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Cet article a été publié au numéro
187 du mois d'avril 2009
La notion d’artiste recouvre trois situations, l’artiste du spectacle, l’artiste interprète dont la définition est plus étroite que celle de l’artiste du spectacle et qui correspond à l’artiste qui est susceptible de percevoir des droits sur les exploitations secondaires de ses œuvres (secteur du disque et de l’audiovisuel) et en troisième lieu l’artiste auteur.
L’artiste du spectacle
Selon l’article L.7121-1 du code du travail, cela concerne notamment les artistes lyriques, dramatiques, chorégraphiques, de variétés, le musicien, le chansonnier, l’artiste de complément, le chef d’orchestre, l’arrangeur orchestrateur et le metteur en scène pour l’exécution matérielle de sa conception artistique. Cette liste n’est qu’indicative, la qualité d’artiste du spectacle a ainsi été reconnue à un réalisateur de disque (1), à un technicien lumière d’un spectacle son et lumière (2), ainsi qu’aux sportifs participants à des exhibitions (3).
L’artiste interprète
Tous les artistes du spectacle n’ont pas la qualité d’artiste interprète. L’artiste interprète est défini à l’article L.212-1 du code de la propriété intellectuelle comme celui qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique , un numéro de variété, de cirque ou de marionnette. Outre les sportifs en exhibition qui n’interprètent pas d’œuvres, les figurants et artistes de compléments ne sont pas considérés comme artistes interprètes. Un danseur qui interprète une chorégraphie non écrite ne pouvant en conséquence prétendre au statut d’œuvre,ne pourra ainsi prétendre au statut d’artiste interprète, alors qu’il bénéficiera du statut d’artiste du spectacle.
L’artiste interprète dispose de droits sur son interprétation qui ne peut être fixée, reproduite ou communiquée au public sans son accord écrit, lequel ne peut être obtenu que contre rémunération et établissement d’une fiche de paie (4). Il ne peut donc y avoir d’artistes bénévoles en matière de production phonographique ou audiovisuelle, même pour une activité exercée à titre non-lucratif, à l’exception de l’artiste coproducteur.
L’artiste interprète sera en principe salarié au titre de la fixation de sa prestation et pourra être payé en redevances n’ayant pas la nature de salaire au titre des rémunérations secondaires, mais uniquement pour les montants dépassant les minimums syndicaux (5) et lorsqu’il en existe. Cette rémunération est alors appelée redevance et est assujettie uniquement à la CSG et à la CRDS. L’artiste doit alors émettre une facture mentionnant son numéro de SIRET et indiquant sa situation au regard de la TVA.
L’artiste auteur
La plupart des artistes auteurs sont affiliés au régime général de la sécurité sociale au même titre que les salariés, avec cependant quelques aménagements. Les auteurs relèvent de deux organismes à compétence nationale : l’Agessa (6) qui concerne les auteurs d’oeuvres littéraires, dramatiques, musicales, chorégraphiques, audiovisuelles, cinématographiques, et La Maison des Artistes (7) qui concerne les auteurs graphiques et plastiques.
Les entreprises qui rémunèrent des artistes auteurs doivent leur demander l’attestation S2062, délivrée chaque année par ces organismes. Ce document garantit que l’auteur s’acquitte de ses obligations sociales directement auprès de cet organisme. L’entreprise doit alors également demander à l’artiste auteur une facture indiquant sa situation au regard de la TVA. Cette facture indiquera le numéro de SIRET de l’artiste auteur. La notion d’artiste recouvre trois situations, l’artiste du spectacle, l’artiste interprète dont la définition est plus étroite que celle de l’artiste du spectacle et qui correspond à l’artiste qui est susceptible de percevoir des droits sur les exploitations secondaires de ses œuvres (secteur du disque et de l’audiovisuel) et en troisième lieu l’artiste auteur.
Une même personne peut à la fois avoir la qualité d’artiste du spectacle et d’artiste auteur. Il en est ainsi du metteur en scène, du chorégraphe, du réalisateur phonographique ou audiovisuel. Ces personnes font à la fois un travail d’interprétation, de direction d’acteur ou un travail technique, qui doit être payé en salaire, et un travail de création pour lequel ils peuvent être payés en droit d’auteur.
Attention, le non-respect délibéré de ces réglementations, si l’activité est accomplie à titre lucratif, est passible de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’activité (8).
La présomption de salariat des artistes du spectacle
L’article L.7121-3 du code du travail énonce que : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ».
L’article L. 311-3.15° du code de la sécurité sociale précise que « Les obligations de l’employeur sont assumées‘à l’égard des artistes du spectacle et des mannequins (…) par les entreprises, établissements, services, associations, groupements ou personnes qui font appel à eux, même de façon occasionnelle. »
L’existence de cette présomption de salariat permet de considérer que l’artiste est toujours salarié, sauf s’il exerce son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Cela implique qu’il ait réellement la qualité de coproducteur et qu’il soit associé au risque du spectacle.
