Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.
Cet article a été publié au numéro
194 du mois de Décembre 2009 dans la rubrique des réponse des ministres au questions des parlementaires. Chaque mois cette rubrique sélectionne les réponses intéressant les secteurs de la création artistique que Roland LIENHARDT complète de quelques commentaires.
Question. - M. Maurice Leroy attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur le taux de TVA applicable aux contrats de cession des spectacles produits par les festivals. Alors que le b bis de l’article 279 du code général des impôts indique très clairement que les sommes provenant des contrats de cession de spectacles chorégraphiques folkloriques bénéficient du taux réduit de TVA à 5,5 % et que l’instruction fiscale 3C-7-95 du 21 décembre 1995 précise que les frais annexes aux contrats de cession sont indissociables et bénéficient aussi du taux réduit, certaines associations organisatrices de festivals lui ont indiqué que la direction des services fiscaux de leurs départements refusaient d’appliquer ce taux réduit de TVA. Alors que certaines directions départementales des services fiscaux valident l’utilisation du taux réduit de TVA, les refus signifiés par d’autres sont compris comme des mesures discriminatoires et injustes. De plus, il est important de préciser que la généralisation du taux normal de TVA mettrait en péril de nombreuses manifestations, portant ainsi un grave coup à des programmes culturels de qualité, prisés et très populaires avec des répercussions certaines sur l’emploi dans les associations organisatrices. Aussi, il aimerait connaître les mesures que le Gouvernement compte mettre en oeuvre auprès des directions départementales des services fiscaux pour garantir l’application du taux réduit de TVA aux contrats de cession des spectacles produits par les festivals conformément à la législation en vigueur et ainsi assurer la pérennité de ces programmations ainsi qu’une légitime égalité de traitement sur l’ensemble du territoire national.
Réponse. - (1) L’article 279 b bis du code général des impôts (CGI) soumet au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les concerts et les spectacles de variétés, à l’exception de ceux qui sont donnés dans des établissements dans lesquels il est possible de consommer pendant les séances. Aux termes de la doctrine administrative (DB 3 C 224 n° 26), le taux normal de la TVA s’applique aux services consistant dans la fourniture de spectacles, c’est-à-dire lorsqu’une entreprise ou un producteur vend un spectacle moyennant un forfait à un organisateur ou un exploitant de salles. En revanche, le taux réduit s’applique lorsque le producteur d’un des spectacles énumérés à l’article 279 b bis précité cède ou concède le droit d’exploitation de ce spectacle à un tiers. Par ailleurs, la doctrine administrative (DB 3C 24 n° s27 et s.) précise que les directeurs de tournées, quels que soient les termes des contrats qui les lient aux exploitants de salles, sont considérés comme entrepreneurs de spectacles et imposés selon le taux et le régime propres au spectacle concerné, dès lors qu’ils assument la responsabilité du choix du spectacle, du metteur en scène, des acteurs et qu’ils supportent la totalité des frais de rémunération, de décors, de déplacement. Par conséquent, les contrats de cession de spectacles présentés par un festival peuvent bénéficier du taux réduit dès lors que le cédant est producteur ou directeur de tournées et qu’il s’agit de spectacles éligibles à ce taux au regard notamment des éléments contractuels, les conditions d’application du taux réduit s’appréciant au cas par cas. Cela étant, Il n’est pas contestable que ces règles, marquées par les spécificités de l’organisation du monde du spectacle, posent des difficultés de mise en oeuvre compte tenu, notamment, de l’imprécision de certains contrats. Un réexamen au fond sera prochainement engagé en liaison avec le ministère de la culture.
