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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Intermittents spectacles : quand le ministre du travail entretient le mythe !

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant

Cet article a été publié au numéro 226 correspondant à l'actualité du mois de Novembre 2012 dans la rubrique "réponse aux questions parlementaires". Chaque mois nous sélectionnons les questions réponses les plus pertinentes pour les secteurs de la création artistique, que nous nous autorisons éventuellement à compléter d'un commentaire.

Question. - M. François Loncle attire l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la complexité grandissante du régime d’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle, notamment sur certaines inégalités régionales de traitement de ces intermittents par des agences de Pôle emploi. Les annexes 8 et 10 de l’arrêté d’agrément du 2 avril 2007 spécifient la particularité du régime d’indemnisation du chômage pour les salariés intermittents du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle. Bénéficiant à plus de 100 000 allocataires, ce dispositif est censé compenser la précarité et l’irrégularité de l’activité artistique. Il revêt une grande importance, dans la mesure où il permet à des compagnies, des festivals, des théâtres de se maintenir. Or, en excipant de quelques cas abusifs, des antennes de Pôle emploi ont tendance à considérer les intermittents de manière suspicieuse et, en conséquence, à interpréter les textes réglementaires dans un sens restrictif. Le champ d’application des annexes 8 et 10 est souvent limité, parfois de façon arbitraire, voire absurde. Pôle emploi incline souvent à faire basculer l’intermittent dans le régime général de l’assurance-chômage. Des interventions en milieu scolaire, hospitalier ou carcéral ne sont pas prises en compte. Par exemple, un agent de Pôle emploi a estimé que deux chanteuses lyriques embauchées par un évêché n’étaient pas des intermittentes du spectacle parce qu’elle

Réponse. - (1) Les salariés intermittents de l’annexe X sont les artistes du spectacle engagés par Contrat à durée déterminée (CDD). Ainsi, tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Concernant les artistes en résidence pour un travail de création, la qualification des périodes passées au sein d’une « résidence en création » nécessite une appréciation des faits par Pôle emploi services. Ce dernier procède en effet à un examen approfondi afin de distinguer les activités afférentes à la production d’un spectacle (répétitions, représentations) de celles qui relèvent de la création stricte et n’entraînent pas la production d’un spectacle. En outre, le Centre national du cinéma spectacle (CNCS), géré par Pôle emploi services, peut solliciter le ou les employeurs en vue de la production de tous documents ou éléments susceptibles de justifier que l’activité en cause relève du champ des annexes VIII et X de la convention de l’assurance chômage. Seules les périodes effectuées en vue de la production d’un spectacle peuvent en effet être prises en compte dans le cadre des règles spécifiques prévues par l’annexe X, les activités relevant de la création stricte étant pour leur part régies par les règles du régime général de l’assurance chômage. Par ailleurs, en application des dispositions de l’article 7 de l’annexe X et de l’arrêté du 5 avril 2007, les heures d’enseignement dispensées par les artistes au titre d’un contrat de travail avec un établissement d’enseignement dûment agréé sont assimilées à des heures d’activité salariées dans la limite de 55 heures ou de 90 heures pour les artistes âgés de cinquante ans ou plus. Les heures d’enseignement dispensées dans un établissement n’ayant pas fait l’objet d’un agrément (et ne relevant donc pas du champ de l’arrêté précité) sont en revanche prises en compte au titre de l’assurance chômage. Il en va notamment ainsi lorsque l’établissement concerné est une école privée hors contrat. Il est important de souligner que toute évolution ou pérennisation du régime spécifique des intermittents du spectacle relèvent de la négociation entre les partenaires sociaux, seuls compétents pour modifier les règles constitutives du régime d’assurance chômage.

Commentaire. - Cette réponse ministérielle, si elle montre que le ministre ne connaît rien au dossier, a cependant une utilité pédagogique, puisqu’elle permet d’expliquer les incompréhensions que suscite la matière dans le grand public. Il est cependant quelque peu effrayant qu’un ministre du travail soit au même niveau que le « grand public ».

Le ministre commence par énoncer que : « Les salariés intermittents de l’annexe X sont les artistes du spectacle engagés par Contrat à durée déterminée (CDD). »

Cette phrase contient le germe de toute la difficulté du dossier.

