Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne.
Cet
article est issu de la rubrique questions écrites.
Nous sélectionnons chaque mois quelques questions
écrites posées par des députés
ou sénateurs. Nous publions la réponse qu'y
a apportée le ministre, et nous en faisons éventuellement
un commentaire, dans lequel nous complétons, parfois
de façon critique, ces questions et réponses.
Cet article a été publié au numéro
162 du mois de janvier 2007.
Question M. Georges Mouly attire lattention
de M. le ministre de léconomie, des finances
et de lindustrie sur un aspect du nouveau code des
marchés publics qui selon la confédération
permanente des coordinations associatives, ne lèverait
pas le flou sur la question de la procédure allégée
de larticle 30 permettant aux associations de répondre
à la commande publique, selon une mise en concurrence
adaptée a leurs spécificités. Il le
remercie, en conséquence, de bien vouloir lui préciser
si le nouveau code des marchés publics permet ou
non aux associations de soumissionner.
Réponse (1)
En premier lieu, il convient de rappeler que, conformément
à lavis du Conseil dÉtat, il a
été décidé de sécuriser,
pour les marchés de services relevant de larticle
30 du code des marchés publics, les achats publics
en imposant au pouvoir adjudicateur le suivi dune
procédure adaptée. En effet, la jurisprudence
communautaire en matière de droit de la commande
publique impose le respect de règles minimales de
publicité et de mise en concurrence pour lensemble
des marchés publics. Telle est du reste la raison
pour laquelle le Gouvernement avait modifié sur ce
point la version antérieure du code des marchés
publics, par un décret n° 2005-1008 en date du
24 août 2005. Le nouveau code nintroduit donc
sur ce point aucune contrainte supplémentaire. Rien
dans le code ninterdit à une association de
participer à la commande publique et de soumissionner
aux marchés publics.
Les associations à but non lucratif peuvent ainsi
se porter candidates à lattribution dun
marché public librement. En labsence de cadre
juridique spécifique, leur candidature devra respecter
les règles de droit commun. La Cour de justice des
communautés européennes a même considéré
dans son arrêt ARGE Gewässerschutz
du 7 décembre 2000, sur la question de savoir si
une association qui perçoit des subventions publiques
peut se porter candidate à lattribution dun
marché public de prestations de services que le
principe dégalité de traitement des
soumissionnaires (...) nest pas violé au seul
motif que le pouvoir adjudicateur admet à participer
à une procédure de passation dun marché
public de services des organismes qui reçoivent,
de lui-même ou dautres pouvoirs adjudicateurs,
des subventions, quelle quen soit la nature, permettant
à ces organismes de faire des offres à des
prix sensiblement inférieurs à ceux de leurs
co-soumissionnaires qui ne bénéficient pas
de telles subventions . Un acheteur public
ne peut donc pas exclure de manière systématique
les offres émanant dorganismes ayant reçu
une ou des subventions. Il lui appartient cependant, si
ces offres apparaissent anormalement basses au sens de larticle
55 du code des marchés publics, danalyser la
structure des coûts des organismes en cause afin de
déterminer si certains postes largement subventionnés
peuvent être susceptibles de provoquer des distorsions
de concurrence. Enfin, sagissant plus particulièrement
de certains services comme les services sociaux et sanitaires
ou des services dinsertion professionnelle, il importe
de rappeler que lobligation de mise en concurrence
ne concerne que les marchés publics. Cette obligation
ne simpose donc pas dans le cas des subventions, cest-à-dire
de financements accordés de manière unilatérale
par la personne publique suite à la demande spontanée
dun organisme, le plus souvent privé, qui souhaite
mener un projet ou accomplir une mission, raison dêtre
de son existence.
Commentaire de Roland LIENHARDT, avocat à la
cour
Un certain nombre dassociations sont inquiètes
car elles ont peur de se voir appliquer une mise en concurrence
au même titre que toute entreprise, oubliant quelles
ont une activité économique et quelles
ne devraient pas en principe avoir peur de la transparence.
Ce débat est né de la réécriture
de larticle 30 du CMP (2) relatif
à la procédure allégée. Dans
sa version antérieure au 1er septembre 2006, cet
article énumérait la liste des marchés
de services dérogatoires, cest-à-dire
nétant pas soumis à la règle
de mise en concurrence préalable, mais pouvant être
attribués selon une procédure allégée
sans mise en concurrence directe et dans le respect des
règlements communautaires existants. On trouvait
dans cette liste les services juridiques, les services sociaux
et sanitaires, les services récréatifs, culturels
et sportifs, les services déducation, de qualification
et dinsertion professionnelles. Si ces marchés
de services visés par larticle 30 correspondaient
à lun des cas dérogatoires prévus
par larticle 28 (3), ils pouvaient
alors être passés sans publicité ni
mise en concurrence préalables.
