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Cet article a été publié au numéro
190 du mois de Juillet 2009
Le régime Assedic des intermittents spectacles ne saurait justifier le paiement sur la base d’un temps partiel d’un salarié du spectacle dont le contrat de travail a été requalifié en contrat à durée indéterminée. C’est ce que vient de rappeler la cour de cassation dans un arrêt en date du 1er juillet 2009 (1).
Dans cette affaire, un salarié avait été embauché comme responsable de salle par l’Opéra de Massy. Il avait la charge de la gestion des ouvreuses et des contrôleurs de salle, outre l’approvisionnement et la gestion du bar. Son employeur émettait un contrat de travail chaque fin de mois, lequel reprenait les dates effectivement travaillées. Ces dates différaient sensiblement des plannings prévisionnels qui lui étaient communiqués chaque semaine. Le salarié considérait qu’il devait en conséquence se tenir à disposition permanente de son employeur et travaillait chaque fois que l’entreprise avait besoin de lui. Cela l’amenait parfois à travailler plus que la durée légale du travail.
Confirmant la décision du conseil de prud’hommes de Longjumeau, la cour d’appel de Paris avait procédé à la requalification de la relation en contrat de travail à durée indéterminée (2), elle avait par contre refusé la requalification à temps plein sur le fondement de la motivation suivante :
« considérant que la présente affaire s’inscrit dans le « monde du spectacle» ; qu’il n’est pas contestable que le salarié a subi des modifications de son planning, les artistes produits par l’Opéra ayant, comme mentionné sur ce document, des exigences quant aux conditions de leurs répétitions, dont l’Opéra n’a pas la maîtrise et qui ne sont portées à sa connaissance que peu avant la représentation ;
Considérant cependant que la particularité des fonctions des intermittents du spectacle est prise en compte au niveau de leurs prestations chômage, celles-ci pouvant compléter les sommes perçues en exécution d’un contrat à temps partiel manifestement pour prendre en compte ce type de situation ;
Que le refus invoqué par le salarié d’en avoir sollicité le bénéfice ne saurait l’autoriser à réclamer de son employeur le paiement, sur toute la saison, de la rémunération afférente à un travail à temps complet, alors encore qu’une mise à disposition sous forme d’astreinte ne saurait être indemnisé comme travail effectif ;»
Dans cette affaire, le salarié travaillait exclusivement pour l’Opéra. Ne se considérant pas comme demandeur d’emploi, il ne s’était pas inscrit aux Assedic et n’avait jamais utilisé les attestations d’emploi que lui délivrait chaque mois son employeur concomitamment avec sa fiche de paie.
La cour utilise le terme d’astreinte pour indiquer que le salarié était à la disposition permanente de l’employeur puisque les horaires n’étaient pas définis à l’avance.
La cour d’appel avait sanctionné le comportement du salarié qui avait refusé de se déclarer aux Assedic pour ces périodes d’astreintes, malgré les attestations que lui fournissait à cet effet son employeur. Elle reprochait donc au salarié de ne pas avoir escroqué les Assedic en se déclarant au chômage alors même qu’elle reconnaissait qu’il n’était pas demandeur d’emploi, puisque sous astreinte ! Sa situation telle que traitée par l’Opéra de Massy lui aurait effectivement permis de percevoir un complément de rémunération au titre des allocations de recherche d’emploi en sus de ce que versait chaque mois l’opéra, et alors même que le salarié n’était pas en situation de recherche d’emploi.
Cette décision de la cour d’appel de Paris est cassée par la cour de cassation qui a considéré que : « en se déterminant par des motifs inopérant, sans rechercher si le salarié était ou non placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et s’il avait ou non à se tenir constamment à la disposition de l’employeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.»
En effet, l’article L.3123-14 du code du travail énonce que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit et qu’il doit mentionner :
1°. La durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, à moins qu’il existe un accord collectif de travail qui organise la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année (3).
2°. Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités dans lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillées sont communiqués au salarié ;
4°. Les limites dans lesquelles des heures complémentaires peuvent être accomplies.
