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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Subventions, marchés publics, ou délégations de service public : une circulaire pour clarifier les règles

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.

Cet article a été publié au numéro 196 du mois de Février 2010.

Une circulaire du Premier ministre destinée à clarifier les relations entre l’Etat, les collectivités locales et les associations traite en fait de façon générale de la distinction entre subventions, marchés et délégations de service public (1). Cette circulaire s’impose en principe aux administrations d’Etat et notamment au ministère de la culture, ce qui en fait tout l’intérêt. Elle valide les analyses que nous avons souvent été seuls à présenter depuis un certain nombre d’années dans ces colonnes.

Les pratiques françaises en matière de financement des associations sont sur le plan juridique de plus en plus incertaines. Le problème vient surtout de l’absence de contrôle sérieux de l’Etat sur la légalité des organismes qui se déclarent sous le régime de l’association et sont de ce seul fait considérés comme telles.

Ne souhaitant pas clarifier cette situation, dont ils sont souvent les premiers profiteurs, les pouvoirs publics et les fédérations d’associations traitent sous le même vocable « d’associations créées selon la loi de 1901 » des situations en réalité fort différentes. Cela concerne en premier lieu les associations légales, celles créées conformément aux dispositions de l’article 1er de la loi de 1901, par une ou plusieurs personnes mettant en commun de façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Or, cela désigne également les structures constituées par des entités publiques pour d’autres raisons, notamment par soucis de simplicité pour gérer une activité en dehors des contraintes du droit public, celles qui sont créées par des prête-noms, parfois à la demande de l’Etat ou des collectivités publiques pour pouvoir émettre une facture et ne pas se compliquer la vie avec le droit de la fonction publique, ou pour permettre à leurs animateurs réels de percevoir des allocations chômage et ne pas être considérés comme des chefs d’entreprises, celles enfin qui ont choisi ce statut pour percevoir des subventions et intervenir sur un marché concurrentiel sans prendre de risque, alors qu’il s’agit en réalité d’activité purement commerciales et que seuls la subvention et le choix du statut associatif, avec les avantages qui en découlent, permettent de vendre moins cher que les concurrents privés.

Celles des « associations » qui relèvent de cette seconde catégorie, et dont l’importance est loin d’être marginale, puisqu’elles représentent par exemple dans le secteur du spectacle l’immense majorité des entreprises, répondent en réalité à la définition de l’article 3 de la loi du 1er juillet 1901. Elles sont fondées sur une cause ou un but illicite et sont en principe nulles et de nul effet (2).
La question qui agite en ce moment les associations est celle de la clarification des champs respectifs des subventions et des procédures de marché public, de délégation de service public ou encore d’appel à projets, et de leur volonté de sécuriser leurs relations avec les collectivités territoriales.

La circulaire aborde trois questions :

1. Elle rappelle les règles définissant respectivement subventions, marchés publics et délégations de service public.

2. Elle propose un modèle unique de convention d’objectifs, annuelle ou pluriannuelle, élaboré pour constituer un nouveau cadre de référence pour la délivrance de subventions aux associations. A cette convention est associé un nouveau formulaire « dossier de demande de subvention ». Ce modèle de convention figure en annexe II de la circulaire.
Le dossier de demande de subvention a été révisé et figure en annexe III à la circulaire
La circulaire intègre en annexe IV un manuel d’utilisation du modèle de convention d’objectifs, à l’usage des administrations et des associations, destiné à faciliter l’établissement du dossier de demande de subvention et la rédaction de la convention.

3. La circulaire met en place un agrément commun.
Chaque ministère devra examiner les éléments de ce tronc commun et fera alors apparaître leur validation dans le répertoire national des associations. Les critères seront centrés autour de l’objet d’intérêt général, du mode de fonctionnement démocratique et de la transparence financière.
La validation par un ministère de ces critères s’imposera à l’ensemble des autres administrations de l’Etat. La validation de ce tronc commun ne remet cependant pas en cause la compétence des différents départements ministériels concernés pour délivrer des agréments ou habilitations spécifiques. Ces parties spécifiques — et elles seules — feront l’objet d’un examen particulier par chaque département ministériel concerné, au regard de ses enjeux propres.

Rappel des règles encadrant les relations financières des collectivités publiques avec les associations


Dès la première phrase de ces développements, on comprend la difficulté de l’exercice. En effet, le Premier ministre parle des associations à but non lucratif et agite l’épouvantail du droit européen qui ne correspondrait pas aux terminologies traditionnelles du droit français. Or, la notion d’association à but non lucratif correspond à une dérive récente de la Vème République et n’a aucune réalité juridique intrinsèque. Le problème sera en partie réglé lorsque l’on aura banni cette appellation du vocabulaire français pour ne parler que des associations selon la loi de 1901 sans avoir à qualifier celles qui ont usurpé ce statut et en précisant lorsque l’on emploi le terme d’association à but non lucratif à quelle réglementation on se réfère (sociale ou fiscale).

