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Cet article a été publié au numéro
176 du mois d'Avril 2008
La notion d’intermittent du spectacle est régulièrement utilisée par un certain nombre de professionnels, y compris dans des accords collectifs et des textes de nature réglementaire. Parfois, son utilisation recouvre des réalités sans rapport avec ce que ses utilisateurs croient désigner.
Cet article a pour but de présenter d’une façon globale les différents sens de ce terme. Il ne sera toutefois utilisé que de façon marginale et il sera encore moins question d’un quelconque « statut » puisque celui-ci n’a jamais existé.
En effet, si les salariés du spectacle sont soumis à un certain nombre de réglementations spécifiques, c’est en principe la réalité de l’activité qui détermine l’application de la règle de droit et en aucun cas le fait que le salarié (et souvent l’employeur) bénéficieraient d’un soit-disant statut d’intermittent qui relève de leur imagination.
Il est donc indispensable de démystifier ce terme "d’intermittent spectacle" si l’on veut avoir une vision juridique de la matière. Nous en présenterons les significations par l’examen des différentes notions qu’il recouvre. Nous présenterons ensuite le cadre juridique du recours au contrat à durée déterminée d’usage dans les secteurs du spectacle.
Il est important de noter que la démarche actuelle des syndicats du spectacle, appuyée par le ministère de la culture, de faire préciser dans chaque convention collective les cas autorisés de recours aux CDDU, est totalement dépassée par les exigences du droit européen que vient de reconnaître la cour de cassation dans son arrêt du 23 janvier 2008 (1).
I. La notion d’intermittent recouvre des réalités variées
L’employeur du spectacle ou de l’audiovisuel qui engage un artiste ou un technicien n’a en principe pas à connaître de la situation du salarié (2). C’est la nature de l’emploi, le domaine d’activité et la fonction exercée qui autorisent l’employeur à recourir au contrat à durée déterminée d’usage et en aucun cas la situation du salarié qui aurait ou non droit à ce « statut » d’intermittent.
Dans le code du travail, la notion d’intermittent correspond à des situations fort différentes qui ne se recoupent par forcément.
1°. Un régime particulier d’indemnisation du chômage
Dans le sens le plus couramment utilisé, le terme « d’intermittent spectacle » désigne le « demandeur d’emploi qui s’est vu ouvrir des droits ou qui a vocation à se voir ouvrir des droits dans les annexes 8 ou 10 au règlement général annexé à la convention du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage » (3). Il est vrai que le terme « intermittent spectacle » est plus facile à manier que les termes juridiques correspondant à la réalité.
L’annexe 8 concerne les ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle qui travaillent dans un des 7 secteurs d’activités concernés suivants :
1.1. Édition d’enregistrement sonore 1.2 Production d’œuvres cinématographiques ;
1.3. Production d’œuvres audiovisuelles ;
1.4. Prestations techniques pour le cinéma et la télévision ;
1.5. Production de programmes de radio ;
1.6. Diffusion d’œuvres ou de programmes de télévision et de radio ;
1.7. Production de spectacles vivants ou réalisation de prestations techniques pour la création de spectacles vivants (4).
L’annexe 10 concerne les artistes, au titre desquels il convient d’intégrer les metteurs en scènes, chorégraphes et réalisateurs, pour la partie de leurs fonctions relevant du droit du travail, et qui interviennent dans ces mêmes secteurs (5).
En principe, seules les entreprises respectant les conditions d’activité prévues par ces accords sont à même de délivrer aux artistes et techniciens des attestations d’emploi leur permettant de prétendre à des droits dans ce régime.
L’employeur doit alors s’affilier au Centre Recouvrement Cinéma Spectacle (l’Assedic d’Annecy – 08 26 08 08 99) et s’acquitter des cotisations Assedic spécifiques à ces activités.
La question des codes NAF
Les annexes 8 et 10 définissent des secteurs d’activités, mais posent également comme exigence que l’entreprise soit répertoriée sous un code NAF déterminé. Cependant, cette exigence n’est pas conforme aux dispositions du décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d’activités et de produits françaises qui énonce à son article 5 que :
« I. L’attribution par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), à des fins statistiques, d’un code caractérisant l’activité principale exercée (APE) en référence à la nomenclature d’activités ne saurait suffire à créer des droits ou des obligations en faveur ou à charge des unités concernées.
