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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Nature des redevances payées aux artistes interprètes

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.

Cet article a été publié au numéro 191 du mois de Septembre 2009


Alors que le droit des artistes interprètes va sortir du champ prud’homal pour relever des chambres civiles (1), la chambre sociale de la cour de cassation continue de construire la jurisprudence relative au droit des artistes. L’arrêt rendu le 1er juillet 2009 aborde des questions qui n’avaient pas encore été traitées jusque là, notamment quant à la prise en compte des redevances d’artistes dans les rémunérations dues en cas de rupture fautive d’un contrat à durée déterminée (2).

Cependant, la cour de cassation ne juge pas les faits, et son intervention est limitée par le cadre juridique adopté par la cour d’appel, déterminé par les arguments de fait et de droit invoqués par les parties.  Ainsi, si la solution qu’elle a apporté dans cet arrêt nous semble logique au regard de la manière dont la question lui était posée, il nous semble que ce contentieux aurait pu recevoir une solution tout autre si l’artiste avait choisi un axe de défense différent.

La cassation de cet arrêt n’est cependant pas pour rassurer le justiciable tant la motivation de la cour de cassation est éloignée de celle de la cour d’appel. En cette matière, le justiciable a sans doute plus l’impression de jouer à la loterie que de faire valoir ses droits.

Dans cette affaire la société EMI avait licencié pour faute grave un artiste engagé sur un contrat à durée déterminée. Elle lui avait reproché des injures proférées à l’encontre du dirigeant de l’entreprise. Le débat a en premier lieu porté sur l’existence ou non d’une faute grave. La cour d’appel ayant nié cette qualification, le débat a ensuite porté sur le mode de calcul des dommages intérêts auxquels l’artiste a droit dans un tel cas.

La faute grave doit s’apprécier in concreto

Dans cette affaire, c’est l’employeur qui avait pris l’initiative de la rupture, et l’artiste, plutôt que de demander la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée et le paiement d’arriérés de salaire afférents à cette requalification, a préféré rester dans le cadre d’un contrat à durée déterminée et solliciter les dommages intérêts que la loi octroie au salarié dont le contrat a été rompu illégalement (3).

En effet, à la différence du contrat à durée indéterminée qui peut être rompu sur le fondement d’une cause réelle et sérieuse, la rupture d’un contrat à durée déterminée avant son terme n’est en principe possible qu’en cas de faute grave ou de force majeure (4).

La faute grave n’est cependant pas définie par les textes. C’est la faute qui autorise l’employeur à mettre fin au contrat sans indemnité autre que les congés payés restant dus. Ce sont les tribunaux qui ont défini cette notion. La faute grave rend impossible la poursuite du contrat de travail. L’employeur qui prend le risque d’invoquer une faute grave doit donc être en mesure de rapporter la preuve qu’il était dans l’impossibilité de poursuivre le contrat de son salarié.

L’article L.1332-4 du code du travail énonce par ailleurs qu’il n’est pas possible de sanctionner un salarié plus de deux mois après que l’employeur ait eu connaissance des faits invoqués comme constitutifs de la faute grave.

Or, dans ce dossier, la société EMI avait licencié l’artiste le dernier jour du délai de deux mois.

La cour d’appel avait en premier lieu considéré que le fait que l’employeur ait attendu le dernier jour du délai de prescription pour mettre fin au contrat sur la base d’une faute grave suffisait à démontrer qu’il ne pouvait y avoir de faute grave. La cour d’appel avait d’ailleurs relevé que cette faute grave n’avait été alléguée qu’en l’absence de proposition permettant aux deux parties de mettre fin, de manière négociée à leur engagement contractuel réciproque. Si l’employeur avait attendu deux mois avant de prendre sa décision, c’est qu’il n’y avait pas d’urgence à se séparer du salarié, ni impossibilité de continuer le contrat.

La prise en compte des redevances dans la rémunération

Pour condamner la société Emi Music France au paiement de la somme de 949 663 € à titre de solde de dommages-intérêts pour rupture abusive en application de l’article L.122-3-8 du code du travail, après déduction d’une avance sur redevances d’un montant de 76 225 €, la cour d’appel a retenu que s’agissant de l’« assiette » sur laquelle elle doit s’appuyer pour le calcul des dommages et intérêts, étant donné d’une part le montant dérisoire des cachets, et d’autre part, la formulation même de l’article L.122-3-8, 3°, qui fait référence non pas au « salaire » mais au terme plus large de «rémunération», il convient, pour le calcul des dommages intérêts à allouer à M. X... du fait de la rupture du contrat à durée déterminée, de prendre en considération, de manière pondérée, tout à la fois les cachets mais aussi les redevances qu’il aurait pu escompter toucher jusqu’à la fin de ce contrat ; qu’en effet, même si le montant de ces redevances est mécaniquement lié au nombre d’exemplaires de disques vendus, ces redevances n’en constituent pas moins la forme essentielle, étant donné le très faible montant des cachets, de la rémunération de l’artiste, c’est à dire la contrepartie due pour le travail accompli pour la production de l’œuvre, peu important le fait que, du point de vue notamment des cotisations sociales, ces redevances ne soient pas assimilées à des salaires ;

