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mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.
Cet article a été publié au numéro
188 du mois de Mai 2009 dans la rubrique "les réponses des ministres aux questions des parlementaires". Chaque mois nous sélectionnons quelques questions, leurs réponses et y joignons éventuellement un commentaire.
Question.- Mme Conchita Lacuey appelle l’attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la situation des structures, souvent associatives, qui s’occupent de sensibilisation et de formation artistique des mineurs. En effet, la réglementation actuelle impose que, lors d’une manifestation à entrées payantes, tout enfant présent sur la scène perçoive un cachet artistique sur la base du SMIC horaire. Ces dispositions permettent de protéger les mineurs employés dans le spectacle vivant. Si leur bien fondé apparaît clairement dans le milieu de la publicité, du cinéma ou du mannequinat, ou dans le milieu musical pour un nombre très restreint de groupes, il n’en est pas de même pour la plupart des structures, souvent associatives, qui s’occupent de sensibilisation et de formation artistique des mineurs. Les manifestations à caractère très ponctuel, telles qu’un gala de danse payant donné en conclusion d’un travail annuel de jeunes amateurs, ou un concert payant auquel participent des stagiaires en fin de formation, relèvent de cette législation. Or l’organisation et l’encadrement professionnel des ces manifestations entraînent des frais qui ne permettent pas la gratuité. A terme, ces manifestations risquent de disparaître entraînant les organisateurs, souvent bénévoles, à renoncer à organiser la formation et la sensibilisation des jeunes mineurs. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir examiner les ajustements règlementaires possibles afin que puissent se produire de tels spectacles dans un cadre pédagogique reconnu tout en permettant aux structures concernées d’en assurer le financement.
Réponse (1). – Le caractère lucratif d’un spectacle n’est pas uniquement établi par la présence d’une billetterie. Il est apprécié, au sens du code du travail, en fonction de plusieurs critères, la fréquence et l’importance des manifestations, le recours à la publicité, l’usage de matériel professionnel. Ainsi les jeunes amateurs qui exposent leur pratique artistique lors d’un spectacle de fin d’année, dans un cadre non lucratif, ne relèvent pas du code du travail. En revanche, les mineurs qui se produisent et participent à un spectacle dans un cadre lucratif sont soumis au droit du travail et à ce titre doivent être rémunérés. Les dispositions relatives au travail des enfants prévues dans le code du travail visent à protéger l’enfant en vérifiant en fonction de son âge, de sa scolarité et de son état de santé, les conditions dans lesquelles il est employé, notamment le rythme des représentations, la rémunération, les congés et temps de repos, l’hygiène et la sécurité, la sauvegarde de sa santé et de sa moralité. Cette réglementation s’applique sans distinction du secteur d’activité dans lequel l’enfant est employé. Le ministère de la culture et de la communication est attaché à encourager et à favoriser la pratique amateur mais en lien avec le ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, reste très vigilant au regard du travail des enfants et dans ce domaine ne saurait envisager aucune mesure dérogatoire.
Commentaire. - Exemple typique de langue de bois. Alors que la question posée par le parlementaire relève du simple bon sens, le ministre répond par l’énoncé du principe de lucrativité au sens du droit de travail, lequel implique la rémunération. Ce en quoi il est irréprochable sur le plan juridique strict.
Le problème, c’est que contrairement à ce qu’il indique dans sa réponse, le ministère de la culture n’est aucunement vigilant dans ces matières. Il ne dispose d’ailleurs d’aucun service, ni d’aucun fonctionnaire affecté à ce contrôle. Lorsqu’un spectacle émane d’une institution publique et qu’il est protégé politiquement, tout est possible et le ministère de la culture tolère une vision très large de la notion de bénévolat. Le parc d’attractions du Puy du fou utilise ainsi des milliers de bénévoles, et en fait largement état dans la publicité qu’il développe à l’échelle nationale, alors qu’il répond en tous points à la notion de lucrativité telle que la définit le ministre, et qui correspond à sa définition juridique normale. Par contre, le producteur de spectacle indépendant, ou non protégé politiquement encourt le risque de voir la loi s’appliquer à son égard dans toute sa rigueur.
Des chaînes de télévision à diffusion nationale, qui peuvent difficilement être qualifiée de non lucratives utilisent largement de jeunes artistes sans les rémunérer et tout le monde le sait. Si un producteur a le malheur de demander l’application de la loi, on le met à l’index, il y en a cent cinquante derrière qui acceptent de travailler gratuitement. L’absence de tout contrôle sérieux dans ce domaine est une fois de plus une des conséquences de l’absence d’existence d’un ministère des affaires culturelles indépendant, qui ne soit pas lui-même le premier à faire un usage du travail dissimulé, directement ou indirectement, et cela à grande échelle.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1) QEAN du 12 mai 2009 p 4553 n° 30136.
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