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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

La participation à un concours ou à un tremplin n’exclut pas la qualité de salarié

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant

Cet article a été publié au numéro 234 correspondant à l'actualité des mois de juillet et août 2013.

Il est tentant, pour ne pas avoir à salarier les artistes ou intervenant à des émissions de téléréalité ou à des spectacles, de considérer qu’il s’agit d’un concours. En matière de musique, on appelle celà des tremplins. Parfois, on fait même payer des droits d’inscription, ou on intitule l’entreprise stage de formation professionnelle afin de faire payer les « stagiaires ».

Au delà de la qualification donnée au contrat par les parties, les tribunaux n’hésiteront pas regarder la réalité de l’entreprise et de requalifier la relation avec les candidats de contrat de travail si les conditions en sont réunies (1). La cour de cassation vient de confirmer que la cour d’appel de Versailles avait ainsi pu légalement considérer qu’un participant au concours « Mister France », organisé par TF1 production sur le modèle de « Miss France » pouvait à juste revendiquer la qualité de salarié (2).

La cour d’appel avait rappelé qu’il n’existe pas de définition légale du contrat de travail, mais que la jurisprudence considère qu’il y a un contrat de travail lorsqu’une personne accepte de fournir une prestation de travail au profit d’une autre, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière moyennant une rémunération ; « Qu’il appartient par conséquent, aux juges de rechercher si les critères du contrat de travail sont réunis ; Que dans son arrêt du 3 juin 2009 relatif à la qualification du contrat liant le participant au producteur de l’un des types de programmes de « télé réalité », la Cour de cassation a confirmé que le lien de subordination constitue le critère décisif du contrat de travail et que dès lors qu’elle est exécutée non pas à titre d’activité privée mais dans un lien de subordination, pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique, l’activité quelle qu’elle soit, peu important qu’elle soit ludique ou exempte de pénibilité, est une prestation de travail soumise au droit du travail » ; En l’espèce, le règlement participant imposait à Monsieur X... des contraintes très importantes notamment relatives à sa disponibilité et à sa liberté :
- Article 3.2.1 : Le participant devra être disponible pour le tournage de son portrait entre le 16 et le 21 février 2004 et pour le tournage pendant une durée de 24 jours qui débutera le 29 février 2004 et finira vers le 23 mars 2004.... sachant que ces dates pourront être modifiées ou ... retardées en fonction des impératifs de la production ...
- Article 3.2.4 : Le participant pourra demander à interrompre sa participation au tournage pour convenance personnelle après l’accord préalable du producteur,
- Article 3.3.2 : Pendant la durée des répétitions et du direct, le participant accepte expressément de porter des tenues vestimentaires qui seront choisies exclusivement par le producteur,
- Article 3.4.2 : Le participant donne expressément son accord au producteur pour que des informations d’ordre privé et personnelles recueillies avec son consentement puissent être divulguées et diffusées ...
- Article 3.6.2 : Le participant s’interdit avant, pendant les répétitions et le direct de prendre des photos ou d’utiliser un quelconque moyen de prise de vue à des fins personnelles ;

Il ressort du même règlement participant (article 3.7.1) que Monsieur X. devait s’engager à suivre les instructions de la production liées à la sécurité, au planning de tournage, à la règle de l’émission et notamment : répondre aux questions du présentateur et aux interviews au cours de l’émission, accepter d’être filmé, participer aux répétitions et au direct, accepter pendant l’émission d’effectuer les chorégraphies qui seront déterminées par le chorégraphe et choisies par le producteur ; Il ressort des feuilles de service versées au débat qu’outre les obligations ci-dessus évoquées, Monsieur X... devait respecter un planning journalier impératif ; exemple pour le mercredi 28 mai : 6 heures réveil, 6 heures 30 rendez-vous dans la salle du petit déjeuner, 7 heures maquillage / coiffure, 7 heures 30 habillage 8 heures départ en bus pour une séance photo, 9 heures photos au champ de mars, 9 heures 45 départ du bus pour vous emmener au plateau pour les répétitions, 9 heures 45 début des répétitions, 12 heures coupure déjeuner, 13 heures 30 reprise des répétitions, 19 heures 15 fin des répétitions, 19 heures 30 départ du bus, 20 heures, arrivée à l’hôtel, 20 heures 30 départ du bus pour le restaurant, 23 heures retour à l’hôtel ; Il ressortait également du règlement « élection Mister France 2003 (article 2 )» que « le producteur se réserve toutefois un droit de décision discrétionnaire sur le choix des candidatures présentées par le Comité Mister France pour la finale » ; cette disposition démontre le caractère non aléatoire de ce « concours» ;

