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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Les services publics culturels sont-ils industriels et commerciaux, ou administratifs ?

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.

Cet article a été publié au numéro 178 du mois de juin 2008


Un service public est présumé administratif, à moins que son caractère industriel et commercial ne résulte de la loi (1), ou de la réunion de critères posés par la jurisprudence (2), tenant à l’objet du service, à l’origine de ses ressources, et à ses modalités de fonctionnement. Selon ces trois données, le service public doit ressembler à une entreprise privée pour être qualifié d’industriel et commercial.

La qualification du service public a des conséquences importantes quant au régime juridique applicable (droit public, droit privé, ou régime mixte) et quant à la compétence du juge administratif ou judiciaire.

Pour les services publics culturels, leur caractère industriel et commercial n’est pas déterminé par la loi. Les critères jurisprudentiels tendent à leur reconnaître ce caractère. Malgré cela le juge considère souvent que les services publics culturels ont un caractère administratif.

La ressemblance avec l’entreprise privée


L’objet du service public doit lui-même avoir un caractère industriel et commercial. Il doit s’agir d’une activité de production et d’échanges de biens ou de services susceptible d’être exercée par une entreprise privée.

Au niveau des ressources, un service public industriel et commercial vit des résultats de l’exploitation ou de la perception d’une redevance sur les usagers, c’est-à-dire d’un prix payé par les usagers en contrepartie des prestations fournies. Au contraire, le financement du service public par une taxe et/ou une subvention exclut le caractère industriel et commercial (3). Encore faut il qu’il s’agisse d’une vraie subvention et que celle-ci ne cache pas en fait une aide d’État, laquelle, si elle n'a pas été autorisée, sera forcément illégale. La taxe a quant à elle effectivement un caractère fiscal et frappe les contribuables sans contrepartie directe. Si le financement d’un service combine plusieurs types de ressources, il faut rechercher celle qui en fournit la part prépondérante.

Enfin, les modalités de fonctionnement du service doivent être similaires à celles d’entreprises privées comparables. Certaines modalités de fonctionnement peuvent être retenues pour écarter le caractère industriel et commercial, comme par exemple le mode d’exploitation choisi par la collectivité, ou le statut public du personnel…

L’application des critères

Une jurisprudence assez instable fait qu’il est difficile de savoir si ces trois critères sont cumulatifs, et s’ils ont tous les trois la même force. À l’origine, la solution était pourtant claire : « un service ne sera reconnu comme industriel et commercial que si aux trois points de vue (…) il ressemble à une entreprise privée. Il suffit qu’il en diffère à l’un de ces trois points de vue pour qu’il soit tenu pour administratif » (4). Ainsi l’exploitation du Palais des festivals et des congrès de Cannes a été qualifiée par le juge de service public administratif (5). Au niveau des modalités de fonctionnement, le Palais était géré en régie directe « avec un nombreux personnel relevant presque en totalité du statut du personnel communal ». Quant à l’origine des ressources, le juge relevait que « les recettes propres du service ne représentaient qu’une infime partie des dépenses de fonctionnement ».

L’intérêt général d’ordre culturel et artistique

Concernant les activités culturelles, elles peuvent tout à fait être exploitées par des personnes privées. Il existe bien des musées privés, des écoles de musique et de danse privées, et la plupart des entreprises de spectacles ont un statut juridique de droit privé. Au lieu de rechercher si l’objet du service pourrait être pris en charge par une entreprise privée, le juge relève souvent par principe que « l’intérêt général d’ordre culturel et touristique » qui s’attache aux activités culturelles est exclusif de tout caractère industriel et commercial, alors même qu’une entreprise privée pourrait être animée par les mêmes préoccupations d’ordre culturel et touristique ! Pour l’organisation d’une parade de jazz par la ville de Nice, le Conseil d’État a ainsi affirmé « qu’eu égard à l’intérêt général d’ordre culturel et touristique que présente cette manifestation, aux conditions de son financement et à son mode de fonctionnement, son organisation avait le caractère d’une activité de service public administratif » (6).

