Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne.
Cet article a été publié au numéro
150 d'octobre 2005
Il
est issu de notre rubrique de sélection de questions
écrites posées par les parlementaires (députés
et sénateurs), et de la réponse que le ministre
y a apporté, suivi de notre commentaire, dans lequel
nous complétons, critiquons ou commentons le sujet.
Question. - M. Michel Voisin appelle lattention
de M. le ministre de la culture et de la communication sur
les préoccupations des professionnels du spectacle
face aux entorses de plus en plus fréquentes au statut
amateur pratiquées par des artistes regroupés
en association de type loi 1901. Daprès les
dispositions prévues par le décret n°
53-1253 du 19 décembre 1953, les amateurs dans le
spectacle sont définis comme des personnes qui
ne reçoivent aucune rémunération,
mais tirent leurs moyens habituels dexistence de salaires
ou de revenus étrangers aux diverses activités
artistiques des professions du spectacle . Dès
lors, seul le remboursement sur justificatifs des frais
réellement engagés pour ce type dactivités
est possible. Or il semblerait que certains artistes amateurs
exercent une véritable activité commerciale
sous le couvert dassociations régies par la
loi de 1901, leur permettant déchapper aux
taxes et charges sociales. Ce phénomène, qui
tendrait à se développer, génère
une véritable distorsion de concurrence avec les
professionnels du spectacle qui sacquittent normalement
de leurs obligations sociales et fiscales. En conséquence,
il lui demande si ce type de dérives a pu être
appréhendé dans toute sa réalité
par les services de son ministère et quelles mesures
il envisage de prendre pour remédier à cette
situation.
Réponse. (1) -
Lhonorable parlementaire a bien voulu appeler lattention
du ministre de la culture et de la communication sur les
spectacles organisés par des associations dartistes
amateurs qui créeraient par leur multiplication des
distorsions de concurrence. Le ministre rappelle que lorganisation
de spectacles vivants est réglementée par
lordonnance n° 45-2339 du 13 août 1945 relative
aux spectacles modifiée par la loi n° 99-198
du 18 mars 1999. À ce titre, tout entrepreneur de
spectacles vivants lorsque cest son but et son activité
- quel que soit son mode de gestion, public ou privé,
à but lucratif ou non - doit être titulaire
dune licence dentrepreneur de spectacle. Par
ailleurs, lorsque ce nest ni son but, ni son activité
et dès quil organise plus de six spectacles
par an avec la participation dau moins un artiste
du spectacle percevant une rémunération, il
doit être titulaire dune licence autorisant
lexercice de la profession. Lattribution de
la licence qui diffère selon les métiers exercés
(exploitant de lieux de spectacles, producteurs ou diffuseurs
de spectacle) est subordonnée au respect du droit
du travail et de la propriété littéraire
et artistique. Cette législation vise à assurer
les conditions dune concurrence loyale : depuis
2003, une sensibilisation accrue des directions départementales
du travail a été opérée, afin
quelles multiplient les contrôles dans ce secteur
dactivité. Par ailleurs, le ministre de la
culture et de la communication attache une importance particulière
à la clarification des conditions de la pratique
artistique en amateur afin quelle puisse se développer
sans concurrence déloyale à légard
des artistes professionnels. Une réforme du décret
n° 53-1253 du 19 décembre 1953 est en cours de
préparation en collaboration avec les partenaires
sociaux représentés au sein du conseil national
des professions du spectacle.
Commentaire : Exemple parfait de langue
de bois ! Le ministre ne répond pas à
la question. En effet, en application de larticle
1er de lordonnance du 13 octobre 1945 (2)
telle que modifiée par la loi de 1999, la réglementation
de la licence de spectacles ne sapplique quaux
spectacles vivants produits ou diffusés par des personnes
qui, en vue de la représentation en public dune
oeuvre de lesprit, sassurent la présence
physique dau moins un artiste du spectacle percevant
une rémunération. Ainsi, comme le répondent
certains services du ministère de la culture, si
les entreprises ne salarient pas les artistes, elles ne
sont pas concernées par la licence. Les agents du
ministère de la culture ne sont dailleurs pas
habilités à exercer des contrôles en
matière de droit du travail, lesquels concernent
le ministère de lemploi. Ainsi que nous lavons
dailleurs écrit dans notre commentaire de la
loi de 1999, ce texte ne sadresse pas aux employeurs
qui pratiquent le travail dissimulé. De toute façon,
les textes sur la licence de spectacle nont jamais
eu pour objectif de faire respecter le droit social. Pour
cela il suffirait davoir un peu de volonté
politique, ce qui nest pas possible, la plupart des
contrôles butant sur laspect para public de
la plupart des entreprises en situation dillégalité.
Le problème soulevé par lhonorable parlementaire
vient du fait que le décret de 1953 qui est censé
structurer le spectacle amateur ne peut être interprété
que dans le respect des règles du code du travail
mises en place depuis cette date à un niveau législatif
et qui simposent comme norme supérieure. En
effet, ce texte organisant le spectacle amateur défini
comme celui utilisant des artistes non salariés ne
peut être pris par un décret, sauf à
devoir être interprété dans le respect
dune part des dispositions de larticle L. 762-1
du code du travail qui organise la présomption de
salariat des artistes, et dautre part dans le respect
des dispositions de larticle L.324-10 du code du travail
qui crée la présomption de lucrativité
interdisant justement le recours au bénévolat,
et donc le recours à des artistes amateurs...
La question a, de plus, été sensiblement modifiée
par le nouvel article L.120-3 du code du travail issu de
la loi du 1er août 2003. En effet, du fait de cette
dernière disposition, si un groupement dartiste
amateur sous forme associative est immatriculé à
lURSSAF en qualité demployeur, il ne
sera pas possible de requalifier en contrat de travail le
contrat conclu entre ce groupement et lorganisateur
de spectacle ; sauf à prouver que les artistes
sont dans un lien de subordination permanente à légard
du donneur douvrage. Néanmoins, dans le cas
où la manifestation utilise des moyens professionnels
et a recours à la publicité, et que le spectacle
peut être considéré comme étant
à but lucratif au sens du code du travail, les artistes amateurs
seront en mesure dexiger lapplication de la
présomption de salariat de larticle L. 762-1
du code du travail. Ils devront être déclarés
et payés en salaire. Il ne sera possible de nexclure
ce statut que si lassociation na ni bureau,
ni conseil dadministration et que chacun des membres
de lassociation puisse être considéré
comme co-gérant, ce qui est exceptionnel en pratique.On
le voit, la définition du spectacle amateur nest
pas dune grande limpidité et les pouvoirs publics
qui sont les premiers à favoriser le recours au travail
dissimulé en incitant les artistes à se structurer
en association, ne sont pas étrangers à cette
situation. Ce qui rend presque impossible pour les entreprises
dintervenir dans un cadre respectueux de la légalité
et tend à réserver la possibilité dagir
dans ce secteur aux seules personnes disposant des soutiens
politiques adéquats.
On comprend que le Président de la République
confonde le Palais de lÉlysée avec une
agence artistique. La culture française est, en effet,
en France une affaire publique et la plupart de nos hommes
politiques considèrent quil est de leur devoir
dintervenir dans le domaine artistique.
(1) Q AN 22 novembre 2005 p. 10826.
(2) Et non du 13 août 1945 ainsi
que lindique la réponse du ministre !
Droit
de reproduction à usage commercial et professionnel
réservé.
Droit de reprographie aux fins de vente, de location, de
publicité et de promotion réservés
(Loi du 3 janvier 1995)
© Nodula 2005
|