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Cet article a été publié au numéro
202 du mois de Septembre 2010 dans la rubrique des réponses des ministres aux questions des parlementaires. Nous sélections les interventions des députés et sénateurs concernant notre secteur, les réponses qu'y ont apportées les ministres interpellés et notre commentaire si la question ou la réponse le mérite.
Question. - M. Christian Vanneste interroge M. le ministre de la culture et de la communication sur les liens entre des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et des chaînes de télévision. Ainsi, on apprend que, depuis 2006, un membre du CSA se serait fait octroyer une simple mise en disponibilité de France 2, qui met entre parenthèses son contrat de travail au double mépris de la convention collective des journalistes de l’audiovisuel public et des dispositions légales régissant le CSA qui interdisent à tout membre du CSA d’avoir un quelconque lien ou intérêt avec une entreprise du secteur audiovisuel. Ainsi que le rappelle un spécialiste des médias du Point, « l’indépendance juridiquement organisée des membres du CSA exige que tout lien soit coupé avec un acteur du PAF. Toute décision du CSA à laquelle les deux membres ([...] tous deux dans la même situation par rapport à France 2) apportent leur vote crée une situation juridique de conflit d’intérêt absolument désastreuse. Surtout quand il s’agit de sanctionner TF1 et Canal+... Une sanction prochaine de France Télévisions sur la déontologie ne réparerait pas la situation initiale : l’illégalité du «détachement» des deux membres qui fragilise tout l’édifice du CSA [...] ». Il aimerait en savoir plus sur cette situation et savoir ce qu’en pense le Gouvernement.
Réponse. – (1) Les garanties d’indépendance des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) résultent d’un certain nombre de dispositions législatives au premier rang desquelles figurent celles qui encadrent leur désignation : trois d’entre eux sont désignés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale et trois par le président du Sénat. Les conditions prévues pour l’exercice de leur mandat par l’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication renforce leur indépendance par rapport à ceux qui sont investis du pouvoir de nomination : il prévoit en effet que les membres du CSA sont nommés pour six ans et que leur mandat n’est ni révocable ni renouvelable. L’article 5 de la même loi, qui instaure un régime strict d’incompatibilités afin d’interdire tout conflit d’intérêts, dispose : « Les fonctions de membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel sont incompatibles avec tout mandat électif, tout emploi public et toute autre activité professionnelle. [...] les membres du conseil ne peuvent, directement ou indirectement, exercer des fonctions, recevoir des honoraires, sauf pour des services rendus avant leur entrée en fonctions, ni détenir d’intérêts dans une entreprise de l’audiovisuel, du cinéma, de l’édition, de la presse, de la publicité ou des télécommunications [...] ». Le non-respect de ces dispositions est passible des peines prévues par l’article 432-12 du code pénal, qui réprime la prise illégale d’intérêts, c’est-à-dire le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de prendre, recevoir ou conserver un intérêt quelconque dans une entreprise dont elle a la charge d’assurer la surveillance ou l’administration. En l’espèce, les deux membres du CSA ont été détachés par France Télévisions qui a suspendu leur contrat de travail. Le conseil n’a pas considéré que cette situation constituait un manquement aux dispositions précitées de l’article 5 de la loi du 30 septembre 1986. Ils n’exercent plus de fonctions au sein de la société, n’en reçoivent pas d’honoraires et n’y détiennent aucun intérêt. Dans le cas contraire, le CSA eût en effet été tenu de les déclarer démissionnaires d’office à la majorité des deux tiers, ainsi qu’en dispose expressément le quatrième alinéa de l’article 5 de la loi. En conséquence, le Gouvernement n’envisage pas de prendre des mesures complémentaires pour préserver l’indépendance des membres du CSA.
Commentaires. - La langue du bois du ministre de la culture a une explication évidente, Monsieur Frédéric MITERRAND est lui-même dans une situation qui pourrait être comparée à celle des deux membres du CSA qui sont toujours sous contrat avec France Télévisions, et y détiennent donc des intérêts au sens de l’article 432-12 du code pénal.
En effet, Monsieur Frédéric MITERRAND exerce le métier d’auteur. Ses oeuvres continuent à être diffusées par des éditeurs et des librairies qui concluent par ailleurs des contrats avec le Centre National des Lettres, organisme sous contrôle du ministère de la culture. Ses ouvrages continuent à être diffusés par des librairies ou des chaînes de distribution qui sont parfois associées à des manifestations organisées par le ministère de la culture ou qui relève de sa tutelle.
Il continue à percevoir des droits d’auteur en qualité d’écrivain alors qu’en sa qualité de ministre de la culture, il exerce la tutelle des sociétés d’auteurs et des sociétés en charge de la sécurité sociale des auteurs. Il a par exemple signé un arrêté en date du 10 janvier 2010 portant nomination à la commission des écrivains (2).
Certains de ses ouvrages sont diffusés par les Editions Montparnasse qui font un certain nombre de coédition avec des institutions sous tutelle du ministère de la culture ou bénéficient des aides du Centre National des Lettres. Il est également édité chez Pocket, filiale de nombreux éditeurs, chez Robert Laffont (3), chez Actes Sud (4), et, cerise sur le gâteau, chez France Télévisions Distribution, filiale de France Télévisions qui continue à diffuser des DVD de certaines de ses émissions (5). On voit donc mal comment Monsieur MITTERRAND qui a lui même conservé des intérêts chez France Télévisions pourrait donner un avis indépendant sur la question posée par l’honorable parlementaire.
Cette conservation d’intérêts dans des entreprises et des opérations vis-à-vis desquelles le ministre de la culture a charge de tutelle nous semble relever des dispositions de la prise illégale d’intérêt prévue et réprimée par l’article 432-12 du code pénal (6). ?
(1) QEAN 3 août 2010, p. 8532 n° 74358.
(2) L’arrêté a en réalité été signé par Monsieur GEORGES, directeur du livre et de la lecture, pour le ministre de la culture et de la communication et par délégation.
(3) Quand Monsieur MITERRAND rend hommage en qualité de ministre à Robert LAFFONT décédé en mai 2010, il fait également la promotion de ses œuvres qui sont toujours diffusées par les éditions Robert LAFFONT…
(4) Dont Monsieur MITTERAND fait parfois la promotion dans ses discours officiels, ainsi lors des rencontres d’Arles le 3 juillet 2010 et sur le site du ministère de la culture.
(5) Mémoires d’exil est notamment en vente sur le site de la FNAC.
(6) L’Article 432-12 du code pénal énonce que : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».
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