Désormais, larticle 30 dispose que les
marchés et les accords-cadres ayant pour objet des
prestations de services qui ne sont pas mentionnées
à larticle 29 (4) peuvent
être passés, quel que soit leur montant, selon
une procédure adaptée, dans les conditions
prévues par larticle 28 . Le principe
est toujours le même : dans lhypothèse
où un marché de service nest pas cité
dans larticle 29 et quil correspond à
lun des cas dérogatoires prévus par
larticle 28, ce marché pourra être passé
sans avoir à respecter les procédures de publicité
et de mise en concurrence formalisées.
Le Ministère des finances justifie la disparition
de la liste énonçant les services dérogatoires
au motif quune disposition dispensant de toute obligation
de publicité ou de mise en concurrence va à
lencontre des grands principes de la commande publique.
De même, selon le Ministère, la
procédure adaptée reste plus souple que le
droit commun puisque ses modalités sont librement
fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de
la nature et des caractéristiques du besoin à
satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs
économiques susceptibles dy répondre
ainsi que des circonstances de lachat .
Certains aimeraient voir les associations échapper
à toute contrainte pour la seule raison quil
sagit dassociations. On entend à nouveau
le poncif selon lequel les organismes associatifs ne sauraient
être regardés, compte tenu de leur objet et
des conditions dans lesquelles ils exercent leur activité,
comme des opérateurs économiques sur un marché
concurrentiel.
Pourtant, cette analyse fait totalement abstraction du fait
que de nombreuses associations exercent des activités
économiques dans des secteurs concurrentiels. Larticle
1er de la directive 2004/18/CE dispose que lopérateur
économique couvre à la fois les notions dentrepreneur,
fournisseur et prestataire de services, notions qui désignent
toute personne physique ou morale ou entité
publique ou groupement de ces personnes et/ou organismes
qui offre, respectivement, la réalisation de travaux
et/ou douvrages, des produits ou des services sur
le marché .
Laccès aux
marchés publics est-il réservé aux
associations à but non lucratif ?
La réponse du ministre des finances lindique
clairement. Il est bien entendu possible de prétendre
que cest par inadvertance quil a utilisé
la notion dassociation à but non lucratif,
et quil a voulu en réalité parler dassociation
selon la loi de 1901. Nous ne le pensons pas. Le ministère
des finances a suffisamment bataillé ces dernières
années pour faire reconnaître la notion dassociation
à but lucratif pour ne pas utiliser la notion dassociation
à but non lucratif à la légère.
Nous approuvons totalement cette analyse, mais ne sommes
pas certains que la plupart des lecteurs en comprennent
le sens.
En effet, en matière financières les associations
à but non lucratifs sont les associations qui respectent
le cadre légal de la loi de 1901 et qui sont considérées
au sens fiscal du terme comme ayant une gestion désintéressée
(5).
En effet, pour soumissionner à un marché public,
il est nécessaire dexister légalement.
Une association selon la loi de 1901 considérée
comme étant à but lucratif sur le plan fiscal,
et qui est à ce titre soumise à la fiscalité
des entreprises commerciales, ne devrait en principe plus
exercer dans le cadre de la loi de 1901. Sa gestion étant
intéressée, elle ne correspond plus à
la définition de larticle 1er qui énonce
que lassociation est la mise en commun de moyen dans
un but autre que de partager des bénéfices.
Par ailleurs, un certain nombre de secteurs dactivité,
notamment le spectacle, est par nature commerciale, et il
ne devrait pas même être possible dy intervenir
dans un cadre professionnel sans être immatriculé
au registre du commerce. Les associations fiscalement à
but lucratif qui y interviennent ne devraient donc pas pouvoir postuler à des marchés publics puisque
la question de leur légalité intrinsèque
peut être posée.
Il est donc logique que seules les associations considérées
fiscalement comme étant à but non lucratif,
et donc a priori en phase avec les principes de la loi de
1901 sur le contrat dassociation, soient acceptées
à postuler à des marchés publics.
La France qui a développé à outrance
le recours à la technique associative pour contourner
les contraintes de la rigueur de la gestion publique, na
pas fini de saffronter aux exigences communautaires
qui imposent la réforme régulière depuis
ces dernières années du code des marchés
publics.
Il nous semble quaucun démocrate ne peut soffusquer
de voir reconnu la spécificité des associations
selon la loi de 1901, et partant la mise en place de procédures
permettant de lutter contre le dévoiement de cette
structure par nombre dintervenants publics ou privés,
qui ny voient quun moyen de se gérer
des fonds de commerce et dintervenir dans le domaine
économique en pouvant bénéficier facilement
de fonds publics sans prendre aucun risque.
Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris
(1) QE AN. 4 janvier 2007 p. 25.
