| Chaque 
                      mois, nous sélectionnons un article que nous mettons 
                      en ligne.Cet article a été publié au numéro 
                      149 du mois de décembre 2005.
 
 Il est issu de notre rubrique de sélection de questions 
                      écrites posées par les parlementaires (députés 
                      et sénateurs), et de la réponse que le ministre 
                      y a apporté, suivi de notre commentaire, dans lequel 
                      nous complétons, critiquons ou commentons le sujet.
 
 Question  M. Alain Bocquet réattire 
                      lattention de M. le ministre de la culture et de la 
                      communication sur les conséquences dune délibération 
                      du Conseil dÉtat qui fait entrer les entreprises 
                      culturelles dans le champ des activités concurrentielles 
                      et les soumet, dans leurs relations avec les collectivités 
                      locales, aux règles applicables aux activités 
                      de service. En réponse à sa précédente 
                      question écrite dénonçant cette marchandisation 
                      accélérée de la culture, le ministère 
                      sen tenait à prendre acte de la décision 
                      du Conseil dÉtat du 23 février 2005 
                      et promettait, dans le même temps, de veiller  
                      à ce que la spécificité des prestations 
                      culturelles continue dêtre prise en compte . 
                      Il lui demande quelles dispositions et décisions 
                      ont été prises depuis février 2005, 
                      dans cet objectif, sachant la gravité des conséquences 
                      qui sattachent à cette affaire, pour lactivité 
                      et lemploi culturels déjà fragilisés 
                      par la situation globale de notre pays et les difficultés 
                      des Français.
 
 Réponse. (1)- Lhonorable 
                      parlementaire a appelé lattention du ministre 
                      de la culture et de la communication sur les dispositions 
                      prises par le Gouvernement, après lannulation 
                      par le Conseil dÉtat, le 23 février 
                      2005, de lalinéa 1 de larticle 30 du 
                      code des marchés publics (CMP). Le Gouvernement a 
                      adopté le 24 août 2005 un décret (n° 
                      2005-1008 ; Journal officiel n» 197 du 25 août 
                      2005), qui modifie principalement les modalités de 
                      passation applicables aux marchés publics de services 
                      relevant de larticle 30 du CMP. Pour ces marchés, 
                      dès lors que le montant estimé atteint 4 000 
                      euros (HT), les principes de publicité et de mise 
                      en concurrence sont la règle, selon des modalités 
                      quil revient à la personne publique de déterminer, 
                      en fonction de lobjet et des caractéristiques 
                      du marché. Le décret mentionne (alinéa 
                      3 de larticle 30 du CMP) lhypothèse où 
                      les caractéristiques du marché permettraient 
                      de déroger à cette règle. Cette éventualité 
                      fait notamment référence aux  marchés 
                      qui ne peuvent être confiés quà 
                      un prestataire déterminé pour des raisons 
                      techniques, artistiques ou tenant à la protection 
                      de droits dexclusivité , conformément 
                      à larticle 35-III-4 du CMP. Même si la 
                      jurisprudence administrative est dans ce domaine restrictive, 
                      cette disposition montre que les spécificités 
                      culturelles sont bien prises en compte par le Gouvernement.
 
 Commentaire : Le moins que lon 
                      puisse dire, cest que le ministre ne se mouille pas 
                      et connaît la pratique de la langue de bois. Tout 
                      dabord, ce nest pas le Conseil dÉtat 
                      qui décide si le spectacle et la majorité 
                      des activités de production culturelle relèvent 
                      ou nondu domaine commercial, cest le code de commerce, 
                      promulgué en 1807 par Napoléon Ier qui a considéré 
                      dès lorigine que les entreprises de spectacles 
                      publics étaient des entreprises commerciales. Et 
                      Napoléon ne semble pas être rentré dans 
                      lhistoire comme un pourfendeur des arts.
 