Nous présentons une synthèse des principaux points abordés par cette circulaire dont la lecture intégrale nous semble indispensable pour toutes les entreprises culturelles, subventionnées ou non, sous forme associative ou commerciale, puisque la plupart de ces principes s’appliquent aux opérateurs économiques subventionnés, indépendamment de leur structuration en association.

La réglementation européenne des aides d’Etat s’applique aux associations

Cette réglementation dite des « aides d’Etat » s’applique à toute « entreprise » recevant un financement public, dès lors qu’elle exerce une activité « économique » d’intérêt général, et ce quel que soit son statut juridique (associatif ou autre) ou la façon dont elle est financée par la collectivité publique.

Cette notion « d’activité économique » recouvre, quel que soit le secteur d’activité, toute offre de biens ou de services sur un marché donné :

— le fait que l’activité concernée puisse être de nature « sociale » n’est pas en soi suffisant pour faire exception à la qualification d’activité économique au sens du droit des aides d’Etat ;

— le fait que l’entité susceptible de bénéficier du concours public ne poursuive pas un but lucratif ne signifie pas que les activités qu’elle exerce ne sont pas de nature économique ;

— seules échappent à cette qualification les activités liées à l’exercice de prérogatives de puissance publique ou certaines activités identifiées par la jurisprudence communautaire, comme les prestations d’enseignement public ou la gestion de régimes obligatoires d’assurance.

Dans la pratique, la grande majorité des activités exercées par les associations peuvent être considérées comme des « activités économiques », de sorte que les aides publiques qui y sont apportées doivent respecter la réglementation européenne sur les aides d’Etat.

Le Premier ministre rappelle que les associations bénéficiant de moins de 200 000 € de subvention sur trois ans ne relèvent pas des aides d’Etat. Ce
seuil doit être apprécié toutes subventions confondues en intégrant les facilités accordées à titre gratuit par les collectivités publiques (mise à disposition de locaux, de personnel ou de matériel...).

Le Premier ministre indique ensuite que le concours financier pour une association exerçant une activité économique d’intérêt général n’est acceptable que s’il peut être regardé comme la compensation d’obligations de service public. Il faut alors qu’un certain nombre de conditions soient réunies :

— l’association est explicitement chargée, par un acte unilatéral (loi, règlement ou délibération d’une collectivité territoriale) ou contractuel, de l’exécution d’obligations de service public, clairement définies dans leur consistance, leur durée et leur étendue ;

— les paramètres sur la base desquels la compensation financière de l’exécution d’obligations de service public est calculée ont été préalablement établis, de façon objective et transparente ;

— la compensation financière versée en regard des obligations ainsi mises à la charge de l’association est à la fois strictement proportionnée aux coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public assurées et périodiquement contrôlée et évaluée par la collectivité pour éviter la surcompensation.

Le Premier ministre fait donc sienne la jurisprudence européenne (arrêt Altmann) et indique que si ces conditions sont remplies, la subvention est compatible avec la réglementation des aides d’Etat, sous réserve de notification à la Commission européenne si les aides excèdent 30 Millions d’Euros par an ou que le chiffre d’affaires n’a pas dépassé 100 millions d’Euros par an pendant les deux exercices précédents.

Le Premier ministre rappelle que lorsque l’on se situe dans ce cadre, la subvention peut donc constituer un mode de financement légal dans le cadre d’un service d’intérêt économique général. La collectivité doit « simplement » définir, dans son acte unilatéral ou contractuel de mandat, la mission de service d’intérêt économique général ainsi que les paramètres pour le calcul de la compensation et les sauvegardes associées.

Notre expérience nous amène à penser que le terme « simplement » utilisé par le Premier ministère couvre toute la difficulté de l’exercice.

Ni les collectivités locales, ni le ministère de la culture ne nous semblent équipés pour mener l’analyse économique de la juste compensation qu’implique le recours à la subvention et la conclusion de conventions respectueuses du droit européen. La question de la compétence n’est pas seule en cause. Dans la pratique, la majorité des subventions au monde culturel sont distribuées sans aucune évaluation économique. La plupart de ceux qui réfutent cette évaluation ont souvent tout à y perdre. D’autant que conformément à la jurisprudence, la subvention ne doit pas uniquement permettre à l’entreprise de vendre moins cher que l’entreprise concurrente non subventionnée.