III. Si un texte réglementaire ou un contrat fait référence à ces nomenclatures, les signataires ont l’entière responsabilité du champ qu’ils entendent couvrir. Il leur appartient d’expliciter ce champ aussi complètement qu’il est nécessaire. »
C’est donc la réalité de l’activité décrite par ce texte qui peut seule être prise en compte, le code NAF n’ayant qu’une valeur indicative.
D’ailleurs pour changer de code NAF, il suffit d’en faire la demande à l’INSEE.
Surtout, aucune disposition du code du travail, ou des annexes 8 et 10, n’interdit à un employeur n’ayant pas pour activité principale une de ces activités, d’engager un professionnel du spectacle dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de droit commun si c’est pour travailler dans un des 7 secteurs d’activité visés par ces textes.
L’employeur ne pourra alors utiliser le CDDU que si l’activité principale de l’entreprise l’y autorise, soit qu’elle relève de l’un des secteurs définis à l’article D.1242-1 du code du travail, pour lesquels il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée pour certains emplois, soit qu’il existe une convention ou un accord collectif étendu organisant cette possibilité. Dans le cas contraire, l’employeur pourra néanmoins avoir recours au CDD de droit commun, qui permet également d’ouvrir des droits dans les annexes 8 et 10, l’article 1 § 4 des annexes 8 et 10 exigeant que le demandeur d’emploi soit en fin de contrat à durée déterminée sans autre précision. S’il ne souhaite pas avoir à se battre avec les Assedic pour que ses salariés puissent se voir ouvrir des droits dans les annexes cinéma spectacle, l’employeur pourra demander à l’INSEE de modifier son code NAF à l’occasion.
Outre les secteurs d’activités, les annexes 8 et 10 listent également pour chacun de ces secteurs les emplois permettant de prétendre à l’ouverture de droits dans le régime spécifique d’allocation chômage. L’employeur doit donc veiller à utiliser les intitulés de fonctions figurant à ces accords s’il souhaite que ses salariés puissent bénéficier de ces dispositifs.
Le numéro d’objet
Depuis le 1er avril 2008, l’employeur a également l’obligation de solliciter auprès des Assedic, préalablement à l’embauche d’un salarié ayant vocation à relever de ce régime, un numéro d’objet (6). Ce numéro a pour vocation de veiller à ce que l’employeur embauche bien le salarié sur un contrat ayant un objet particulier, indispensable à la régularité de l’embauche dans le cadre d’un contrat à durée déterminée.
Ce numéro d’objet est attribué à l’employeur pour toute nouvelle activité (nouvelle production, nouveau spectacle, ...). Ce numéro doit être obligatoirement porté par l’employeur sur l’attestation d’emploi mensuelle (AEM) qu’il doit établir chaque mois aux salariés relevant des annexes 8 et 10. Il doit également être mentionné sur les bulletins de paie des artistes et techniciens concernés, et, à chaque fois que cela est possible, sur les contrats de travail. L’employeur obtiendra ce numéro en se connectant au site de l’Assedic, muni de ses codes d’identification d’entreprise.
L’obtention de ce numéro est automatique, et ne fait l’objet d’aucun contrôle. Il s’agit d’une nouvelle complication renforçant la spécificité du spectacle et la complexité de sa gestion, sans doute pour en rendre l’accès aux néophytes un peu plus hasardeux.
Ce régime ne confère aucun statut au salarié
Pour l’employeur, le fait que le salarié soit ou non en situation de se voir ouvrir des droits à l’Assedic dans les annexes 8 et 10 n’est d’aucune incidence quant à la validité de son contrat de travail. L’employeur a toujours le droit d’embaucher un salarié dans les domaines d’activités relevant du spectacle si les statuts de son entreprise l’y autorisent. Seul sera pris en compte, en cas de contentieux, le respect des dispositions de l’article L. 1242-2 du code du travail qui énonce de façon restrictive les cas de recours autorisé au contrat à durée déterminée.