Cette affirmation est en effet totalement fausse. Les salariés intermittents relevant de l’annexe X sont non pas les salariés engagés, mais les salariés en situation de recherche d’emploi. C’est le fait d’avoir la qualité de demandeur d’emploi qui est le premier critère permettant de bénéficier d’une allocation chômage au titre de l’annexe X. Un intermittent spectacle au sens de l’annexe X est un chômeur. Et c’est cela qu’oublie la plupart des artistes, que semble ignorer l’actuel ministre du travail, et qui fait que Pôle Emploi regarde beaucoup d’artistes avec suspicion. En effet, quand l’on fait du terme « intermittent » un métier, alors que cette notion désigne un chômeur, c’est que quelque chose cloche dans le système. Il est vrai que sur une carte de visite, la notion « d’intermittent spectacles » est plus valorisante que celle de « chômeur ». Le fait est que nombre d’entre eux n’est pas en situation de recherche d’emploi, mais simplement en « stand by » entre deux emplois rémunérés, quant il n’est pas en réalité chef d’entreprise en situation de préparation ou de répétition non rémunérée du prochain spectacle ou en phase de prospection commerciale.

Le ministre commente en effet l’annexe X en oubliant qu’il s’agit d’une annexe à la convention du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage et que les articles de cette annexes doivent être lus non de façon autonomes mais comme des compléments ou des modifications au texte de la convention de 2006, adaptée aux artistes du spectacles. C’est l’erreur que de très nombreuses personnes commettent.

Il est arrivé que des clients artistes du spectacle m’appellent du bureau de Pôle Emploi ou on les avait convoqué pour signer le formulaire de demande d’allocation et m’indiquent en toute bonne foi qu’ils ne voulaient pas signer ce document parce qu’il signifiait qu’ils étaient en recherche d’emploi. Ils revendiquent alors le fait de ne pas être chômeur, mais intermittent spectacle et le préposé de Pôle emploi devait forcément se tromper de formulaire. Ces artistes ne recherchaient effectivement pas d’emploi, mais avaient effectivement pris l’habitude, comme cela est quasi généralisé dans le milieu, d’être payés par Pôle emploi entre deux contrats déclarés et rémunérés.

Les dispositions de la convention

L’annexe X des artistes, du spectacle, tout comme l’annexe VIII des techniciens du spectacle et de l’audiovisuel s’entend comme d’un correctif à la convention de 2006, alors que le régime général et la plupart des autres annexes relèvent de la convention de 2011.

L’article 1er de la convention du règlement général annexé à la Convention du 18 janvier 2006 applicable aux artistes énonce que « le régime d’assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé allocation d’aide au retour à l’emploi, pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d’emploi qui remplisse des conditions d’activité désignées période d’affiliation, ainsi que des conditions d’âge, d’aptitude physique, de chômage, d’inscription comme demandeur d’emploi, de recherche d’emploi ». 

Le dernier paragraphe de cet article 1er ajoute ensuite une condition pour les artistes du spectacle. Seuls peuvent bénéficier de ces dispositions les artistes tels que définis aux articles L.7121-2 et suivants du code du travail, qui ont été préalablement engagés au titre de contrats de travail à durée déterminée par des employeurs ayant l’obligation de cotiser à ce régime (2).

L’intermittent du spectacle au sens de la réglementation ASSEDIC c’est celui qui a droit aux allocations parce qu’il respecte les dispositions du règlement de 2006 et de son annexe X et en aucun cas celui qui travaille et qui aurait prétendument droit à un type de contrat particulier parce qu’il serait par ailleurs inscrit au chômage.

L’article 2 du règlement général précise que :
« Sont involontairement privés d’emploi ou assimilés, les salariés dont la cessation du contrat résulte :
- d’une fin de contrat de travail à durée déterminée,
- d’une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à l’initiative de l’employeur,
- d’une démission considérée comme légitime, dans les conditions fixées par un accord d’application
».

Pour bénéficier d’une ouverture de droits à l’allocation chômage au titre de l’annexe Artistes, il faut justifier de 507 heures permettant l’ouverture des droits. Seul le temps de travail effectif exercé dans le champ d’application des annexes X ou VIII au règlement général (3) est retenu, sous réserve de prise en compte, dans certaines limites de la participation à des actions de formation, d’heures d’enseignement (4). C’est à ce titre que certains contrats sont écartés. Ainsi quand les représentations données dans une église ne sont pas prises en compte, ce n’est parce que le salarié n’est pas reconnu comme intermittent, cela est totalement hors de propos, mais parce que l’employeur n’a pas respecté les protocoles permettant aux salariés de bénéficier d’une ouverture de droits au titre de ces heures.

