Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique.
Présentation

La lettre de Nodula


 


Le Sommaire des derniers numéros

Le Petit bréviaire de la corruption de la culture et de la communication

L'article du mois
Actualité
Le courrier des lecteurs
L'équipe rédactionnelle
L'index des articles
Abonnements annuels ou au numéro
Commandes d'articles
Sélection d'articles

Les formations
Présentation
Prix et modalités d'inscription
Thèmes de formation

Forum de discussion

Nos publications
Cultivez-vous !...
Les dossiers de Nodula

Nous écrire

La Lettre de Nodula
30 rue Feydeau
75002 Paris
Tél: 01 42 60 30 79
E-Mail : info@nodula.com

SARL au capital
de 47 259 Euros
RCS Paris B 351.734. 488

© Nodula

Conception du site :
Internet Brothers -Nodula








Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Rapport de la commission de contrôle des SPRD (Sociétés de perception et de répartition des droits)

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire.

Cet article a été publié au numéro 177 du mois de Mai 2008


Le rapport pour l’année 2007 de la commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et droits voisins des droits d’auteur est notamment consacré à l’action culturelle de ces sociétés (1).

Cette commission dont les pouvoirs sont organisés à l’article L. 321-13 du code de la propriété intellectuelle a pour mission de contrôler les comptes et la gestion des SPRD, de leurs filiales et des organismes qu’elles contrôlent.

Les SPRD ont depuis l’obligation de consacrer à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle et à des actions de formation d’artistes :
- 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée ;
- La totalité des sommes qui n’ont pu être réparties soit en application de conventions internationales, soit parce que les destinataires n’ont pas pu être identifiés ou retrouvés dans le délai de prescription.

Pour l’année 2006, c’est ainsi 61,6 millions d’euros qui ont été répartis.

La commission de contrôle, après avoir constaté que la plupart des SPRD avaient une interprétation fort extensive de l’utilisation de ces fonds, y incluant de nombreuses dépenses de communication, consacre un chapitre à la gestion de ces fonds et aux modes de désignation des projets subventionnés.

La commission met en exergue de nombreuses situations qui sont selon elle critiquables, notamment à la SACEM où l’allocation des aides sélectives relève quasi exclusivement du conseil d’administration, ce qui confère un rôle décisif aux services de la société chargés de les instruire, ou à la spedidam, où une seule personne cumule les fonctions de directeur de l’action artistique et culturelle, de président et de gérant, et la présence exclusive des membres du conseil d’administration dans les commissions d’agrément des projets aidés. La quasi totalité des sociétés est critiquée.

La Commission se pose des questions de déontologie


La commission s’interroge en termes feutrés et fort policés sur le fait que « les SPRD doivent, comme pour tout système d’allocation sélective, se prémunir contre le risque de conflit d’intérêt ou de favoritisme, s’agissant notamment de leurs dirigeants ou des membres des organes intervenant dans le choix des bénéficiaires. »
La commission constate que la plupart des sociétés se contentent en la matière d’une pratique de retrait des personnes en question lors des débats et des votes les concernant, protection qui semble conserver un caractère formel.

La commission s’interroge également sur les critères de sélection des projets et le fait que les porteurs de projets non retenus ne connaissent pas toujours les raisons du refus de leur dossier.
Une fois de plus, on ne parle que de déontologie, alors que ce sont les termes juridiques de prise illégale d’intérêt (1) et de corruption qui s’appliquent aux nombreuses situations mises en exergue dans ce rapport, termes que la commission se garde bien d’évoquer.
En effet, c’est la loi qui organise cette mission des sociétés d’auteurs, encadrée et « contrôlée » par la commission de contrôle des SPRD. C’est une commission administrative qui fixe la rémunération pour copie privée, son taux et son champ d’application. Ses décisions sont approuvées par arrêté ministériel et publiées au journal officiel.

Les SPRD qui gèrent ces fonds, sociétés privés chargées d’une mission de service public, sont donc en principe tenues de respecter les dispositions réprimant la prise illégale d’intérêt (l’article  L. 432-12 du code pénal sanctionne le fait de prendre un intérêt dans une opération dont on a la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou la paiement).