L’origine du mythe
Le salarié oublie parfois que l’article 4 b du règlement général annexé à la Convention du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage conditionne la possibilité de se voir ouvrir des droits à l’allocation chômage au fait que le salarié est « à la recherche effective et permanente d’un emploi ».
Le salarié qui revendique un statut d’intermittent spectacle a tendance à croire que ce régime finance les répétitions ou la préparation des spectacles non rémunérés par l’employeur. Le salarié oublie la plupart du temps de déclarer dans le cadre de sa déclaration mensuelle de situation, ces jours de répétition, de transport ou de promotion, durant lesquels il n’est pas à la recherche effective d’un emploi, et que l’employeur n’a pas forcément envie de rémunérer…
Ce régime a effectivement été largement détourné de sa vocation de financement de la recherche d’emploi pour devenir un complément de rémunération des artistes ou techniciens qui ne sont effectivement rémunérés que pour une partie de leurs prestations, ou qui sont parfois même dans les faits chef d’entreprise, quant ils ne sont pas à la direction de syndicats qui se disent patronaux.
Certains employeurs se servent de ce système. Ils considèrent les allocations chômage que le contrat va générer comme un avantage social, et les intègrent dans le calcul de la rémunération, ce qui a une incidence sur le coût du travail. Il n’est pas rare de voir des offres d’emplois mettant en avant le droit au chômage dans les annexes spectacle comme avantage social.
En déclarant la rémunération sur une période plus courte, l’employeur et le salarié bénéficient de surcroît des règles de plafonnement des charges sociales.
Le salarié inscrit dans les annexes 8 et 10 ne déclarant que les jours effectivement payés par l’employeur, bénéficie d’un complément de rémunération en plus du salaire versé par l’employeur alors qu’il travaille et n’est pas à la recherche effective d’un emploi.
Il est enfin plus valorisant de se présenter comme ayant un statut d’intermittent spectacle qu’un statut de demandeur d’emploi. Dans d’autres secteurs, certains salariés utilisent le terme de « free lance » qui n’a pas davantage de réalité juridique en droit français que celui d’intermittent.
2°. Les spécificités liées à la formation professionnelle
En matière de formation professionnelle, l’article L.6331-55 du code du travail énonce que « lorsque des employeurs occupent un ou plusieurs salariés intermittents du spectacle qui relèvent des secteurs d’activités du spectacle vivant et du spectacle enregistré, pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, une convention peut prévoir pour ces salariés intermittents une participation unique au développement de la formation professionnelle, quel que soit le nombre de salariés occupés. Cette contribution est due à compter du premier salarié intermittent. »
C’est l’AFDAS (Fonds d’assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs) qui gère la formation professionnelle des salariés des secteurs du spectacle et de l’audiovisuel engagés sur CDDU.
Ce texte, issu d’une loi du 4 mai 2004 (n° 2004-391) est la seule référence du code du travail à une notion de salarié intermittent du spectacle.
Cet article ne définit cependant pas ce que recouvre cette notion. Le texte aurait pu d’ailleurs se contenter d’indiquer qu’il concernait les salariés du spectacle et de l’audiovisuel engagés sur contrat à durée déterminée d’usage au sens de l’article L.1242-2.3° du code du travail sans faire référence à la notion d’intermittent qui ne rajoute rien.
Au regard de l’AFDAS, l’intermittent spectacle est le salarié engagé sur CDDU qui peut prétendre à des droits à la formation professionnelle en justifiant des conditions minimum d’activité dans des entreprises du secteur, telles que prévues par son règlement.
Cette notion d’intermittent spectacle au sens de l’AFDAS est donc différente de la notion d’intermittent spectacle Assedic.
3°. Les spécificités liées au régime des congés payés
La notion d’intermittent spectacle a également une définition juridique en matière de congés payés.
