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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Art et violence : comment réagir ?

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.

Cet article a été publié au numéro 197 du mois de Mars 2010 dans la rubrique des réponses des ministres aux questions des parlementaires. Nous sélections les interventions des députés et sénateurs concernant notre secteur, les réponses qu'y ont apportée les ministres interpellés et notre commentaire si la question
ou la réponse le mérite.

Question. - M. Jean-Frédéric Poisson attire l’attention de Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les appels à la haine véhiculés par certains groupes musicaux. En effet, certains d’entre eux appellent délibérément à la haine: « j’baise votre nation » (groupe 113), « Pour mission exterminer les ministres et les fachos la France est une garce... On nique la France » (Sniper), Salif « Allez-y, lâchez les pitts, Cassez les vitres, quoi Rien à foutre, d’façon en face c’est des flics ». Parce que de la réponse apportée dépendra notre pacte social, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement afin de sanctionner lourdement ces propos.

Réponse. (1) – A ce jour, plusieurs procédures judiciaires ont été diligentées suite à la diffusion de chansons dont le contenu était susceptible de tomber sous le coup d’une qualification pénale, procédures qui ont parfois donné lieu à condamnation. Toutefois, la mise en œuvre de poursuites pénales est conditionnée par le respect des règles qui gouvernent le droit de la presse découlant de la loi du 29 juillet 1881, notamment celle relative à la prescription de trois mois. Au-delà, comme le soulignent certaines juridictions, en présence d’œuvre de fiction se réclamant d’un genre artistique l’élément intentionnel de l’infraction peut être délicat à caractériser. Pour autant, au-delà de ces difficultés, les magistrats du ministère public restent vigilants pour apporter des réponses proportionnées aux propos qui dépasseraient le cadre de l’expression artistique.

Commentaire. - Il ne s’agit pas ici d’aborder le débat relatif aux limites de la liberté d’expression, mais uniquement de circonscrire quelles qualifications juridiques peuvent être utilisées lorsque les propos tenus par des artistes sont susceptibles d’être sanctionnés légalement. La question de la légalité des propos tenus par certains groupes de musique revient régulièrement sur le devant de la scène. Très récemment, certains élus ont à nouveau tenté d’empêcher le collectif d’artistes « Maghreb United » de se produire en public, ce qui a conduit à l’annulation de trois dates de la tournée, à Lyon, Seyssins et Marseille suite à des pressions politiques.

La réponse apportée par Mme la ministre de la justice demeure cependant très imprécise.

En effet, la mise en œuvre de poursuites pénales pour de tels propos n’est pas toujours conditionnée par le respect des règles qui gouvernent le droit de la presse, car plusieurs textes peuvent fonder d’éventuelles actions pénales en la matière.

Certaines infractions sont effectivement prévues et réprimées par la loi sur la presse du 29 juillet 1881, notamment ses articles 23 et 24.
L’article 23 dispose en effet que : « Seront punis comme complices d’une action qualifié de crime ou délit ceux qui, soit pas des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit pas des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet. »

Cet article pourrait donc s’appliquer à des paroles de chansons incitant à la violence si celles-ci sont directement suivies d’actes ou de tentatives de violences envers les personnes ou les groupes de personnes identifiés dans la chanson comme les cibles de ces atteintes.

Ces provocations peuvent également être punies, même lorsqu’elles n’ont pas été suivies d’effet, dans le cas où le chanteur inciterait le public à commettre une infraction prévue à l’article 24 de la loi sur la presse, qui dresse une liste précise des infractions concernées (notamment les « vols, extorsions et destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation… »).
Ces infractions seront effectivement gouvernées par le régime de la loi sur la presse, et notamment la courte prescription de trois mois.
Il existe cependant d’autres infractions qui peuvent être utilisées pour sanctionner de tels propos, et notamment :

- la diffusion d’un message à caractère violent lorsqu’il est susceptible d’être vu par un mineur, prévu et réprimé par l’article 227-24 du code pénal, qui dispose que : « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. »

L’infraction peut être poursuivie selon les règles du droit commun et ne sera pas subordonnée au respect des règles procédurales qui gouvernent le droit de la presse, à condition que l’élément intentionnel soit prouvé, ce qui pourra parfois faire débat si le texte de la chanson témoigne de l’utilisation du second degré par exemple…

L’alinéa 2 de l’article 227-24 du code pénal précise toutefois que : « Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises (lire commises) par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ».

Le code pénal renvoie donc expressément, entre autres, au régime spécial de la loi sur la presse du 29 juillet 1881. Toutefois, le texte de l’article semble indiquer que ce renvoi est circonscrit à la détermination des personnes responsables. Les autres dispositions de la loi du 29 juillet 1881, et notamment le court délai de prescription de 3 mois, ne s’appliquent donc pas à ces infractions.

On pourrait également invoquer :

- La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes, prévue et réprimée par les articles 222-17 et suivants du code pénal. Là encore, cet article n’est pas gouverné par les exigences procédurales de la loi sur la presse.

- Le fait de provoquer à s’armer contre l’autorité de l’État ou contre une partie de la population, prévu et réprimé par l’article 412-8 du code pénal. Si elle est commise par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions de la loi sur la presse relatives à la détermination des personnes responsables seront également applicables.

- La provocation directe à la rébellion, prévue et réprimée par l’article 433-10 du code pénal. Si elle est commise par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions de la loi sur la presse relatives à la détermination des personnes responsables seront également applicables.

Il existe donc des qualifications pénales alternatives à celles prévues par la loi du 29 juillet 1881. Tout dépendra des circonstances de l’espèce, à savoir teneur et nature des propos, lieu et moyen de diffusion, précautions prises… ?

Laure BOUCHARD
Avocate au barreau de Paris

(1) QEAN 23 mars 2010 p. 3444, n° 65675.



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