et aux organismes culturels. Le ministère de la culture et de la communication est doté d’un budget lui permettant de financer les projets culturels. Ainsi, il souhaiterait connaître, sous forme de tableau, le montant total des subventions qui ont été accordées par le ministère de la culture et de la communication aux différents organismes et associations culturels, en 2011.
Réponse. - (1) Les associations constituent un relais essentiel pour la mise en œuvre des politiques publiques incombant au ministère de la culture et de la communication. La souplesse de la loi de 1901 se prête particulièrement à la multiplicité des missions culturelles : médiation, démocratisation, mise en valeur du patrimoine, compagnies du spectacle vivant, radios associatives ou encore fédérations nationales. Les associations sont la forme la plus courante d’organisation des acteurs culturels. La politique du ministère en matière de soutien aux associations se déploie donc sur deux axes complémentaires : la qualification et le renforcement de celles qui concourent de manière pérenne aux missions du ministère, et l’aide ponctuelle sur projet. Les subventions allouées par le ministère se font sur des critères précis d’exigence culturelle, artistique, scientifique et financière selon les domaines. Principalement allouées par les services déconcentrés du ministère (les directions régionales des affaires culturelles), les aides font l’objet d’une convention pluriannuelle lorsque l’aide est pérenne. Pour les subventions annuelles, les procédures les plus courantes sont des appels à projets, menés sur la base de cahiers des charges exigeants. L’ensemble des aides et des conventions sont revus régulièrement sur la base des directives nationales d’orientations, qui précisent les orientations de politiques publiques du ministère. Par ailleurs, le ministère de la culture et de la communication verse un nombre significatif de subventions à des associations au titre de la réserve parlementaire, sur lesquelles il n’exerce qu’un contrôle formel (limité à la vérification des pièces justificatives de la dépense). Les subventions accordées par le ministère de la culture et de la communication en exécution 2012 aux associations représentent au total 495 178 268 €, et se répartissent comme suit : Programme 131 : 311 951 686 € ; Programme 175 : 46 056 363 € ; Programme 224 : 85 809 684 € ; Programme 180 : 8 160 149 € ; Programme 186 : 1 187 784 € ; Programme 313 : 29 322 396 € ; Programme 334 : 12 690 206 €. Pour mémoire, la réserve parlementaire s’est élevée en 2012 sur la mission culture à 10 449 735 € pour l’Assemblée nationale et à 1 472 200 € pour le Sénat, et se répartit comme suit par programme : Programme 175 : 1 152 250 € pour l’Assemblée nationale et 97 500 € pour le Sénat ; Programme 131 : 614 600 € pour l’Assemblée nationale et 2 500 € pour le Sénat ; Programme 224 8 682 885 € pour l’Assemblée nationale et 1 472 200 € pour le Sénat.
Commentaire. – Comme l’indique le ministre, le recours à l’association selon la loi de 1901 est fort utilisée car son statut est fort souple. Le recours à ce mode de gestion est utilisé afin de sortir de la comptabilité publique pour passer en comptabilité privée, de ne pas être soumis aux contraintes des marchés publics, d’engager du personnel dans le cadre du droit du travail au lieu de se contraindre aux règles de la fonction publique. Il permet aussi de salarier le responsable artistique qui peut ainsi conserver son « statut » d’intermittent spectacle et percevoir des allocations chômage lorsqu’il n’est pas rémunéré par l’association. Ce sont ces arguments qui sont en permanence mis en avant pour défendre le recours aux associations. Le problème, c’est que ce n’est pas le statut qui est souple, c’est l’absence de contrôle sur les associations selon la loi de 1901 qui est particulièrement inexistant, et la probité du ministère de la culture qui est fort souple. En effet, la loi de 1901 contient un article 3 qui énonce que « toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, (…), est nulle et de nul effet. » La plupart du temps, l’association selon la loi de 1901 est créée à l’initiative de l’État ou d’une collectivité publique pour gérer de façon souple des politiques publiques dans le secteur culturel. Il en est ainsi des FRAC, des Maisons de la culture, des Scènes nationales, de nombreux festivals créés par les collectivités territoriales, d’agences culturelles, etc. Or, ce motif constituera le plus souvent une cause et un objet illicite et fait encourir la nullité à l’association ainsi créée. Cela pourra entraîner sur le plan financier des poursuites au titre de la gestion de fait, ce qui pourra rendre les comptables de fait de ces fonds publics gérés en dehors des règles de la comptabilité publique redevables ce ces financement, mais peut également fonder des poursuites pénales au titre notamment de l’abus d’autorité. Dans les faits, même si le risque théorique est fort important, les poursuites sont fort rares, ainsi que l’a constaté la commission du Sénat qui a planché sur ce sujet en 2012 (2). Cependant, la loi de décembre 2013 qui protège désormais les lanceurs d’alerte (3) risque d’amener un certain nombre de fonctionnaires choqués par ces pratiques, mais qui étaient jusqu’à présent tenus par leur devoir de réserve et soucieux de leur carrière, à les dénoncer et à insister sur le volet pénal, puisqu’il ne sont protégés que s’ils dénoncent des délits et des crimes.
Ces chiffres indiquant les subventions versées par le ministère de la culture manquent donc largement de signification, puisque nombre des associations subventionnées sont dans les faits des associations parapubliques et des démembrements de l’administration, et ce sont souvent elles qui récupèrent les aides les plus conséquentes. Ces chiffres n’indiquent donc aucunement le niveau de l’aide à l’initiative artistique dans le pays.
Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris
(1) QEAN24 décembre 2014 n° 3909. p. 13466.
(2) Voir La Lettre de Nodula, juin 2012, p. 2349.
(3) Nouvel article L. 1132-3-3 du code du travail et 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et notre article dans ce même numéro, page 2612.
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