L’article D 7121-38 du code du travail énonce qu’une caisse de congés payés doit être instituée pour assurer le service des congés annuels payés du personnel artistique et technique occupé de façon intermittente dans les entreprises de spectacles, ainsi que par les imprésarios, agences théâtrales, chefs d’orchestres, chefs de troupe, ou dans les hôtels, cafés, restaurants, etc.
Les employeurs sont tenus de déclarer à la caisse le personnel artistique et technique qui n’a pas été occupé d’une manière continue dans leur établissement pendant les douze mois précédant la demande de congé. La période de référence dans le secteur du spectacle courant du 1er avril au 31 mars de l’année suivante, c’est cette période qui est prise en compte.
Ce régime peut donc concerner des salariés engagés sur contrat à durée indéterminée depuis moins de douze mois. A l’inverse, un salarié engagé sur un contrat à durée déterminée, y compris d’usage, mais intégrant cette période de douze mois, ne relèvera pas de ce régime.
Attention, les plafonds de congés payés que cette caisse autorise les employeurs à pratiquer en se fondant sur l’article D.7121-37 du code du travail nous semblent contraires aux dispositions de l’article L.3141-22 du même code qui énonce que l’indemnité de congé payé est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. Aucune disposition légale n’autorise à déroger à ce principe par décret ou accord collectif. Il est donc préférable de ne pas appliquer ces plafonds.
Par ailleurs, contrairement à ce que pratique la caisse des congés spectacles, il n’y a pas à payer de cotisations sur les rémunérations secondaires des artistes qui ne sont pas liées à une période de travail effectif (7).
Ces dispositions du code du travail qui contiennent une définition de ce qu’ils entendent par « salariés intermittents », y intégrant les salariés embauchés sous CDI, peuvent parfois utilement être invoquées par les salariés, notamment lorsque les conventions collectives organisent des dispositions favorables aux salariés intermittents sans définir à quoi correspond cette notion. Ainsi, certaines conventions collectives du spectacle prévoient des périodes d’essai courtes, (au maximum 15 jours pour les salariés intermittents). Un salarié du spectacle engagé sur CDI pourra alors invoquer sa qualité d’intermittent au sens des articles D.7121-38 et D.7121-41 du code du travail pour bénéficier de ces dispositions plus favorables, alors qu’il aura été engagé sur contrat à durée indéterminée et que son employeur souhaite mettre fin à sa période d’essai après ce délai de 15 jours.
Nous ne saurions donc qu’inciter employeurs et syndicats à ne jamais utiliser cette notion sans préciser le sens qu’ils entendent lui donner.
4°. Les artistes et techniciens du spectacle bénéficient de règles particulières en matière de charges sociales
Qu’ils soient engagés sur CDD ou sur CDI, les artistes et techniciens bénéficient de modalités particulières de calcul des charges sociales.
Les artistes bénéficient d’un abattement de 30 % sur les taux des cotisations d’assurances sociales, d’accidents du travail et de maladies professionnelles par rapport aux taux du régime général (8).
Les artistes engagés au cachet ou à la représentation bénéficient également d’un mécanisme de paiement forfaitaire des charges (9).
Les artistes et techniciens profitent aussi de dispositions particulières en matière de frais professionnels. Dans certains cas, et avec l’accord du salarié, les charges sociales peuvent être calculées sur un salaire abattu (10).
Ces avantages ne sont cependant aucunement liés à un quelconque statut, mais uniquement au fait que ces personnes sont engagées pour effectuer une activité artistique relevant du spectacle.
Toutes les entreprises qui engagent un artiste ou technicien dans le cadre d’une activité correspondant au spectacle, ce terme générique intégrant l’audiovisuel et la production phonographique, peuvent bénéficier de ces dispositions.
II. Le recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU)
Le CDDU est un CDD d’un genre particulier. Il n’est pas soumis à la prime de précarité, ni limité dans le temps. Il peut par ailleurs être renouvelé sans limitation, pour autant que chacun des CDD respecte les dispositions légales.
Les possibilités de recours au CDDU
L’article L1242-2.3° du code du travail énonce qu’ « un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
3° Emplois (…) pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; »
C’est en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois concernés qu’il est possible de recourir au CDDU.