En outre, les services publics culturels trouvent souvent une partie de leurs ressources dans les résultats de l’exploitation ou dans le prix payé par les usagers, et fonctionnent dans des conditions similaires aux entreprises privées du secteur. Notamment, ils développent de plus en plus d’activités commerciales, de marketing et de communication.

De toute façon, le juge administratif affirme fréquemment le caractère administratif des services publics culturels indépendamment de la recherche des trois critères. Ainsi de l’exploitation par la ville de Vienne de son théâtre antique (7), de l’organisation d’un festival de bande dessinée par la ville d’Hyères (8), ou du théâtre lyrique régional géré par le syndicat intercommunal « Opéra du nord » (9).

La nature juridique des établissements publics de coopération culturelle

L’article L.1431-1 du code général des collectivités territoriales indique que les établissements publics de coopération culturelle sont des établissements publics à caractère administratif ou à caractère industriel et commercial, selon l’objet de leur activité et les nécessités de leur gestion. Le mode de financement de l’activité est devenu un critère inopérant puisque l’article L.1431-8 du code général des collectivités territoriales autorise l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements à accorder des subventions à l’établissement public de coopération culturelle quelle que soit sa nature juridique (10). Restent l’objet de l’activité et les nécessités de gestion, qui doivent permettre au juge de qualifier le service public au cas par cas.
Une circulaire du 18 avril 2003 incite à déterminer le caractère de l’établissement dans ses statuts, et précise que « les établissements d’enseignement et les établissements à mission principalement patrimoniale ont, a priori, vocation à être des établissements publics administratifs. En revanche, les institutions de création, de production et de diffusion du spectacle vivant telles les orchestres, les maisons d’opéra, les théâtres et lieux de diffusion du spectacle en général ou du cinéma et de l’audiovisuel, peuvent, compte tenu de leur activité et des nécessités de leur gestion, être qualifiées d’établissements publics à caractère industriel et commercial » (11).

Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris

(1) Seule une qualification législative s’impose au juge. Par exemple, les services publics de la distribution d’électricité et de gaz (loi du 8 avril 1946), des abattoirs publics (loi du 8 juillet 1965), des remontées mécaniques de stations de ski (loi du 9 janvier 1985) sont qualifiées d’industriels et commerciaux par la loi.

(2) CE Assemblée 16 novembre 1956 « Union syndicale des industries aéronautiques ».


(3) TC 13 février 1984 « Commune de Pointe à Pitre », n° 02309.
(4) René Chapus, « Droit administratif général » tome I.

(5) TC 19 décembre 1988 « Ville de Cannes c/ Ponce », n° 02541.

(6) CE 2 juin 1995 « Ville de Nice », n° 123647.

(7) CE 26 janvier 1968 « Dame Maron ».

(8) CE 25 mars 1988 « Ville d’Hyères », n° 61257.

(9) TC 12 mai 1997, n° 03001,  « Syndicat intercommunal Opéra du Nord c/ M. Serkoyan ».

(10) L’article offre une dérogation à l’interdiction pour les communes et les départements de prendre en charge sur leur budget propre des dépenses au titre de services publics industriels et commerciaux (articles L.2224-2 et L.3241-5 du code général des collectivités territoriales). Cette autorisation d’octroyer des subventions ne peut se concevoir que dans le respect de la réglementation européenne : la subvention doit être la contrepartie quantifiée des contraintes de service public. Le seuil des aides de minimis est de 200 000 euros sur une période de trois ans (voir Lettre de Nodula, décembre 2006, page 1384). La subvention ne doit pas être qualifiable d’aide d’État, sauf à avoir été notifiée et autorisée préalablement par la Commission.

(11) Circulaire du 18 avril 2003 du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la culture et de la communication adressée aux préfets de régions et aux préfets de département, relative à la mise en œuvre de la loi du 4 janvier 2002 relative à la création d’établissements publics de coopération culturelle et du décret du 11 septembre 2002.




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