Pour bénéficier d’une allocation chômage au titre de l’annexe Artistes, il n’est donc aucunement nécessaire d’avoir été engagé dans le cadre d’un contrat d’usage. Il suffit d’avoir été engagé dans le cadre d’un CDD, ou même d’avoir démissionné d’un CDI ou d’un CDD dans un cadre considéré comme légitime au sens de l’accord d’application n° 14 et que l’employeur respect les protocoles permettant à leurs salariés de bénéficier d’une ouverture de droits au titre des annexes spectacles.

Toute entreprises de tous les secteurs, et mêmes les particuliers peuvent faire générer des droits à ce régime, en s’adressant au guichet unique du spectacles s’ils ne relève pas d’une activité principale liée au spectacle. Un certain nombre d’artistes, par exemple les statues vivantes, transforme ainsi l’argent donné pièce par pièces par les passants en cachets ouvrant des droits  à l’allocation chômage.

Les droits des artistes sont établis sur la base des attestations d’emploi que leur adresse l’employeur à la fin de chaque période d’emploi et c’est là que le bat blesse, puisque l’article R.1234-9 du code du travail énonce que l’employeur ne doit établir cette attestation qu’au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail. Dans la pratique, l’artiste relèvera très souvent des prévisions du travail intermittent, c’est-à-dire d’un contrat de travail à durée indéterminée comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées (5).

L’employeur ne peut donc en principe émettre une ou plusieurs attestations d’emploi par mois, indiquant que le contrat a cessé alors qu’il a par exemple embauché l’artiste pour toute la saison ou sur plusieurs années, mais ne le salarie que de temps à autres. 

Nous ne sommes pas certain que la notion « d’intermittent spectacles » regroupe réellement une profession. Il faut distinguer en premier lieu les « permittents », dont certains travaillent à temps plein, mais ne sont payés qu’à temps partiel, et ceux qui sont en permanence à la disposition d’une ou plusieurs entreprises, mais qui ne sont salariés que pour des périodes limités. Il faut ensuite distinguer ceux qui sont en réalité des chefs d’entreprises, mais organisent leurs salariat fictif par l’intermédiaire d’entreprises commerciales ou associatives dirigées par des prêtes noms. Tous ont de bonne raison de « tricher » ou de « faire avec la réalité ». L’État, les collectivités territoriales et les entreprises publiques ou privées du ministère de la culture contrôlent la majorité des marchés et interdisent le libre jeu de la concurrence et de la libre fixation des prix. Une entreprise qui respecterait le code du travail et la réglementation Pôle Emploi ne saurait être concurrentielle. Ce sont très souvent les institutions publiques qui incitent les artistes à utiliser ces mécanismes. Et peu à peu est née une croyance selon laquelle le contournement de la règle serait en réalité devenue la règle, et que l’intermittence au sens des annexes VIII et X serait une fonction, un emploi, ou un statut.

Ce n’est parce que plusieurs centaines de milliers de personnes conduisent sans permis de conduire que celui ci n’est plus obligatoire. Il n’est donc pas possible de reprocher à des agents de Pôle Emploi d’appliquer la règle de droit qui permettrait, si les contrôles étaient réels de radier l’immense majorité des allocataires de ce régime.

Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris

(1) QEAN 30 octobre 2012, n° 3846 p. 6123.

(2) Les articles L.7121-2 et suivants du code du travail visent les artistes engagés en vue de leur production, quelque soit la nature de la personne qui les emploies, et ce y compris lorsqu’il s’agit d’un particulier ou un évêché. L’ensemble des travaux parlementaires liés à cette disposition confirme l’application très large de cette présomption de salariat des artistes du spectacle et de la notion de production.

(3) L’annexe VIII concerne les ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle.

(4) Ces dispositions sont précisées à l’article 7 de l’annexe X.

(5) Le travail intermittent au sens du code du travail est défini aux articles L.3123-31 et suivants du contrat du travail.
 



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