L’article D.1242-1 du code du travail précise les secteurs d’activité concernés par ce texte. On y trouve notamment :
4° L’hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ;
5° Le sport professionnel ;
6° Les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ;
7° L’enseignement ;
8° L’information, les activités d’enquête et de sondage.
La cour de cassation a cependant récemment rappelé qu’il était également nécessaire de tenir compte de la Directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée (11).
Elle énonce dans un arrêt du 23 janvier 2008 (12) que : « s’il résulte de la combinaison des articles L. 122-1, L. 122-1-1, L. 122-3-10, alinéa 2 et D 121-2 que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, (souligné par nous) et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas , être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ; »
L’accord cadre annexé à cette directive énonce que :
« 1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :
a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;
b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;
c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. »
En cas de succession de CDDU, il ne suffit pas d’indiquer le nom de l’émission ou de la production dans le contrat
L’arrêt de la cour de cassation du 23 janvier 2008 est fort explicite :
« Pour débouter Mme X... de ses demandes tendant à la requalification de ses contrats en contrat de travail à durée indéterminée et au paiement d’indemnités de rupture et de congés payés, la cour d’appel a retenu que la société SAM monégasque des ondes appartenait au secteur de l’audiovisuel, visé à l’article D. 121-2 du code du travail, dans lequel l’employeur peut recourir à des contrats à durée déterminée dits d’usage ; que la salariée avait occupé au sein de cette société un emploi de journaliste pigiste ; qu’elle avait signé une succession de lettres d’engagement prévoyant sa participation à la production de reportages précisément référencés par leurs titres et sur des journées dont les dates étaient spécifiées, et qu’elle avait reconnu par l’acceptation des conditions générales de son engagement qu’elle bénéficiait « d’un contrat de travail à durée et objet déterminés conclus conformément aux usages dans le domaine audiovisuel» ; que la journaliste avait ainsi participé à la réalisation de trois émissions diffusées sur la chaîne TMC et qui étaient par nature temporaires ; que dans ces conditions, en ce qui concerne son emploi de journaliste pigiste, il était d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée eu égard au caractère par nature temporaire des programmes télévisés ;
Qu’en se déterminant ainsi par des motifs inopérants tirés du caractère temporaire des programmes de télévision sans rechercher si l’emploi de journaliste pigiste occupé par la salariée dans le secteur de l’audiovisuel faisait partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; »
Cette jurisprudence ne modifie pas fondamentalement la situation pour les secteurs du spectacle. Elle devrait cependant inciter à remettre de l’ordre et à vider de façon conséquente les fichers des des personnes relevant des Annexes 8 et 10 de l’assurance chômage.
En effet, elle remet en question les nombreux adeptes du prétendu statut d’intermittent, largement soutenu par le patronat, et par certains syndicats de salariés. Elle sanctionne le recours aux CDDU pour des emplois qui devraient être pourvus au moyen de contrats intermittents, c’est à dire un contrat de travail à durée indéterminée intermittent (nous présentons ce contrat à notre chapitre III ci après).
La journaliste pigiste avait été embauchée successivement pour trois émissions distinctes, mais rien n’indiquait qu’elle n’avait pas vocation à travailler sur toutes les émissions du même type produites par son employeur qui avait pour activité permanente la production de programmes.
Les Assedic ont pour but de financer la recherche d’emploi et non les périodes de non travail entre deux productions, qui permettent aux producteurs d’avoir une main d’œuvre en permanence à leur disposition en ne payant que les jours pour lesquels ils l’utilisent réellement.
La cour de cassation avait présenté, dans une série d’arrêts de principe en date du 26 novembre 2003 (13), la démarche que devait suivre le juge du fond en présence d’une demande de requalification en contrat à durée indéterminée. Elle a posé comme principe que le juge devait avant toute chose rechercher si un accord collectif prévoyait ou non cette situation.
Or, dans le domaine du spectacle, un accord en date du 12 octobre 1998, étendu par un arrêté du 15 janvier 1999 (14), organise précisément cette question. Il s’applique à tous les secteurs du spectacle, y compris aux parcs de loisirs et d’attractions pour les activités de spectacle, d’audiovisuel, et d’édition phonographique.