Commentaire. – Il est en premier lieu étonnant que des parlementaires posent des questions en se fondant sur un article du code général des impôts qu’ils n’ont pas été regarder. En effet, l’article 279 du CGI n’a jamais indiqué que les sommes provenant des contrats de cession de spectacles bénéficiaient du taux réduit. L’article 279 du code général des impôts énonce que :
« la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne :
b bis. Les spectacles suivants :
. théâtres, théâtres de chansonniers, cirques,
. concerts, à l’exception de ceux qui sont donnés dans des établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances. Toutefois, si les consommations sont servies facultativement pendant le spectacle et à la condition que l’exploitant soit titulaire de la licence d’entrepreneur de spectacle de la catégorie mentionnée au 1° de l’article D. 7122-1 du code du travail, le taux réduit s’applique au prix du billet donnant exclusivement accès au concert ;
. spectacles de variétés, à l’exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances ;
. foires, salons, expositions autorisés ;
. jeux et manèges forains à l’exception des appareils automatiques autres que ceux qui sont assimilés à des loteries foraines en application de l’article 7 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ;
b ter. les droits d’entrée pour la visite des parcs zoologiques et botaniques, des musées, monuments, grottes et sites ainsi que des expositions culturelles ;
b nonies. les droits d’entrée perçus pour la visite des parcs à décors animés qui illustrent un thème culturel et pour la pratique des activités directement liées à ce thème.
Les attractions, manèges, spectacles, loteries, jeux et divertissements sportifs présentés à titre accessoire dans ces parcs demeurent soumis au taux qui leur est propre. Il en est de même des recettes procurées par la vente d’articles divers et des ventes à consommer sur place.
Lorsqu’un prix forfaitaire et global donne l’accès à l’ensemble des manifestations organisées, l’exploitant doit faire apparaître dans sa comptabilité une ventilation des recettes correspondant à chaque taux. La détermination de l’assiette de l’impôt s’effectue sur une base réelle ;
g. Les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des oeuvres de l’esprit et aux artistes-interprètes ainsi que de tous droits portant sur les oeuvres cinématographiques et sur les livres.
Cette disposition n’est pas applicable aux cessions de droits portant sur des oeuvres d’architecture et des logiciels; »
Ce texte fort clair indique donc que les spectacles sont soumis à la TVA au taux réduit. L’administration fiscale a cependant introduit une distinction pour les services consistants en la fourniture ou la vente de spectacles moyennant un forfait à un organisateur ou à un exploitant de salle, qui seraient exclus de cette disposition et resteraient donc soumis à la TVA au taux normal. Seuls seraient concernés par le taux réduit la cession de droits d’exploitation d’un spectacle à un tiers, même si sa rémunération est indépendante des gains ou pertes réalisés par l’organisateur.
L’administration semble appliquer aux spectacles qui relèvent de l’article 279 b bis les dispositions relatives aux cessions de droits d’auteur et de droits voisins qui relèvent des dispositions de l’article 279 g.
Or, le producteur de spectacle ne cédera le plus souvent aucun droit d’auteur, puisque le droit de représentation de l’oeuvre est directement négocié par l’organisateur du spectacle avec la SACEM ou la SACD (le délégué local SACEM représente également la SACD) et que le producteur ne cède aucun droit voisin des artistes interprètes puisque par nature, le spectacle vivant ne donne pas prise aux droits voisins, qui n’existent qu’à partir du moment où il y a fixation des interprétations en permettant une exploitation secondaire.
De plus en application de l’article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), alinéa 3, les auteurs devant exercer leurs droits d’un commun accord, la société d’auteur qui concède le droit d’utilisation du spectacle ne peut en principe le faire qu’en représentation de tous les droits des coauteurs du spectacle.
Éventuellement, le producteur pourrait concéder l’exploitation du nom du spectacle. Cependant, cette cession n’est en pratique d’aucune utilité, puisque la cession du spectacle implique pour l’organisateur le droit d’utiliser les éléments d’identification du spectacle pour en assurer la promotion. De plus, si le titre du spectacle est déposé à titre de marque, ce droit est expressément prévu à l’article L.713-4 du CPI.
On ne voit donc pas quel type de droit le producteur du spectacle concède à l’organisateur de spectacles.
