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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Diffusion de phonogrammes dans les lieux publics : des barèmes de rémunérations qui autorisent à ne rien payer !

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.

Cet article a été publié au numéro 195 du mois de Janvier 2010.


Les modalités de rémunération des artistes interprètes et producteurs de phonogrammes pour certaines utilisations de leurs phonogrammes viennent d’être modifiées par une décision du 5 janvier 2010 (1). Il est cependant possible d’émettre des doutes sérieux quant à la légalité de l’une des dispositions contenue dans cette décision.

Les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes ne peuvent interdire certaines utilisations de leurs interprétations et des phonogrammes sur lesquelles elles ont été fixées lorsque le phonogramme a été publié à des fins de commerce. Cela concerne notamment la diffusion directe dans un lieu public (café, restaurant, magasins...), dès lors qu’elle n’est pas utilisée dans un spectacle (2). En contrepartie, artistes et producteurs de phonogrammes bénéficient d’une rémunération dénommée "rémunération équitable" qui doit être payée par les personnes qui utilisent ces phonogrammes.

L’article L.214-5 du CPI confie la perception de la rémunération auprès des utilisateurs et sa distribution au profit des artistes interprètes et producteurs de phonogrammes à un ou plusieurs organismes, appelés communément sociétés de gestion collective.

A défaut d’accord collectif spécifique à chaque branche d’activité utilisatrice des phonogrammes, et fixant le barème de rémunération et ses modalités de versement, l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit qu’une commission présidée par un représentant de l’État arrête des barèmes de rémunération et les modalité de leur versement. Cette commission est composée à part égale d’une part de personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, et d’autre part de membres désignés par les organisations représentant les personnes qui, dans la branche d’activité concernée, utilisent les phonogrammes.

Ladite commission vient de rendre une décision en date du 5 janvier 2010, qui modifie le régime institué par la précédente décision rendue par la commission le 9 septembre 1987 (3).

Le nouveau barème

La décision du 5 janvier 2010 a établi un barème de rémunération beaucoup plus précis que le précédent, en fonction du type d’établissement dans lequel la musique est diffusée, notamment :

- pour les cafés et restaurants qui diffusent une musique de sonorisation, constituant une composante accessoire à l’activité commerciale, la rémunération sera déterminée comme suit : « 4,65 × nombre de places assises × prix du café toutes taxes comprises », avec un nombre de places assises forfaitisé au nombre de 15 lorsque l’établissement ne compte qu’une seule source de diffusion sonore (exemple un seul poste radio) (4). Le montant minimum de la rémunération ne peut être inférieur à 90 € HT par établissement et par an.

- Pour les établissements de coiffure, la rémunération sera, quant à elle déterminée en fonction du nombre d’employés dans le salon (5).
Cette décision prévoit d’autres dispositions spécifiques :

- pour les établissements exerçant une activité de bars et/ou de restaurants à ambiance musicale ;

- pour les établissements relevant du commerce de détail, exploitations traditionnelles ou « libre-service »

- pour les établissements relevant de la grande distribution généraliste ou spécialisée

- pour tous les autres établissements, espaces et lieux sonorisés.

La perception de la rémunération équitable


L’article 7 de cette décision, qui figurait déjà dans la rédaction de la décision du 9 septembre 1987 énonce que :

« A défaut de dispositions spécifiques, les modalités et les délais de versement de la rémunération équitable sont ceux résultant des conventions et usages en matière de droit d’auteur.
Les redevables sont tenus de fournir tout justificatif des éléments nécessaires au calcul de la rémunération aux bénéficiaires représentés par la société pour la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) ou par une société, mandatée par elle. Le relevé des programmes diffusés, ou à défaut la source du programme diffusé, est également transmis aux mêmes sociétés ; il doit permettre l’identification des bénéficiaires de la rémunération dans des formes et délais analogues à ceux établis dans le domaine du droit d’auteur, sous réserve d’accords particuliers.
»

La gestion d’une licence légale, confiée à une société de droit privée

La SPRE est une société de droit privé, et non un organisme public.

La commission de la rémunération équitable confie donc à une société civile de droit privé la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité, puisque la perception de la rémunération équitable est la conséquence d’une licence légale créée par le code de la propriété intellectuelle.

La décision n’encadre par la rémunération de la SPRE

La rémunération du service de perception de la rémunération équitable est intégralement financée par un prélèvement sur les résultats de l’exploitation du service, prélèvement ne faisant d’ailleurs l’objet d’aucune limite et vis-à-vis duquel la décision de la commission ne comporte aucune indication, puisqu’elle n’aborde à aucun moment la question de la rémunération du prestataire chargé de la perception et de la répartition.

La gestion de la rémunération équitable constitue une délégation de service public

Il nous semble que cette mission constitue une délégation de service public, qu’elle aurait dû être déterminée par un contrat précisant les modalité de rémunération de la société titulaire de la délégation, et après publicité et mise en concurrence, conformément aux dispositions de l’article 38 de la loi du 29 janvier 1993, dite Loi Sapin.

Pour désigner la SPRE comme unique destinataire des documents permettant d’établir la rémunération, et lui confier le soin de percevoir les rémunérations qu’elle a déterminée, sans même indiquer le montant de la commission qu’elle est autorisée à prélever au titre de ses frais de gestion, et sous réserve qu'un texte lui ait confié cette compétence, ce qui n'est pas avéré, la commission de l’article L 214-4 du code de la propriété intellectuelle aurait dû respecter les obligations relatives à la publicité et à la mise en concurrence des délégations de service public.

La commission aurait dû permettre la mise en concurrence de plusieurs sociétés de gestion collective, y compris les sociétés ayant leur siège social dans d’autres pays de l’Union Européenne ayant conclu des accords de réciprocité avec la France.

En effet, le code dela propriété intellectuelle, qui a valeur de loi donne compétence à la commission pour définir les modalités de versement de la rémunération, il ne contient aucune disposition permettant à la commission de désigner la société chargée de récupérer la rémunération et de la répartir, et surtout de déroger aux régles des marchés et délégations de service public. Cela explique d'ailleurs que la commission n'ait pas encadré le niveau de prélèvement destiné à rémunérer la gestion du prélèvement et sa répartition, puisqu'elle n'en avait pas compétence.

Une décision sans force contraignante

Il nous semble que le monopole institué par cette décision au profit de la SPRE manque donc de base légale, puisque d’autres sociétés de gestion collective ayant pour objet de gérer la rémunération des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes pourraient être destinataires des documents nécessaires à l’établissement de la redevance et à sa répartition.

La décision de la commission nous semble en conséquence constitutive de l'élément matériel du délit d’octroi d’avantage injustifié, prévu et réprimé par l’article L432-14 du code pénal qui sanctionne le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (la commission de l’article L214-4 du CPI), ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.

Les utilisateurs des phonogrammes dans les lieux publics peuvent donc refuser de se rendre complice d'un tel délit d'octroi d’avantage injustifié et de recel d’octroi d’avantage injustifié et sont ainsi fondés à refuser de répondre aux sollicitations de la SPRE.

Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris

(1) Décision du 5 janvier 2010 de la commission prévue à l’article L214-4 du code de la propriété intellectuelle ; JORF du 23 janvier 2010 page 1546.
(2) Article L 214-1 du code de la propriété intellectuelle.
(3) Décision du 9 septembre 1987 de la commission créée par l’article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 modifiée relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, JORF du 13 décembre 1987, page 14512.
(4) Article 1 de la décision du 5 janvier 2010.
(5) Article 5 de la décision du 5 janvier 2010.



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