(2) Article 30 du Code des marchés
publics (version en vigueur à la date de l'article) :
I. - Les marchés et les
accords-cadres ayant pour objet des prestations de services
qui ne sont pas mentionnées à larticle 29
peuvent être passés, quel que soit leur montant,
selon une procédure adaptée, dans les conditions
prévues par larticle 28.
II. - Toutefois :
1° Les dispositions des III et IV de larticle 40
ne sont pas applicables :
2° Lorsque le montant estimé des prestations
demandées est égal ou supérieur à
210 000 Euros HT, elles sont définies conformément
aux dispositions de larticle 6 et le marché
fait lobjet dun avis dattribution dans
les conditions fixées à larticle 85 ;
3° Les marchés dun montant égal
ou supérieur à 210 000 Euros HT sont
attribués par la commission dappel doffres
pour les collectivités territoriales et après
avis de la commission dappel doffres pour lÉtat,
les établissements publics de santé et les
établissements publics sociaux ou médico-sociaux ;
4° Le pouvoir adjudicateur veille au respect des principes
déontologiques et des réglementations applicables,
le cas échéant, aux professions concernées ;
5° Les marchés de services juridiques ne sont
pas soumis aux dispositions du titre IV de la présente
partie. En outre, ceux de ces marchés qui ont pour
objet la représentation dune collectivité
territoriale en vue du règlement dun litige
ne sont pas transmis au représentant de lÉtat.
III. - Lorsquun marché ou un accord-cadre
a pour objet à la fois des prestations de services
mentionnées à larticle 29 et des
prestations de services qui ny sont pas mentionnées,
il est passé conformément aux règles
qui sappliquent à celle de ces deux catégories
de prestations de services dont le montant estimé
est le plus élevé.
(3) Larticle 28 du Code des marchés
publics définit ce que lon appelle la
procédure adaptée . Cela
signifie que la personne publique ou le pouvoir adjudicataire
nest pas tenu à une des procédures formalisées
du code des marchés publics, mais définit
lui-même les règles de la publicité
et de la mise en concurrence en fonction de lopération.
Celles-ci étant réputées respectées
si elles ont permis la présentation de plusieurs
offres concurrentes.
Cette procédure ne joue que pour les marchés
dont le montant est inférieur aux seuils mentionnés
au II de larticle 26. Au-dessus des seuils de procédure
formalisée, lacheteur public est tenu de mettre
en uvre, outre les règles de publicité,
le principe de mise en concurrence prévu par le code.
Ces seuils sont fixés à larticle 26
:
- pour les marchés de fournitures et de services,
à 135 000 HT pour lÉtat et 210 000 HT
pour les collectivités territoriales ;
- pour les marchés de travaux, à 210 000 HT,
que ce soit pour lÉtat ou pour les collectivités
territoriales.
Le code désigne les marchés conclus en dessous
de ces seuils comme des marchés passés selon
une procédure adaptée. Ces marchés
sont les marchés sans formalités préalables
mentionnés dans le code général des
collectivités territoriales.
Le dernier alinéa de larticle 28 énumère
limitativement les marchés pouvant être passés
sans publicité ni mise en concurrence préalables,
notamment les marchés dont le montant est inférieur
à 4 000 euros HT.
(4) Article 29 du Code des marchés
publics : Sont soumis, en ce qui concerne leur
passation, aux règles prévues par le présent
titre les marchés publics et les accords-cadres ayant
pour objet les services énumérés ci-dessous :
1. Services dentretien et de réparation ;
2. Services de transports terrestres, y compris les
services de véhicules blindés et les services
de courrier ;
3. Services de transports aériens de voyageurs
et de marchandises ;
4. Services de transports de courrier par transport
terrestre et par air ;
5. Services de communications électroniques ;
6. Services financiers : services dassurances,
services bancaires et dinvestissement, sous réserve
des dispositions des 3¼ et 5¼ de larticle 3 ;
7. Services informatiques et services connexes ;
8. Services de recherche-développement, sous
réserve des dispositions du 6¼ de larticle 3 ;
9. Services comptables, daudit et de tenue de
livres ;
10. Services détudes de marché
et de sondages ;
11. Services de conseil en gestion et services connexes ;
12. Services darchitecture ; services dingénierie
et services intégrés dingénierie ;
services daménagement urbain et darchitecture
paysagère ; services connexes de consultations
scientifiques et techniques ; services dessais
et danalyses techniques ;
13. Services de publicité ;
14. Services de nettoyage de bâtiments et services
de gestion de propriétés ;
15. Services de publication et dimpression ;
16. Services de voirie et denlèvement
des ordures, services dassainissement et services
analogues.
(5) Voir sur cette question linstruction
fiscale de 14 septembre 1998, Jo du 16 septembre 1988, p.
14111, et notre commentaire dans La Lettre de Nodula octobre
1998, p. 388.
(1) CJCE, affaire C-255/04. Nous avons
commenté cette décision dans notre numéro
157 de juillet 2006, p. 1333.
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