Le fait de sortir de la salle lorsque l’on vote sur un projet que l’on a eu tout le loisir de préparer en coordination avec les services de la société et qui est voté par ses amis ne change strictement rien.
A titre d’exemple, lorsque les différentes sociétés subventionnent le fond pour la création musicale, des filiales qu’elles ont elles mêmes créées, ou d’autres organismes à la gestion des quelles leurs structures ou ses dirigeants participent, il nous semble qu’il y a matière à prise illégale d’intérêt.

Ainsi que l’a largement présenté le service central de prévention de la corruption dans son rapport pour l’année 2000, la prise illégale d’intérêt est une infraction de réseau. C’est parce que tous les membres du réseau sont liés qu’il perdure, personne n’ayant intérêt à le critiquer. Dans le secteur culturel, l’ensemble de l’économie française de la culture étant sous perfusion de l’Etat et des SPRD, il est très dur de continuer à exercer en prenant le risque de critiquer. On a vu ce qui est arrivé à la société des auteurs de dessins et modèles, la SPADEM, qui avait fait condamner le ministère de la culture et qui a été liquidée peu après.

Le fait que les SPRD aient une mission de service public, indéniable lorsqu’elle sont chargées de par la loi et sous contrôle public de mener une action culturelle, implique également le fait que les postulants aux subventions doivent pouvoir se voir communiquer leur dossier et obtenir une réponse leur permettant de connaître la raison du refus qui leur est opposé et de vérifier que la commission qui leur a refusé une aide n’intégrait pas des personnes qui se sont par ailleurs vu attribuer des subsides.

La commission de contrôle s’interroge tout au long de son rapport sur les dysfonctionnements de cette action culturelle.
Le vrai problème, c’est que Jack LANG, ministre de la culture en 1985, a institué ces mécanismes afin d’associer l’ensemble des responsables syndicaux et des sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et droits voisins à son mode d’organisation de la culture d’Etat. Cette mécanique lui a permis de transférer aux organismes professionnels une partie conséquente du pouvoir de clientélisme et de mise en réseau détenue par le ministère de la culture et ses agents, d’intégrer les réseaux syndicaux aux réseaux des agents publics afin d’empêcher toute critique majeure du système, afin de lui permettre d’étendre sans risque de critiques, et de façon considérable,  les domaines d’intervention du ministère de la culture et de son propre réseau d’influence, qui lui permet d’être encore aujourd’hui sur le devant de la scène en faisant fi des critiques.

Les dysfonctionnements de ce système décrits dans le rapport de la commission de contrôle des SPRD sont en réalité sa raison d’être.
L’ensemble des acteurs majeurs des secteurs culturels français participant au partage du gâteau, et associant les agents du ministère de la culture, aucun n’est en mesure de critiquer sans se mettre lui même en danger.

La commission de contrôle qui présentait son rapport intègre en son sein un inspecteur général des affaires culturelles, alors que de nombreux membres de cette inspection des affaires culturelles dirigent des entreprises publiques ou privées largement subventionnées au titre de cette action culturelle des SPRD, garantie que les vraies questions ne seront pas abordées.
Le journal « Le Monde » qui a commenté la présentation de ce rapport a parlé de « tartufferie ». Le terme est on ne peut plus adéquat.

Le fait que la commission de contrôle des SPRD ait néanmoins, même de façon très feutrée, soulevée un coin du problème, prouve que la situation actuelle ne pourra perdurer.

L’Europe et la mondialisation ont imposé le droit des auteurs, artistes et producteurs, européens, mais également des autres Etats liés par des conventions internationales, à bénéficier eux aussi de ces aides. Ces auteurs, artistes et producteurs étrangers n’auront pas les mêmes égards pour notre système culturel et ne se gêneront pas pour saisir les tribunaux le jour où ils auront compris le cadre juridique dont ces aides devraient relever et la qualification pénale des modes de gestion actuels.

De plus, le développement des nouveaux modes de diffusion par internet et de nouveaux acteurs non liés aux corporations existantes devraient permettre l’émergences de nouvelles organisations qui voudront s’imposer et pourraient réserver quelques surprises.

Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris


(1) Edité par La documentation Française, prix : 15 €. En accès libre sur le site de la cour des comptes http://www.ccomptes.fr/CPCSPRD/documents/divers/SPRD-5e-rapport2007.pdf




Droit de reproduction à usage commercial et professionnel réservé.
Droit de reprographie aux fins de vente, de location, de publicité et de promotion réservés (Loi du 3 janvier 1995)


© Nodula 2008

 
  Retour en haut de la page