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Cet article a été publié au numéro
219 correspondant à l'actualité du mois de mars 2012.
Le contrat de travail à durée déterminée doit être établie par écrit. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Ce principe est régulièrement rappelé par la cour de cassation et s’applique y compris aux contrats d’usages des secteurs du spectacle et de l’audiovisuel (1). Qu’en est il cependant lorsqu’il existe un contrat écrit, mais non signé par le salarié ? L’employeur qui, en vertu de l’article L.1242-13 du code du travail dispose d’un délai deux jours ouvrables suivant l’embauche pour communiquer le contrat au salarié, peut il considérer que le fait que le salarié qui refuse de signer un contrat accomplisse le travail vaut acceptation dudit contrat ?
La cour de cassation a abordé cette question dans le cadre d’un arrêt du 12 mars 2012 (2), et posé le principe suivant :
« Attendu qu’il résulte de l’article L.1242-12 du code du travail que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu’il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ;
Attendu que pour rejeter la demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et débouter la salariée de ses demandes à ce titre, l’arrêt de la cour d’appel énonce qu’il résulte des pièces produites que les divers contrats à durée déterminée écrits ont bien été remis à la salariée à chacune de ses interventions, mais que celle-ci a refusé de les rendre, malgré notamment un rappel par courrier recommandé du 6 septembre 2007, rappelant un courrier du 16 mai 2007 resté sans effet ; que Mme X... ne peut se prévaloir du défaut de signature des contrats qui lui incombe ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse de la salariée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;»
Seule la preuve de la mauvaise foi ou de l’intention frauduleuse du salarié permettra, en présence de contrats à durée déterminée non signés par le salarié, d’écarter la requalification. L’employeur devra de plus prouver qu’il les a bien remis au salarié dans les deux jours ouvrables de l’embauche.
En effet si les contrats sont réalisés en fin de mois, sur la base d’un relevé de temps par la régie, et a fortiori, s’ils sont antidatés ou ne comportent pas de date de signature, l’employeur ne sera pas en mesure d’invoquer la mauvaise foi ou la fraude du salarié, puisque le salarié n’est pas tenu de signer des contrats qui lui sont présentés de façon tardive.
La cour de cassation a ainsi sur cette question cassé un arrêt de la cour d’appel de Paris dans les termes suivants :
« Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein et de ses demandes pécuniaires afférentes, l’arrêt énonce que dans le cadre des contrats à durée déterminée d’usage, la mention de l’objet du contrat à durée déterminée est sans incidence sur la validité du contrat et que la référence à l’activité télévisuelle de Disney Channel suffit à rendre légitime le recours à ces contrats ; qu’il résulte des déclarations du salarié soutenant que certains des contrats lui étaient présentés antidatés, après la prestation de travail, que c’est de son fait si ceux-ci n’étaient pas signés de sorte qu’il ne peut invoquer cette circonstance pour en contester la validité ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (3).
En premier lieu, il est toujours préférable de faire signer le contrat avant le début de la prise de fonction et de refuser cette prise de fonction si le contrat n’est pas signé. Cette position est la seule sérieuse lorsque de surcroît, le salarié a la qualité d’artiste interprète et que le contrat contient des clauses de cession de droit, ce qui sera le cas dans le domaine de l’audiovisuel ou du disque.
Si le contrat a été communiqué dans les deux jours de l’embauche et que le salarié refuse sans raison de le signer, il est impératif que l’employeur se préserve des preuves et sollicite par écrit du salarié la raison pour laquelle il refuse de signer le contrat. En effet, de deux choses l’une, soit le salarié a une raison valable de ne pas le signer, soit il n’en a pas. Si le contrat correspond à ce qui a été négocié, et sous réserve que l’employeur puisse le prouver, par exemple, par des échanges de courriels, il sera possible de démontrer la mauvaise foi du salarié ou son intention de fraude. Dans un tel cas, l’employeur doit sanctionner ce comportement qui constitue une faute grave et mettre fin au contrat de travail à durée déterminée immédiatement, après mise en œuvre de la procédure de licenciement. Si l’employeur ne sanctionne pas ce comportement, il aura le plus grand mal à faire croire à un juge que le comportement du salarié était fautif.
Dans la pratique, et notamment dans les secteurs du spectacle et de l’audiovisuel, le contrat antidaté caractérise le plus souvent un contrat établi après coup.
Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris
(1) Voir à titre d’exemple dans l’audiovisuel Cass. Soc. 27 novembre 2007, n° 06-41091.
(2) Cass. Soc. 12 mars 2012, n° 10-12091.
(3) Cass. Soc. 26 septembre 2006, n° 06-40902.
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