C’est cet argumentation que la cour de cassation a sanctionné en énonçant qu’ « Attendu, cependant, que les redevances versées à l’artiste-interprète, qui sont fonction du seul produit de l’exploitation de l’enregistrement et ne sont pas considérées comme des salaires, rémunèrent les droits voisins qu’il a cédés au producteur et continuent à lui être versées après la rupture du contrat d’enregistrement ;

Qu’en statuant comme elle a fait, alors que les redevances et les avances sur redevances ne pouvaient être prises en considération dans l’évaluation du montant des rémunérations qu’aurait perçues M. X... jusqu’au terme du contrat de travail à durée déterminée, montant représentant le minimum des dommages-intérêts dûs en application de l’article L. 122-3-8, alinéa 3, devenu L. 1243-4 du code du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés; »

Ce qui est dommage dans cet arrêt c’est que, contrairement à ce qu’a indiqué la cour d’appel, les redevances payées aux artistes du disque sont toujours analysées au moins en partie comme ayant la nature de salaire, et doivent en théorie être soumises aux même charges sociales que les salaires, à l’exclusion des congés payés qui ne sont dus qu’en cas de travail effectif.

En effet, l’article L.7121-8 du code du travail ne s’applique qu’à la fraction de la rémunération versée en application du contrat qui excède les bases fixées par la convention collective ou l’accord spécifique. Les parties ont totalement omis d’invoquer les dispositions du code de la propriété intellectuelle qui auraient permis d’écarter expressément cette disposition en l’espèce.

En effet, l’article L.212-3 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l’autorisation de l’artiste interprète pour la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L.7121-3 et L.7121-8 du Code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L.212-6 du présent code ».

L’article L.7121-8 du Code du travail énonce que : « N’est pas considérée comme salaire la rémunération de l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter ledit enregistrement et que cette rémunération n’est en rien fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais au contraire fonction du produit de la vente ou de l’exploitation dudit enregistrement. »

En application de cet article, une partie de la rémunération secondaire des artistes interprètes peut effectivement ne pas avoir la qualification de salaire. L’article L.212-6 du code de la propriété intellectuelle énonce cependant que :

« Les dispositions de l’article L.7121-8 du code du travail ne s’appliquent qu’à la fraction de la rémunération versée en application du contrat excédant les bases fixées par la convention collective ou l’accord spécifique. »

Cette disposition date de la codification de 1992. Avant, cette mesure issue de la loi de 1985 ne s’appliquait qu’à l’audiovisuel. Les codes édités par les éditions DALLOZ et LITEC avaient cependant maintenu sous ces articles les commentaires de l’ancienne loi de 1985 dans le cadre de laquelle ces dispositions ne s’appliquaient qu’à l’audiovisuel. Ce n’est que fort récemment, que les codes du commerce ont supprimé ces réserves dans leurs publications. C’est la raison pour laquelle il existe fort peu de  jurisprudence.

Pour la période courant de 1992 à mars 2009, date de l’extension de la convention collective de l’édition phonographique, étant donné qu’il n’existait aucun accord collectif organisant des bases de rémunération minimum pour les artistes interprètes, les rémunérations secondaires basées sur les ventes de disques avaient en principe exclusivement la nature de salaire.

Cet arrêt de la cour de cassation qui aborde la distinction entre rémunération ayant la nature de salaire et celle ayant la nature de redevance, non soumise aux charges sociales (4), parce qu’elle fait abstraction totale des dispositions du Code de la propriété intellectuelle qui ne peuvent en être dissociées, ne peut en conséquence sérieusement trancher de façon durable la question de la prise en compte ou non des redevances dans le calcul de l’indemnité due au titre de la rupture du contrat de travail à durée déterminée.

Roland LIENHARDT
Avocat à la Cour

(1) La loi du 4 août 2008 a modifié l’article L.331-1 du code de la propriété intellectuelle, donnant compétence exclusive aux tribunaux de grande instance pour connaître de toute contestations impliquant l’examen des dispositions du Livre Ier du code de la propriété intellectuelle.
(2) Cass. Soc. 1, Juillet 2009, n° 07-45681.
(3) Les dispositions relatives à l’encadrement des contrats à durée déterminée étant prises dans l’intérêt des salariés, ce dernier est seul recevable à solliciter la requalification en contrat à durée indéterminée de son contrat de travail.
(4) Le salarié peut cependant toujours rompre son contrat d’artiste à durée déterminée s’il justifie d’une embauche sur un contrat à durée indéterminée. Il doit alors respecter un préavis maximum de rupture de deux semaines (article L.1243-2 du code du travail). Dans un tel cas, l’employeur ne peut prétendre à aucune indemnisation.



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