Cet accord précise tout d’abord de façon très claire qu’il n’entend pas déroger à la jurisprudence de la cour de cassation sur le recours légitime au CDD d’usage et qu’il ne contient aucune règle nouvelle. Il rappelle à ce titre que :
« - Le CDD d’usage, comme tout contrat à durée déterminée, doit être écrit ; il doit en outre comporter la définition précise de son motif.
- La succession de CDD d’usage d’un salarié avec le même employeur sur plusieurs années ou plusieurs saisons peut constituer un indice du caractère indéterminé de la durée de l’emploi.»
L’article 3.3. de cet accord interbranche précise en outre que :
« l’employeur qui engage un collaborateur dans le cadre d’un CDD d’usage devra faire figurer sur le contrat l’objet particulier de celui-ci, et justifier du caractère par nature temporaire de cet objet, en indiquant son terme, par une date ou l’intervention d’un fait détermin.»
Il est vrai que cet accord a été récemment dénoncé par la CGT, au motif qu’il a vocation à être remplacé par les dispositions spécifiques des conventions collectives qui sont en cours de réécriture dans tous les secteurs du spectacle, et qui prévoient toutes des dispositions spécifiques au regard des contrats à durée déterminée. Cependant, certaines de ces conventions récemment signées ont tendance à omettre le fait que l’employeur doit toujours justifier de l’objet particulier justifiant le recours au contrat à durée déterminée. Le simple fait de reconnaître qu’il existe un usage dans le domaine d’activité ne suffit pas à justifier le recours au CDDU, position clairement condamnée à maintes reprises par la cour de cassation (15).
Ainsi, un technicien engagé dans une salle de spectacle permanente, même s’il ne travaille pas tous les jours et que la salle fait appel à un pool de techniciens pour assurer la permanence de l’activité ne saurait être engagé sur des contrats à durée déterminée d’usage. La cour d’appel de Paris a ainsi récemment requalifié en CDI les contrats d’un technicien engagé dans une émission de télévision quotidienne au moyen de CDDU qui comportaient comme seul motif qu’il était d’usage dans le secteur de la télévision de recourir à ce type de contrats (16). Le risque de la requalification est important, puisque dans ce cas, le salarié étant en permanence à la disposition de l’employeur, son contrat a été requalifié à temps plein et l’employeur a été condamné à payer les arriérés de salaire sur cinq années.
Le salarié travaillant sur les diverses productions d’une salle de spectacle, sans être affecté à une production particulière, même s’il n’est engagé que de façon intermittente, ne relève pas du CDD d’usage. Il a un engagement durable lié à l’activité permanente de l’entreprise et son contrat pourra être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Le CDD d’usage reste possible pour une production déterminée dont la durée est limitée, pour les artistes embauchés spécialement pour une animation déterminée, qui se présentent sous leur nom d’artiste, pour une manifestation exceptionnelle ou à telle ou telle occasion, mais pas pour gérer les animations et spectacles permanents d’une salle ou assurer la maintenance permanente de la technique, même si celle-ci exige un rythme de travail intermittent. Dans un tel cas c’est le contrat intermittent tel que nous le présentons ci-après qui doit être utilisé.
III. Le recours au contrat de travail intermittent
Ce contrat est défini par les articles L.3123-30 et suivants du code du travail, issus de la loi Aubry du 19 janvier 2000. Il remplace le contrat à temps partiel annualisé.
Ce contrat a pour but de pourvoir les emplois permanents qui, par nature, comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Il s’agit d’un contrat de travail à durée indéterminée. Il est particulièrement adapté aux entreprises des secteurs du spectacle ayant une activité permanente mais dont l’activité fluctue en fonction des représentations et des productions, ou qui gèrent des manifestations se renouvelant chaque année, mais qui ne nécessitent pas un travail sur toute l’année.
Pour conclure des contrats de ce type, il est nécessaire qu’il existe au préalable une convention ou un accord collectif de travail étendu, ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement.