L’administration fonde cette distinction sur une décision du conseil d’État du 6 mai 1985 (2). Or, cet arrêt décide d’appliquer le taux réduit après avoir constaté que le spectacle concerné, spectacle de théâtre, relevait bien de l’une des catégories prévues à l’article L.279 du code général des impôts. Le conseil d’État a même précisé qu’il n’était pas nécessaire de s’attacher aux conditions d’exercice de l’activité en recherchant si le producteur de spectacles intervenait ou non en qualité d’entrepreneur de spectacles indépendant.
La distinction opérée entre le producteur qui vendrait un spectacle au forfait et celui qui concéderait le droit d’exploitation d’un spectacle est totalement fumeuse. Il n’est pas étonnant que certains contrats soient imprécis, puisque la notion de cession de droits d’exploitation d’un spectacle ne correspond à rien de sérieux.
En premier lieu, les producteurs de spectacles ne sont pas titulaires de droits voisins. On voit donc mal quels droits d’exploitation un producteur peut bien concéder.
En second lieu, si les auteurs du spectacle sont adhérents à des sociétés d’auteur, ce qui sera le cas des spectacles professionnels, l’organisateur d’un spectacle qui achète un spectacle contracte, en plus du contrat avec le producteur ou le tourneur, un contrat avec la SACEM ou la SACD par lequel la société d’auteur l’autorise à présenter les oeuvres dans sa salle. Ce contrat ne concerne pas le producteur de spectacles qui n’y est en principe pas partie.
Le producteur de spectacles qui vend son spectacle à un organisateur ou à un lieu est un sous traitant qui réalise une prestation de service. Il ne concède aucun droit d’aucune sorte à l’organisateur.
La distinction opérée par la doctrine administrative n’a donc aucun sens, ni aucun fondement juridique et il est normal que les producteurs qui intitulent leur contrats « cession de droit de représentation de spectacle » au lieu de parler plus simplement de « contrat de vente de spectacle », afin de ne pas se compliquer la vie, aient du mal à justifier quelles cessions de droits ces contrat pourraient bien organiser.
Si ce taux réduit était limité à la billetterie de spectacle, le texte l’aurait précisé. D’ailleurs, l’article 281 quater du CGI qui organise le taux super réduit de TVA (2,1% ou 0,8%) précise que ce taux s’applique aux recettes procurées par certaines représentations théâtrales, alors que l’article 279 s’applique aux spectacles.
Il serait donc temps que l’administration fiscale cesse de compliquer inutilement les choses. Le taux réduit concerne le spectacle et l’article L.110-1 du code de commerce indique que toute entreprise de fourniture de spectacles publics est par nature commerciale. Un commerçant gagne sa vie en vendant des biens ou des prestations de service. On voit donc mal sur quel fondement le producteur du spectacle qui pratique son métier en vendant son spectacle devrait continuer à cacher sa vente et sur quoi repose la limitation imaginée par les services fiscaux qui distinguent là où la loi ne distingue pas.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1) QEAN 8 décembre 2009, p. 11736, n° 52635
(2) n° 29362. Nous reproduisons le principal attendu de cet arrêt : « Considérant, que le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s’applique, en vertu des dispositions de l’article 279 du code, a certains spectacles et notamment au théâtre ; qu’il n’est pas contesté que les oeuvres produites par m. Y... Pendant la période litigieuse dans la salle municipale des fêtes de Gennevilliers ont le caractère d’oeuvres de théâtre ; que, par suite, et sans qu’il y ait lieu de rechercher si l’intéressé agissait ou non comme entrepreneur de spectacles indépendant, c’est a tort qu’il a été assujetti au taux intermédiaire (3) de la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant des marches conclus annuellement avec la ville de Gennevilliers pendant la période concernée en vue de la production des oeuvres de théâtre dont s’agit ; qu’il est, ainsi, fondé à demander a bénéficier du taux réduit de la taxe prévu par les dispositions de l’article 279 du code ; »
(3) Il existait une taux majoré qui a atteint jusqu'à 33% et concernait les produits de luxe. L’actuel taux normal correspond à l’ancien taux intermédiaire.
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