Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.
Cet article a été publié au numéro
220 correspondant à l'actualité du mois d'avril 2012. Chaque mois nous sélectionnons les questions des parlementaires aux ministres les plus pertinentes pour les secteurs de la création artistique, que nous complétons éventuellement d'un commentaire.
Question. - M. Marc Le Fur attire l’attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la proposition de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale dans le rapport n° 3544 sur le projet de loi (n°3507) de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2010. La commission propose de fiabiliser la mesure de la fréquentation des lieux subventionnés dédiés aux arts plastiques en région. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître comment le ministère prévoit de mettre en œuvre cette recommandation.
Réponse. – (1) Les lieux de diffusion de l’art contemporain subventionnés par le ministère de la Culture et de la Communication ont notamment pour mission d’élargir et de diversifier le public. Ils accomplissent cette mission avec succès malgré des équipes réduites, en moyenne de cinq personnes pour les centres d’art et de neuf personnes pour les Fonds régionaux d’art contemporain. Sur les cinq dernières années (2006-2010), leur fréquentation connaît une augmentation sensible passant de 1,1 million de visiteurs en 2006 à plus de 2 millions en 2010. La fiabilisation de la mesure de la fréquentation constitue donc un impératif. Pour y répondre, la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de la Communication a mis en place une série de mesures. En premier lieu, le programme de conventionnement découlant de la circulaire parue le 9 mars 2011 sur les centres d’art contemporain va permettre, sur la base d’un cahier des charges et de missions partagé sur l’ensemble du territoire, de stabiliser le périmètre des structures prises en compte pour le calcul des indicateurs de performance et mettre fin aux variations constatées ces dernières années. En outre, cette circulaire impose désormais la mise en place d’instruments de connaissance des publics et de suivi des opérations menées de manière à en mesurer l’efficacité. Les conventions pluriannuelles d’objectifs conclues avec les centres d’art devront à ce titre fixer des objectifs chiffrés et planifiés permettant une meilleure évaluation. En second lieu, afin de pallier la difficulté de réunir les informations dans les délais requis pour les échéances parlementaires, la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de la Communication inaugurera en 2012 un nouveau système de collecte des informations. Cet instrument, commun aux services centraux et déconcentrés, prend la forme d’un questionnaire annuel dématérialisé. Il sera renseigné en temps réel par les structures subventionnées. Au-delà des informations quantitatives sur la fréquentation, il a été conçu de manière à fournir une base d’analyse qualitative de l’activité des Fonds régionaux d’art contemporain et des centres d’art conventionnés à Paris et en région. Les informations pour l’année 2011 seront disponibles pour le projet annuel de performance et les années suivantes, dès l’établissement du rapport annuel de performance.
Commentaire. – Il est intéressant de relever que le cahier des missions, des charges et des moyens des centres d’art qui organisent le conventionnement des ces institutions ont pour unique fondement juridique une simple circulaire. En effet, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État, une circulaire ne peut contenir de dispositions réglementaires (2). Dans cette affaire, le Conseil d’État énonce que « par la circulaire attaquée, le ministre de l’éducation nationale et de la culture, le ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et le ministre des affaires sociales et de l’intégration ne se sont pas bornés à interpréter les textes en vigueur mais ont fixé des règles nouvelles ; qu’ils ont notamment créé un agrément des centres d’aide à la gestion des emplois culturels, défini l’objet desdits centres ainsi que les modalités de leur agrément par le préfet de département et posé des règles relatives, le cas échéant, à la passation de conventions financières avec le ministère de la culture, dans le cadre de l’attribution de crédits déconcentrés ; que par suite, ladite circulaire a, dans son ensemble, un caractère réglementaire ; que ses auteurs ne tenaient d’aucune disposition compétence pour l’édicter ».
Or, la circulaire du 9 mars 2011 du ministre de la culture organise les conditions du conventionnement des centres d’arts, qui déterminent l’attribution de crédits. Cette circulaire encourt donc la nullité et les agents publics qui signent des conventions et versent des fonds ou participent à la gestion des structures juridiques, majoritairement associatives, qui supportent ces centres d’art, en application de cette circulaire en donc en dehors de tout cadre juridique légal pourraient se voir reprocher d’avoir sciemment commis le délit d’abus d’autorité, prévu et réprimés par les articles 432-1 et 432-2 du code pénal (3). Un directeur régional des affaires culturelles ne peut en effet ignorer qu’une circulaire ne peut fonder une réglementation.
Si nos énarques n’ont pas créé de loi, c’est que la promulgation d’une telle loi serait la preuve que ces nombreuses structures sont créées dans le cadre d’une politique d’État, qu’elles ne peuvent donc être financées par le biais de subventions et que leur financement relève d’une aide d’État Cela l’obligerait à créer une catégorie d’établissements publics qui ne pourraient agir dans le cadre du droit privé sans respecter les obligations liées à la gestion de fonds publics.
Toute personne intéressée peut contester les sommes versées à ces Centres d’art et solliciter la restitution des subventions !
Notre nouveau président qui souhaite une République exemplaire et normale devrait s’interroger sur le fait de savoir s’il est normal de ne pas respecter le principe d’État de droit. Les personnes qui travaillent et animent ces structures doivent également savoir dans quelle insécurité juridique se situe leur action.
Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris
(1) QEAN – 3 avril 2012, n° 124480 p.2726.
(2) CE, 4 novembre 1996 n° 162846, Nodula C/Ministère de la culture.
(3) L’article 432-1 du code pénal énonce que le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.
Le conventionnement de ces centres en application d’une circulaire, constitue un détournement notamment des lois relatives à la fonction publique, des lois relatives à la gestion des finances publiques, des réglementations européennes relatives aux aides d’État, très souvent de la loi de 1901 sur les associations, du code du patrimoine sur les processus d’acquisition des œuvres par l’État, etc.
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