Les salariés y sont parfois opposés (le mot est sans doute faible) parce que ce contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée qui ne leur permet pas de faire ouvrir des droits dans les annexes 8 et 10 du règlement annexé au régime de l’allocation chômage.
La position récente de la cour de cassation devrait toutefois inciter les employeurs à étudier sérieusement ces dispositions et à conclure avec leurs salariés intermittents réguliers des contrats à durée indéterminée de ce type. Il n’y a en effet pas de raison objective de conclure des contrats à durée déterminée successifs alors que la situation correspond à la situation du contrat à durée indéterminée intermittent.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1) Cass. Soc. 23 janvier 2008, n° 06-55197 et 06-43040.
(2) Les dispositions de l’article L. 324-1 du code du travail qui interdisaient l’embauche d’un agent public ont été abrogées à compter du 1er mai 2008 et la mise en place du nouveau code du travail, Loi n° 2007-148 du 2 février 2007. Même le fait que le salarié soit éventuellement en situation de cumul d’emploi illégal au regard de son statut d’agent public ne concerne a priori pas l’employeur. Ce dernier a cependant l’obligation de vérifier que le salarié est bien autorisé à exercer une activité salariée en France et qu’il est physiquement apte à l’emploi, mais il ne s’agit pas d’un statut.
(3) Protocole adopté le 2 mars 2007, étendu par arrêté du 2 avril 2007, JORF du 18 avril 2007, p. 6945. L’ensemble des textes relatifs au chômage est disponible sur le site www.assedic.fr (unijuridis).
(4) La réglementation relative à la licence d’entrepreneur de spectacle, qui est parfois un critère nécessaire, est à compter du 1er mai 2008 intégrée au code du travail aux articles L. 7122-3 et suivants.
(5) L’artiste du spectacle est défini d’une part par l’article L.7121-2 du code du travail, et d’autre part par l’article L.212-1 du code de la propriété intellectuel-le. Attention à ne pas confondre l’artiste du spectacle et l’artiste plasticien qui ne relèvera pas en principe, de ce régime.
(6) Article 56 § 3 des annexes VIII et X précitées.
(7) TGI Paris, 6 décembre 2002, n° 01/19264. Voir sur ce sujet La Lettre de Nodula, octobre 2003, p. 965.
(8) Article 1er de l’arrêté du 24 janvier 1975 relatif aux taux des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales dues au titre de l’emploi des artistes du spectacle, Jo du 31 janvier 1975, p. 1397, modifié par l’arrêté du 12 décembre 2006.
(9) Article 3 de l’arrêté du 24 janvier 1975 précité.
(10) Arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociales, Jo du 22 décembre 2002, page 21758, voir notre commentaire dans La Lettre de Nodula février 2003, p. 879, et circulaires d’application DSS-5B-DC-31/03/03 du 6 juin 2003. Circulaire DSS/SDFSS/N°2003/06 du 6 janvier 2003, Circulaire DSS/SDFSS/5B/N°2003/07 du 7 janvier 2003, commentées dans La Lettre de Nodula de juillet 2003, p. 841, modifié par l’arrêté du 25 juillet 2005.
Les professions qui bénéficiaient d’abattements forfaitaires sur le plan fiscal en application de l’article 5 de l’annexe IV du Code général des Impôts dans sa rédaction du 30 décembre 2000 peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique sur le plan social. Cela concerne notamment les artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques (déduction de 25 %), les artistes musiciens, choristes, chefs d’orchestres, régisseurs de théâtre (déduction de 20 %), les mannequins (déduction de 10 %).
(11) Jo du 10 juillet 1999 p. 43 - 48.
(12) Cass. Soc. n° 06-43040.
(13) Cass. Soc. n° 01-44263, n° 01-47035, n° 01-42977.
(14) Jo du 30 janvier 1999.
(15) Voir encore récemment Cass. Soc. 25 septembre 2007, n° 06-40902, commenté dans La Lettre de Nodula p. 1501.
(16) CA PARIS, 21ème chambre B, 26 janvier 2006, n° S 04/35543, confirmé par Cassation Soc 27 novembre 2007, n° 06-41091.
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