La subvention doit aussi respecter le droit français
Première contrainte qui valide le recours au subventionnement d’une association : l’association doit être à l’initiative du projet. Cette condition met en péril les nombreuses subventions à des associations qui sont en réalité des modes d’interventions de la puissance publique, couramment nommées associations transparentes.

Le Premier ministre rappelle les deux critères autorisant la qualification de subvention :

a) Le projet émane de l’association et ne donne pas lieu à contrepartie directe pour la collectivité publique.
Cette condition est remplie si l’association porte un projet dont elle est à l’initiative : ceci signifie qu’elle ne répond pas à un besoin préalablement défini par la collectivité publique, pour le compte duquel elle agirait comme un prestataire rémunéré, avec une contrepartie directe.
La circulaire indique par exemple qu’il est admis qu’une collectivité publique puisse accorder une subvention à une association pour organiser une fête du livre, dès lors que cette action est une initiative de l’association et non une manifestation en réalité conçue pour le compte de la collectivité. Une telle initiative privée répond en effet à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la collectivité, qui justifient le subventionnement.
Par contre, quand le ministère de la culture crée une association pour gérer la fête du livre, décidée par le ministre, nous ne sommes pas certains d’être encore dans la légalité républicaine…

b) Le projet développé par l’association s’inscrit dans le cadre d’un appel à projets lancé par une collectivité publique.
En pareille hypothèse, la collectivité lance un appel à projets qui lui permet de mettre en avant un certain nombre d’objectifs lui paraissant présenter un intérêt particulier. Il s’agit de définir un cadre général, une thématique. Les associations sont invitées à présenter des projets s’inscrivant dans ce cadre. Mais ce sont bien elles qui prennent l’initiative de ces projets et en définissent le contenu.
Dans le cadre des appels à projets, la collectivité publique a identifié une problématique mais n’a pas défini la solution attendue. Cela les différencie d’un marché dont le besoin est clairement identifié.

Distinction entre subvention et commande publique

En premier lieu, dans une commande publique, c’est la collectivité qui est à l’initiative du projet.

Le marché public
Le marché public vise à répondre à un besoin de la collectivité et donne lieu à la rémunération d’une prestation. Un marché public est un contrat conclu à titre onéreux entre un pouvoir adjudicateur (Etat, collectivités territoriales, établissements publics) et un opérateur économique, qu’il soit public ou privé, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services.

Le marché implique un lien direct entre les sommes versées et les prestations réalisées et une contrepartie directe pour la personne publique ou le bénéfice d’un avantage immédiat.

La délégation de service public

La personne publique confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service.

Le délégataire assume donc une part de risque liée à l’exploitation de ce service public.

Hormis ce dérapage dans son introduction qui parle d’association « sans but lucratif », le Premier ministre présente les choses d’une manière que nous ne pouvons qu’agréer. Il convient d’espérer que cette circulaire aura droit de cité rue de Valois.

Le Premier ministre semble cependant croire que tout est simple. Il ne se rend pas compte que ni les collectivités territoriales, ni les administrations, ni la plupart des entreprises concernées, ne disposent des outils leur permettant de respecter ce cadre. Le problème ne vient pas de l’encadrement des situations correspondant à ce que décrit la circulaire, mais de l’encadrement de situations qui ne correspondent à aucun de ces cadres. Dans la démocratie européenne, il est impossible de trouver un cadre légal aux nombreuses subventions qui ne relèvent que de la gestion du clientélisme à la française, la subvention discrétionnaire, celle qui impose à l’artiste, au producteur, à l’éditeur, de se transformer en mendiant parce que le ministère de la culture n’a jamais organisé l’environnement juridique et économique lui permettant d’être autonome et a au contraire consacré l’argent public à désorganiser les secteurs culturels, à lui faire une concurrence exacerbée, afin de rendre indispensable l’intervention d’une administration de la culture et de justifier sa croissance.

L’Etat reconnaît le cadre juridique européen, il lui reste à admettre la réalité française. ?

Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris

(1) Circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations : conventions d’objectifs et simplification des démarches relatives aux procédures d’agrément JORF du 20 janvier 2010 page 1138.

(2) Cette nullité ne peut être prononcée que par le ministère public. Mais il suffirait que l’Etat exerce un contrôle minimum sur les dossiers de dépôt et, sans refuser le récépissé qui est de droit, transmette au ministère public celles des associations qui lui semblent ne pas correspondre aux exigences de la loi. En général, cela est flagrant. Une association qui ne correspond pas à un vrai contrat d’association dépose neuf fois sur dix des statuts que personne n’a jamais lus et qui démontrent l’inexistence du contrat d’association. Une association dont l’objet social indique une activité par nature commerciale ou publique, ne devrait pouvoir davantage exister sous ce statut.



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