En l’absence d’écrit, il appartient à l’employeur de prouver que le salarié connaissait dès la conclusion du contrat initial, la répartition de son temps de travail. En effet, en cas de requalification d’une relation de travail en temps plein, seul le premier contrat est pris en compte et c’est au regard de ce contrat et à sa date de conclusion que le juge examine si les condition du temps partiel sont réunies (4).
Elle a ainsi condamné l’employeur d’un réalisateur à cinq années d’arriérés de salaire. Dans cette décision, la Cour de Cassation a précisé que le fait que la salariée ait éventuellement pu relever des Assedic durant les périodes où elle ne travaillait pas ne suffisait pas à établir l’existence d’un contrat à temps partiel.
Dans un arrêt en date du 3 mars 2004, (n°01-46.619), la cour de cassation a énoncé que : « attendu que la cour d’appel a constaté que la salariée n’ayant connaissance de ses horaires de travail qu’au fur et à mesure qu’elle les effectuait, devait se tenir à la disposition de son employeur dans les intervalles, qu’aucun élément n’établissait qu’elle exerçait des fonctions salariées pour le compte d’autres employeurs et que les attestations Assedic qui lui étaient remises étaient insuffisantes à démontrer qu’elle travaillait à temps partiel ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ».
La cour de cassation a très récemment réaffirmé : « que l’absence d’écrit mentionnant la durée exacte du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ».
Sur le fondement de ce principe, elle a cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui avait refusé de constater l’existence d’un contrat de travail à temps plein au seul prétexte que la salariée avait pu travailler régulièrement pour un autre employeur et ne s’était pas tenue à la disposition permanente de l’employeur.
Cette condition ne suffisait pas : il fallait que l’employeur justifie de « la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue » (5).
Ainsi, il ne suffit pas de relever que les périodes de travail étaient circonscrites et que le salarié avait travaillé pour des temps clairement identifiés au cours de périodes définies (6).
Cette jurisprudence est parfaitement logique. Un salarié peut être à la disposition permanente de son employeur pour un temps au moins égal à un travail à temps plein et travailler, pour le surplus, pour un autre employeur.
Il s’agit d’imposer à l’employeur de délimiter précisément le temps de travail de son salarié à temps partiel afin de s’assurer que le salarié ait effectivement la maîtrise du temps non rémunéré. En aucun cas la seule circonstance que le salarié ait pu être assez habile pour occuper deux emplois malgré l’absence de répartition précise de son temps de travail ne peut dédouaner l’employeur.
Le recours au CDD d’usage est souvent inadapté
Dans la pratique, les employeurs ont recours au contrat à durée déterminée d’usage pour structurer des relations qui devraient l’être pas le biais d’un contrat de travail intermittent. En effet, en cas de recours à des CDD successifs, il est nécessaire de justifier de l’objet particulier de chaque CDD et du fait qu’il ne s’agit pas d’une fonction liée à l’activité permanente de l’entreprise.
Dans le secteur du spectacle vivant et du disque, le code du travail vient d’être modifié. Le nouvel article D.3123-4 reconnaît que dans le secteur du spectacle vivant et enregistré, la nature de l’activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes (7). Les conventions collectives peuvent donc organiser le contrat de travail intermittent. Pour l’instant la convention collective des entreprises artistiques et culturelle ne l’a organisé que pour des emplois techniques, ce qui est totalement insuffisant.
Il serait nécessaire que cet article soit modifié afin de l’étendre à l’ensemble des secteurs du spectacle, intégrant la communication audiovisuelle, et ne soit pas limité au spectacle vivant.
Roland LIENHARDT
Avocat à la Cour
(1) Cass. Soc. 1er juillet 2009, n° 07-43.525.
(2) CA PARIS 22ème Chambre C, 24 mai 2007, n° 05/0812, commenté dans La Lettre de Nodula de juin 2007, p. 1469.
(3) Accord qui doit être conclu dans les conditions de l’article L. 3122-2 du code du travail.
(4) CA Paris, 27 septembre 2002, RG S 00/38482, validé par Cass. Soc. 3 mars 2004. RG : 01-46.619.
(5) Cass. Soc. 20 mai 2008 n° 06-45.989, Cass. Soc 9 avril 2008 ; n° 06-41.596.
(6) Cass. Soc. 23 mai 2007, n° 06-41.408.
(7) Voir La Lettre de Nodula, avril 2009, p. 1786.
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