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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Embauche des artistes européens :
la Commission européenne demande à la France de modifier sa réglementation

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne.

Cet article a été publié au numéro 161 du mois de décembre 2006.

Par un arrêt en date du 15 juin 2006, la Cour de justice des communautés européennes a considéré qu’en imposant une présomption de salariat aux artistes qui sont reconnus comme prestataires de service établis dans leur État membre d’origine où ils fournissent habituellement des services analogues, la République Française avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 du traité instituant la Communauté Européenne (1).

Cette décision est de conséquence, même si les institutions françaises ont essayé d’en atténuer la portée. En effet, en supprimant la possibilité d’invoquer la présomption pour les artistes régulièrement installés et exerçant habituellement dans un autre état membre, cette décision inverse la charge de la preuve. Si une entreprise invoque le fait que ses artistes européens sont des prestataires de service régulièrement installés et exerçant dans leur état de résidence européen, ce sera à l’inspection du travail, à l’URSSAF, à AUDIENS ou aux Congés spectacles d’apporter la preuve du lien de subordination juridique d’une certaine permanence impliquant la statut de salarié pour la prestation fournie en France, ce qui pour des artistes embauchés la plupart du temps sur de courtes périodes sera impossible à rapporter.

L’inspection du travail a adressé en date du 2 octobre 2006 une instruction aux services de contrôle destinée à préciser l’application de l’article L. 762-1 du code du travail. Cette instruction énonce que :

« afin de respecter le principe de la libre prestation de service tel qu’interprêté par la Cour de justice des communautés européeennes, les agents de contrôle de l’inspection du travail apprécieront, le cas échéant, par tout moyen susceptible de l’attester la réalité du statut de prestataire de service dans l’État membre où l’artiste est établi et reconnu comme tel et où il fournit habituellement des services analogues lorsque ce statut est invoqué. Ils vérifieront, en outre, si les caractéristiques de la relation de travail, pour la prestation effectuée en France, relèvent bien d’un travail indépendant et temporaire. »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette instruction n’est pas d’une grande limpidité. En effet, le point 36 de l’arrêt de la cour est très précis. Il précise que peuvent seuls relever du salariat en France les artistes prestataires de services en provenance d’un autre État membre qui exercent leur activité en France de manière dépendante, en tant que “ travailleur salarié ” au sens du droit communautaire. L’arrêt renvoie à sa jurisprudence définissant cette notion et notamment au point 25 de l’arrêt du 27 juin 1996, C-107/94 qui énonce que :

« Selon la jurisprudence constante de la Cour, est à considérer comme “ travailleur ” au sens de l’article 48 du traité toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique essentielle de la relation de travail est, selon cette jurisprudence, la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération (arrêt du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, 66/85, Rec p. 2121, point 17) »

La manière dont l’administration française a retranscrit cette décision nous semble donc fort partielle. En effet, les danseurs ou les musiciens d’un ensemble artistique européen constitué dans un autre État européen ne seront jamais sous la direction du producteur de spectacle français, mais pourront être sous la subordination du producteur de spectacle prestataire de service établi dans un autre État membre. Il est donc nécessaire de préciser non seulement la situation de l’artiste indépendant, mais encore la situation des musiciens et artistes éventuellement subordonnés à cet artiste prestataire indépendant.

Cela est important puisque la présomption de salariat de l’article L. 762-1 du code du travail écarte tous les critères classiques excluant en principe le salariat.

Cet article énonce que la présomption n’est pas détruite par le fait que l’artiste conserve la liberté de son art, ce qui implique qu’il n’est pas sous la direction du producteur.

Afin de permettre la mise en conformité du droit français, il nous semble donc nécessaire de modifier un certain nombre de dispositions du code du travail, et notamment de l’article L. 762-1.

C’est également la position de la Commission européenne puisque celle-ci vient d’adresser à la France une mise en demeure pour l’inviter à fournir des informations complètes sur l’exécution de l’arrêt de la Cour du 15 juin 2006. La Commission estime que la communication d’une instruction aux services de contrôle ne constitue pas une mesure satisfaisante car une simple instruction administrative, par nature modifiable au gré de l’administration, ne saurait être considérée comme constituant une exécution valable d’un arrêt de la Cour condamnant une disposition législative.

Il serait temps que la France réfléchisse sérieusement à modifier l’ensemble de sa réglementation sur l’emploi des artistes.

(1) CJCE, affaire C-255/04. Nous avons commenté cette décision dans notre numéro 157 de juillet 2006, p. 1333.



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