Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne.
Cet
article est issu de la rubrique questions écrites.
Nous sélectionnons chaque mois quelques questions
écrites posées par des députés
ou sénateurs. Nous publions la réponse qu'y
a apportée le ministre, et nous en faisons éventuellement
un commentaire, dans lequel nous complétons, parfois
de façon critique, ces questions et réponses.
Cet article a été publié au numéro
164 du mois de mars 2007.
Question. Monsieur Jean-Louis MASSON demande
à Monsieur le ministre de lintérieur
et de laménagement du territoire, de lui indiquer
si lorsquune association danimation municipale
connaît un déficit très important, le
conseil municipal peut désigner une autre association
pour assurer les activités danimation en cause
tout en épongeant parallèlement le déficit
financier important de la précédente association,
par ailleurs mise en liquidation. Plus précisément,
il lui demande si une commune peut assumer le déficit
dune association alors que ladite association ne présente
plus aucun intérêt communal pour lavenir.
Réponse. (1)
En application de larticle L. 1111-2 du code général
des collectivités territoriales, les communes, départements
et régions règlent, par leurs délibérations,
les affaires de leur compétence. Les collectivités
territoriales concourent ainsi avec lÉtat au
développement économique, social, sanitaires,
culturel et scientifique. Dans ces conditions, le fait quune
personne autre que la commune soit chargée, sur le
territoire communal, de la gestion dune activité
de service public telle que lanimation culturelle
revêt un intérêt communal. Dès
lors quune association a été chargée,
sur le territoire de la commune, de la gestion dune
activité de service public local, il existe un intérêt
public local justifiant la prise en charge par la commune
des dettes contractées par cette association (CE,
4 août 2006, commune de Grimaud, n° 271964). Le
Conseil dEtat a ainsi été conduit à
statuer sur le cas dune commune qui avait confié
à une association lanimation culturelle de
la commune. La collectivité avait versé une
subvention à cette association au titre de lorganisation
de représentations chorégraphiques. è
lissue de cet événement, lassociation
avait été confrontée à un important
déficit. Une fois lassociation dissoute, la
commune a décidé de reprendre en régie
le service danimation culturelle de la commune et
de prendre en charge les factures impayées, malgré
labsence de dispositions réglementaires et
législatives ly autorisant. Le Conseil dEtat
a estimé que si le versement dune subvention
à une association chargée de lanimation
culturelle relevait de lintérêt communal,
alors, à ce titre, la prise en charge par la commune
du déficit de cette association ne pouvait être
considérée comme dépourvue dintérêt
communal. En revanche, en labsence déléments
permettant dapprécier lexistence dun
intérêt communal, une commune ne saurait assumer
le déficitdune association par une délibération
prise dans ce sens, sous peine de sexposer à
la censure du juge. En labsence de
dispositions habilitant expressément la commune à
accorder des concours financiers à des personnes
privées ou lui en faisant lobligation, il nappartient
pas au conseil municipal de prendre des délibérations
ayant pour effet de mettre à la charge du budget
communal des dépenses pour lexécution
dopérations ne présentant pas un intérêt
général pour la commune (CE,
15 avril 1996, ville de Nice, n° 150307, Rec. CE :
131).
Commentaire. - la décision du Conseil
dEtat citée par le ministre est particulièrement
intéressante. Dans cette affaire, le préfet
du Var, avait déféré devant le tribunal
administratif de Nice la délibération par
laquelle le conseil municipal de Grimaud avait décidé
de prendre en charge les dettes certaines et incontestées
de loffice culturel municipal. Ce tribunal avait annulé
cette délibération, jugement confirmé
par la cour administrative dappel de Marseille.
Le Conseil dEtat a quant à lui eu une position
opposée et considéré que
la circonstance quune personne autre que la commune
sest trouvée chargée, sur le territoire
et pour le compte de celle-ci, de la gestion dune
activité de service public administratif local est
au nombre des éléments susceptibles dêtre
retenus pour apprécier lexistence dun
intérêt communal à lextinction
des dettes contractées par elle dans lexercice
de cette activité ; que par suite, après
avoir admis que la subvention initialement consentie revêtait
un intérêt communal, quen labsence
de dispositions législatives ou réglementaires
ly autorisant, la prise en charge par la commune des
factures impayées de loffice culturel de Grimaud
était nécessairement dépourvue dintérêt
communal, la cour administrative dappel de Marseille
a commis une erreur de droit.
Le Conseil dEtat ayant décidé de régler
laffaire au fonds, larrêt nous apprend
que les représentations chorégraphiques avaient
été données sur un site mis à
la disposition de loffice culturel de Grimaud par
la commune, et quelle avaient été financées,
notamment par une subvention de la commune de Grimaud et
une subvention du département du Var versée
directement à la commune. Larrêt relève
encore que lassociation régie par la loi du
1er juillet 1901 avait pour président et pour vice-président
des membres du conseil municipal de Grimaud, que son siège
était en Marie, quelle était dépourvue
de tout personnel salarié et quelle fonctionnait
grâce aux subventions de la commune et aux moyens
fournis par elle. Que, à la suite des représentations
déficitaires, la commune a rapidement décidé
la dissolution de cette association et la reprise en régie
du service danimation culturelle de la commune.
On comprend que le préfet du Var, les magistrats
du tribunal administratif de Nice et ceux de la Cour dappel
de Marseille aient pu être tentés de refuser
à la commune le droit déponger ce déficit.
En effet, la présentation des faits telles quelle
résulte de larrêt montre tout dabord
que la commune a voté une délibération
concernant une entreprise dirigée par ses membres,
ce qui est formellement interdit par larticle L. 2131-11
du Code général des collectivités territoriales
qui énonce que sont illégales
les délibérations auxquelles ont pris part
un ou plusieurs membres du conseil intéressés
à laffaire qui en fait lobjet, soit en
leur nom personnel , soit comme mandataires.
(2). De plus, cette association était clairement
une association parapublique permettant aux élus
de gérer des fonds hors des règles de la comptabilité
publique, ce qui relève de la gestion de fait. En
principe, les responsables de cette association auraient
pu être déclarés personnellement responsables
des fonds ainsi sortis illégalement du budget de
la commune. Dautant que lassociation utilisait
le matériel, les structures et le personnel de la
commune, mais encaissait les recettes liées à
ses activités de spectacles.
Il peut paraître difficile de comprendre la position
du Conseil détat, sauf, à constater
que certain Conseiller dEtat ayant participé
activement à cette décision ne disposait peut
être pas de toute lindépendance que devrait
requérir leurs fonctions. Cela pose le problème
de la dualité de fonction du Conseil dEtat
Comment peut-on conseiller des instances politiques ou administratives,
être nommé à certaines fonctions qui
ne sont pas quhonorifiques par des ministres, et avoir
un regard juridique objectif quand lon juge des actes
émanant de ces mêmes ministres, ou similaires
à ceux que lon pratiquent ou que lon
a pratiqué dans le cadre de ses fonctions au sein
dinstitutions culturelles.
(1) QE Sénat, 1er mars 2007,
p. 476.
(2) De tels faits pourraient également
être passibles notamment des sanctions pénales
des articles 432-1, 432-2 et 432-12 et 432-14 du code pénal.
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