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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Licenciement pour motif artistique

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne.

Cet article a été publié au numéro 159 de du mois d'octobre 2006.



Est-il possible de se séparer d’un artiste pour des motifs artistiques ? Une décision récente du ministre du travail rappelle que le code du travail s’applique aussi dans les théâtres publics (1). La question se pose bien entendu différemment selon que l’artiste aura été engagé sur un contrat à durée déterminée (CDD) ou sur un contrat à durée indéterminée (CDI).

Les artistes engagés sur CDD 


Les contrats à durée déterminée sont strictement encadrés par le code du travail qui limite également les possibilités de rupture de ces contrats. L’article L. 122-3-8 indique que “ sauf accord des parties, le CDD ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure. ”

Il sera très rare de pouvoir considérer qu’un motif d’ordre artistique puisse constituer une faute grave. Le cas le plus fréquent en la matière est le refus de l’artiste d’obéir aux consignes du metteur en scène, du chorégraphe ou du réalisateur. Encore faudra-t-il que ce refus puisse s’analyser en un cas d’insubordination caractérisée et que l’artiste n’ait pas une raison sérieuse de refuser d’obtempérer à la demande du réalisateur. La faute grave ne sera alors pas fondée sur le désaccord artistique, mais sur le fait que l’artiste refuse de faire ce que lui demande son supérieur. Avant de procéder au licenciement de l’artiste salarié, il faudra se ménager des preuves et être certain de disposer de témoignages confirmant le refus d’obtempérer de l’artiste et s’assurer que le contrat de l’artiste ne l’autorise pas à refuser ce qui lui demande le directeur artistique.

Les artistes engagés sur CDI

Le cas est nettement plus délicat. Il concerne les structures permanentes. Pour que l’employeur puisse procéder au licenciement d’un artiste, et ne pas encourir le risque d’une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il faut qu’il puisse justifier d’éléments objectifs sur lesquels le juge éventuellement saisi sera en mesure d’exercer son contrôle (2).

Dans une décision en date du 15 mars 2006, concernant le licenciement d’un comédien par ailleurs délégué du personnel, effectué par la Comédie Française, qui est un établissement public de nature industrielle et commerciale dont les salariés relèvent du droit du travail, l’inspection du travail a considéré “ que l’évaluation d’un comédien s’effectue à partir de critères qui sont fonction notamment de la politique artistique mise en œuvre par l’administrateur, ces critères étant susceptibles d’évoluer selon le répertoire et la composition du comité d’administration. Qu’il n’apparaît pas que le jugement artistique donné par le comité d’administration repose sur des éléments concrets. Qu’en l’absence de pièces matérielles permettant d’apprécier la réalité de l’insuffisance alléguée et qui pourrait permettre d’effectuer une comparaison entre la qualité des prestations de ce comédien par rapport à ceux de ses collègues placés dans une situation proche, l’insuffisance alléguée ne peut être regardée comme établie. Que le motif est insuffisant pour justifier la rupture du contrat du travail ”.

Cette décision a été confirmée par une décision du ministre du travail en date du 23 août 2006 qui a précisé “ que dans l’espèce, l’autorité administrative ne dispose d’aucun élément autre que la seule décision non motivée du comité d’administration de l’établissement public contestant les qualités professionnelles de l’intéressé et son aptitude à progresser;  Que, si à l’évidence, l’appréciation des qualités professionnelles d’un comédien est délicate, subjective et se prête difficilement à l’énoncé de causes précisément définies, il doit néanmoins être présenté à l’autorité administrative des éléments permettant d’établir que le licenciement n’est pas purement discrétionnaire ou lié à l’exercice du mandat représentatif; que ni l’inspectrice du travail, ni l’autorité investie du pouvoir hiérarchique ne sont à même de porter une telle appréciation en l’état du dossier qui leur a été fourni, qu’il y a donc lieu de confirmer le refus d’autorisation de licenciement. ”

Il est donc possible d’invoquer un motif artistique si ce motif ressort d’éléments objectifs sur lesquels le juge et/ou l’inspection du travail seront en mesure d’exercer un contrôle.
Plusieurs cas de figure peuvent se poser. Tout d’abord, l’artiste peut ne pas entretenir sa technique et ne plus être au niveau technique qui avait justifié son embauche. Dans un tel cas, l’avis technique et artistique du directeur de l’orchestre ou de la compagnie ne pourra être utile puisqu’il émane de l’employeur. Il sera nécessaire de se ménager une preuve objective indépendante. Par exemple, le chef d’orchestre peut soumettre l’examen du maintien du niveau technique de l’artiste à une commission indépendante, dont la composition et les règles de saisine et de notation sont prévues par le règlement intérieur de l’entreprise, composée majoritairement de personnes étrangères à l’entreprise et choisies pour leurs compétences. Le contrat de travail de l’artiste devra faire référence à ce règlement intérieur, devra prévoir que l’artiste a l’obligation de se maintenir à niveau et de consacrer chaque semaine le temps nécessaire à l’entretien de sa technique, ce temps devant d’ailleurs être rémunéré. Cette commission pourra solliciter de l’artiste un test de contrôle de niveau. Ce test servant alors d’élément objectif et contrôlable permettant au chef d’entreprise de fonder sa décision de licenciement. La commission ne devant en aucun cas prendre une décision, mais uniquement un avis fondé sur une appréciation objective et précise permettant au chef d’entreprise d’engager éventuellement sans risque une procédure de licenciement.

Les critiques peuvent également être fondées sur des motifs artistiques, le fait que l’artiste ne sache pas son texte, ait des défaillances de mémoire récurrentes, ne s’entende pas avec les autres artistes et ait été à l’origine d’incidents, refuse les consignes artistiques de tel ou tel metteur en scène, réalisateur, chorégraphe ou chef d’orchestre. Tous ces éléments doivent alors être clairement rapportés par des témoignages. Ces derniers doivent alors émaner soit de personnes extérieures à l’entreprise, soit de personnes n’étant pas directement associées au chef d’entreprise.

Roland LIENHARDT
Avocat à la Cour

(1) Décision du ministre du travail du 23 août 2006-Comédie Française.
(2) Cette obligation résulte de l’article L. 122-14-3 du code du travail qui énonce que “ en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au des éléments fournis par les parties (...) ”.



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