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Cet article a été publié au numéro
168 du mois deJuillet-Août 2007
Un artiste avait conclu avec une société de production un contrat d’exclusivité d’une durée de douze mois pour l’enregistrement et la commercialisation d’un album. Le contrat réservait au producteur la possibilité de lever une option pour deux autres album dans des conditions identiques. L’artiste a réalisé le premier album. Le producteur a ensuite levé l’option pour la réalisation du second album. Un différent ayant opposé les parties, le producteur a informé l’artiste qu’il n’entendait pas lever l’option pour le troisième album. L’artiste a alors saisi le conseil des prud’hommes afin de faire requalifier le contrat d’enregistrement en contrat de travail à durée indéterminée et pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rémunération et de dommages intérêts.
En cas de requalification, la lettre de non-renouvellement du contrat s’analyse en effet en une lettre de licenciement. Ce dernier est alors irrégulier et dénué de motifs. L’employeur n’ayant pas entendu se placer dans le cadre d’une procédure de licenciement, n’avait pas respecté les règles impératives de forme du licenciement et de sa motivation.
La cour d’appel de Versailles avait requalifié les relations entre les parties en contrat à durée indéterminée et dit que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle avait considéré que le droit au renouvellement unilatéral stipulé au bénéfice de l’employeur dans le premier contrat de travail faisait obstacle à la qualification de contrat à durée déterminée, la durée du contrat étant rendue indéterminable du fait de l’option réservée à l’employeur quant à la poursuite, selon les mêmes conditions de la relation de travail. La cour d’appel a considéré que le fait que cette relation ait été scindée en deux contrats à durée déterminée successifs n’avait pas d’importance.
C’est en s’appuyant sur la présence dans le premier contrat de cette clause qui prévoyait la faculté pour l’employeur de proposer au salarié la conclusion ultérieure d’un ou plusieurs autres contrats à durée déterminée, que la cour d’appel a motivé sa requalification. La cour de cassation reproche à la cour d’appel cette motivation (1), et surtout, de ne pas avoir vérifié si, au moment de la levée de l’option décidée par l’employeur, un second contrat à durée déterminée avait été conclu par un écrit conforme aux prescriptions de l’article L. 122-3-1 du code du travail.
En effet, ainsi que le rappelle la cour de cassation, des contrats à durée déterminée successifs peuvent être conclu entre un producteur et le même artiste interprète dans le secteur de l’édition phonographique où il est d’usage constant, en raison du caractère par nature temporaire des emplois, de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée. Ces contrats doivent toutefois être conclu conformément aux dispositions de l’article L. 122-3-1 du code du travail (2). Il doit donc respecter les obligations suivantes :
- Il doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. En matière de disque, il est préférable de mentionner les titres que des œuvres que l’artiste doit enregistrer ou d’organiser un mode précis de choix de ces titres. Il faut que l’artiste soit engagé par la réalisation d’un objet précisément défini.
- Le contrat doit indiquer :
- la date d’échéance du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ;
- la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis ; Si le contrat est conclu pour le temps nécessaire à la réalisation d’un album et à sa promotion, il est indispensable d’organiser une durée minimum.
- la désignation du poste de travail ;
- l’intitulé de la convention collective applicable ; (s’il en existe une, ce qui n’est actuellement pas le cas du secteur de la production phonographique, par contre, si l’entreprise a une activité dominante d’édition musicale, il faut mentionner cette convention)
- la durée de la période d’essai éventuellement prévue ;
- le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris, s’il en existe, les primes et accessoires de salaire ;
- le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l’organisme de prévoyance.
Le contrat de travail doit en outre être transmis au salarié, au plus tard dans les deux jours suivant l’embauche.
Le contrat d’enregistrement à titre exclusif doit soit prévoir une rémunération mensuelle du salarié, soit respecter les dispositions relatives au temps partiel, qui sont précisément encadrées à l’article L 212-4-2 du code du travail (3).
Le recours à ce contrat doit faire au préalable l’objet d’un accord d’entreprise, ou à défaut, de l’accord du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. En l’absence d’institution représentative des salariés dans l’entreprise, le contrat doit être transmis pour information à l’inspection du travail.
Si le salarié doit se ternir en permanence à la disposition de l’employeur sans connaître au moment de la conclusion du contrat la durée et les dates de son travail, il est en mesure d’en demander la requalification en temps plein sur le fondement des dispositions de l’article L. 212-4-3 du code du travail (4).
Les contrats qui renvoient à d’autres contrats conclus uniquement pour les séances d’enregistrement correspondent à des contrats intermittents au sens de l’article L. 212-4-12 du code du travail (5). Ils ne peuvent cependant être conclus que s’il existe un accord collectif, accord qui n’existe pas à l’heure actuelle dans le domaine de la production phonographique. De plus un contrat intermittent est toujours un contrat de travail à durée indéterminée. Il encourra alors la requalification à ce titre.
La seule solution pour sortir des contraintes du code du travail est de sortir du cadre de la présomption de salariat de l’article L. 762-1 du code du travail (6) ce qui n’est possible que si l’artiste est résident et travaille habituellement de façon indépendante dans un autre état de l’Espace économique européen, ou si le contrat est conclu dans des conditions impliquant l’inscription de l’artiste au registre du commerce, comme un contrat de coproduction.
(1) Cass. Soc. 13 juin 2007, n° 05-45377.
(2) Articles L 1242-12 et 1242-13 du nouveau code du travail.
(3) Articles L. 3123-1, L.3123-2 et R.3123-1 du nouveau code du travail.
(4) Articles L.3123-14 à L.3123-24 du nouveau code du travail.
(5) Articles L. 3123-31 à L. 3123-37 du nouveau code du travail.
(6) Article L. 7121-3 et suivants du nouveau code du travail.
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