La question de la rémunération

La cour d’appel a considéré que si les gains en nature peuvent être qualifiés de revenus (et éventuellement soumis à la fiscalité selon l’interprétation qui appartient à l’administration fiscale), ils ne sauraient être qualifiés de rémunération ou de salaire, dès lors qu’ils ne sont attribués qu’aux finalistes. La Cour a donc constaté que Monsieur X... n’avait pas perçu de rémunération ou de salaire pour sa prestation en tant que telle, mais considéré que le fait que l’employeur ait violé son obligation ne saurait faire obstacle à une requalification ;

L’objet du contrat ne consistait pas dans l’organisation d’un jeu, l’élection de « Mister France » était un concept d’émission et non une compétition ayant une existence propre, organisée de manière autonome, et la prestation des candidats servait à fabriquer un programme audiovisuel à valeur économique.

La cour d’appel a en conséquence considéré qu’il ressortait de l’ensemble de ces éléments que Monsieur X..., avait bien réalisé une prestation de travail dans le cadre d’un lien de subordination au bénéfice du producteur.

La cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le producteur et considéré que : « L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; » et que la cour d’appel avait ainsi « caractérisé l’existence d’une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société, et ayant pour objet la production d’un bien ayant une valeur économique, prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne ; que la cour d’appel a pu déduire de l’ensemble de ses constatations que M. X... était lié par un contrat de travail à la société de production. »

Une démarche bien compliquée

En l’espèce, le candidat participait à une émission audiovisuelle. Il n’a pas tenté de revendiquer la qualité d’artiste interprète, qui ne lui aurait sans doute pas été reconnue. Il a par contre revendiqué la qualité de mannequin.

Les émissions de téléréalité qui font intervenir des artistes interprètes, ou dans le domaine du spectacle vivant, les tremplins qui font intervenir des artistes musiciens relèvent en effet de la présomption de salariat de l’article L.7121-3 du code du travail, ou de celle relative à l’activité de mannequinat. Ces présomptions permettent de ne pas avoir à prouver le lien de subordination. A partir du moment où l’opération est organisée dans un cadre lucratif au sens de l’article L.8221-4 du code du travail (3), les artistes doivent être salariés.

En l’espèce, « Mister France 2003 » revendiquait la qualité de mannequin. En effet, au sens du code du travail, le mannequinat ne se limite aucunement aux podiums et défilés de mode et désigne toute personne qui est chargée :

- Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;

- Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image (4).

En l’espèce, « Mister France » désignait une émission de télévision. Cette appellation avait sans doute vocation à devenir une marque. Il s’agit donc d’un produit. De surcroît, l’émission utilisait l’image des participants et particulièrement celle des gagnants.

Il semble donc probable que cette qualification lui sera reconnue. La cour de cassation a d’ailleurs cassé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles qui avait refusé d’examiner cette demande au prétexte qu’elle aurait été prescrite. La reconnaissance de cette qualité de mannequinat permettait de faire l’économie de toute l’analyse relative à l’existence d’un lien de subordination.  ņ

(1) La cour d’appel avait fondé sa décision sur l’article 12 du code de procédure civile qui dispose que le juge doit restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée

(2) Cass. Soc. 25 juin 2013 n° 12-13968.

(3) Sauf preuve contraire, les activités de production sont présumées accomplies à titre lucratif :
1° Soit lorsque leur réalisation a lieu avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ;
2° Soit lorsque leur fréquence ou leur importance est établie ;
3° Soit lorsque la facturation est absente ou frauduleuse ;
4° Soit lorsque, pour des activités artisanales, elles sont réalisées avec un matériel ou un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel.

(4) Article L.7123-3 du code du travail.


 


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