 En effet, que faut-il défendre, la soumission actuelle 
                      des secteurs du spectacle au politique qui depuis 50 ans 
                      a déstabilisé le marché afin de le 
                      rendre totalement dépendant des subventions et a 
                      transformé la majorité des acteurs du secteur 
                      en mendiants ? ou une réintroduction des règles 
                      du marché qui permettent à chacun de se développer 
                      dans le cadre du respect de la règle de droit ? En 
                      effet, quant on parle de marchandisation de la culture en 
                      essayant de rendre ce terme péjoratif, il est nécessaire 
                      de demander une précision sur ce que lon préfère. 
                      Effectivement, cest un élu qui critique cette 
                      marchandisation. Un élu qui préfère 
                      linstrumentalisation politique qui lui permet de lintégrer 
                      dans sa politique clientéliste et dans la paupérisation 
                      actuelle de la culture française qui en est le corollaire.
 
 Considérer que les secteurs de la création 
                      artistique ne doivent pas échapper aux règles 
                      de mise en concurrence et de transparence doit simplement 
                      rappeler aux collectivités locales et aux entreprises 
                      publiques, qui sont elles aussi tenues de respecter le code 
                      des marchés publics en leur qualité dadjudicataire, 
                      que lÉtat et les collectivités locales 
                      nont pas vocation à gérer les aspects 
                      commerciaux de la culture à la place des acteurs 
                      culturels indépendants,quils nont pas 
                      dabvantage vocation à faire des spectacles 
                      à la place des producteurs, mais doivent en revanche 
                      donner aux professionnels les conditions dexercer.
 
 Or, ainsi que la récemment rappelé Madame 
                      Catherine TRAUTMANN, ancienne ministre de la culture dans 
                      une interview au magazine  Société 
                      Civile , le ministère de la culture se 
                      désintéresse totalement de la question juridique. 
                      En effet, établir des règles juridiques claires, 
                      donner des droits que les gens peuvent comprendre et intégrer, 
                      cest permettre aux créateurs et producteurs 
                      de se développer et dévoluer dans un 
                      environnement sécurisé. Cela atténue 
                      dautant le pouvoir du politique et des agents publics 
                      qui tirent leur puissance de linsécurité 
                      organisée et de la situation de dépendance 
                      vis-à-vis de la subvention quils sévertuent 
                      à entretenir.
 De la même manière que lÉtat et 
                      les collectivités territoriales doivent faire des 
                      routes, et établir des normes de sécurité 
                      et de construction pour les véhicules, ils nont 
                      pas à produire et vendre des voitures ou de lessence, 
                      ou alors cela donne les Traban dAllemagne de lEst. 
                      Ils doivent faire en sorte que les professionnels du spectacle 
                      aient les infrastructures et les moyens juridiques et économiques 
                      pour se développer sans simmiscer dans le contenu 
                      artistique, hormis dans le secteur relevant de la sauvegarde 
                      du patrimoine, et qui concerne également le spectacle.
 
 En effet, linterprétation que donne le Conseil 
                      dÉtat lorsquil parle des marchés 
                      ne pouvant être confiés quà un 
                      prestataire déterminé en considération 
                      de données notamment artistiques, permet à 
                      titre dexemple à une collectivité publique 
                      de ne confier laménagement dun bâtiment 
                      quà un architecte agréé par le 
                      précédent architecte qui détient des 
                      prérogatives dauteur lui permettant dinterdire 
                      certaines modifications, ou à une collectivité 
                      qui désire faire une manifestation commémorant 
                      tel ou tel créateur et présenter ses uvres 
                      de nengager que les producteurs titulaires des droits 
                      sur ces uvres.
 
 En revanche, une collectivité qui organise une saison 
                      de spectacles doit établir un cahier des charges 
                      et faire un appel doffre. Rien ne lui empêche 
                      détablir dans son cahier des charges de façon 
                      précise le type de spectacles quelle souhaite 
                      accueillir et les publics quelle entend viser, mais 
                      elle doit en principe faire une mise en concurrence et ne 
                      pas choisir elle même chacun des producteurs.
 (1) QAN 25 octobre 2005 p. 9972.
 Droit de reproduction à usage commercial et professionnel 
                      réservé.
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