La force de la présomption
L’article L.7121-4 du code du travail énonce que « la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Cette présomption subsiste même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe personnellement au spectacle ».
La présomption s’écarte également sous certaines conditions pour les artistes résidents des autres États de l’Union Européenne ou de l’Espace Économique Européen (9).
La charge de la preuve
La présomption de salariat renverse la charge de la preuve. Selon l’exposé des motifs de la loi de 1969, « il appartiendra au directeur d’une entreprise de spectacles qui contesterait la qualité de salarié à un artiste qu’il aurait engagé, d’apporter la preuve qu’il n’existe entre lui et l’intéressé aucun lien de subordination juridique, l’artiste en cause se comportant comme un véritable entrepreneur de spectacles ».
Ce n’est donc pas à l’artiste de prouver l’existence d’un lien de subordination entre lui et celui qui l’engage, puisqu’il bénéficie de la présomption de contrat de travail.
Il ne sert donc à rien d’établir avec l’artiste un contrat de bénévolat. Si l’activité est considérée comme étant exercée à titre lucratif, l’absence de rémunération n’est pas légale et ce contrat de bénévolat pourra valoir contrat de travail. De plus, même si l’activité est considérée comme étant non lucrative mais que le contrat organise le travail de l’artiste, ce dernier ou l’URSSAF pourront considérer que le contrat organise la subordination de l’artiste qui doit alors être salarié.
La présomption de salariat est-elle restreinte aux seuls organisateurs de spectacles ?
La cour de cassation a récemment restreint considérablement cette présomption en considérant qu’elle ne pourrait être mise en jeu qu’à l’encontre d’un organisateur de spectacles (10). Pourtant, cette notion d’organisateur de spectacles n’est pas même définie juridiquement. Les dispositions relatives à la licence parlent d’entrepreneur de spectacles. L’organisateur de spectacles n’est qu’un des trois modes d’exercice de l’activité, auxquels correspondent trois catégories de licence.
De plus, la loi de 1969, tout comme l’article L. 7121-3 du code du travail qui organise la présomption parle de toute personne qui s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle « en vue de sa production ».
Le contrat d’équipe
L’article L.7121-7 du code du travail prévoit qu’un contrat de travail peut être commun à plusieurs artistes lorsqu’il concerne des artistes se produisant dans un même numéro ou des musiciens appartenant au même orchestre. Le contrat de travail doit alors désigner nominativement tous les artistes engagés et comporter le montant du salaire attribué à chacun d’eux. Il peut être revêtu de la signature d’un seul artiste, si celui-ci a reçu mandat écrit de chacun des artistes figurant au contrat. Dans ce cas, l’artiste contractant conserve effectivement la qualité de salarié vis-à-vis de l’organisateur. A contrario, l’artiste qui ne contracte pas dans ses conditions n’a pas droit à la qualité de salarié et devrait être immatriculé au registre du commerce et des sociétés.
Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris
(1) CA Paris, 1ème chambre C, 6 avril 2006, n° 05/06523.
(2) Cass. Soc. 8 juillet 1999, n° 14.487, commenté dans La Lettre de Nodula, octobre 1999, p. 472.
(3) Cass. Soc. 6 mars 2003, n° 01.21323, commenté dans La lettre de Nodula mai 2003 p. 914.
(4) L’article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle indique que cette rémunération relève des dispositions des article L. 7123-1 et suivants du code du travail.
(5) Article L212-6 du code de la propriété intellectuelle et L.7121-8 du code du travail.
(6) www.agessa.fr
(7) www.lamaisondesartistes.org.
(8) Article L. 8121-3 du code du travail.
(9) Article L.7121-5 du code du travail. Lorsqu’un entrepreneur de spectacles ressortissant d’un autre État européen, exerçant son activité à titre habituel dans cet État, se produit en France par l’intermédiaire d’une association française qui l’accueille, l’administration française n’est plus en mesure de considérer que ses salariés ayant la qualité d’artistes sont présumés être salariés de l’entreprise française. L’administration qui entend faire requalifier cette situation doit désormais apporter la preuve que les artistes ne sont pas embauchés à titre temporaire, et ne sont pas indépendants, preuve qui sera pratiquement impossible à rapporter pour un spectacle engagé de façon ponctuelle.
(10) Cass. Soc. n° 06-40449 du 3 octobre 2007. Arrêt non définitif, l’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée qui dans un arrêt de 2009 a refusé de suivre la position de la cour de cassation mais a fondé doublement sa position à la fois sur la présomption de salariat et le lien de subordination, afin qu'une nouvelle cassation ne replace pas le salarié dans la situation de devoir rembourser les condamnations en cas de nouvelle cassation. La cour de cassation s'est à nouveau prononcée dans un arrêt du 11 janvier 2012 (n° 09-71074 et n° 10-19016) et a définitivement validé la relation de salariat, mais cassé sur la question du temps partiel et du non respect des conditions de sécurité. L'affaire sera à nouveau jugée devant la cour d'appel de Paris autrement composée en 2013.
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