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Cet article a été publié au numéro
148 d'octobre 2005
Le sport est également souvent un spectacle
(1). Le problème est quil est réglementé
par des dispositions fort différentes sur le plan
social. En effet, lartiste bénéficie
dune présomption de salariat, ce qui exclut
de façon presque systématique le bénévolat,
alors que le sportif nest considéré
comme un salarié que lorsquil travaille dans
un cadre professionnel, cadre étroitement réglementé.
Il est donc tentant pour des artistes et pour lUrssaf
dessayer détendre la notion dartiste
à un certain nombre de sportifs afin de pouvoir
invoquer les dispositions du code du travail et du code
de la sécurité sociale (2).
Les employeurs doivent quant à eux clairement
intégrer la frontière afin dutiliser
les contrats et le traitement social adapté.
Les quelques arrêts rendus ces derniers temps sur
cette question permettent aujourdhui dy voir
plus clair. Il savère quil est impossible
de donner une réponse systématique, mais
plutôt de distinguer entre deux hypothèses
principales : celle où le sportif intervient
lors dune compétition, et celle où
le sportif intervient au cours dune exhibition.
Reste à différencier les deux hypothèses,
ce qui nest pas toujours facile.
La jurisprudence semble considérer que dès
lors que les sportifs participent à une compétition,
celle-ci ne peut être considérée comme
un spectacle et ces derniers ne peuvent être assimilés
à des artistes sur le plan du droit social. En
revanche, une exhibition peut être considérée
comme un spectacle, et les sportifs y participant seront
alors assimilés à des artistes du spectacle.
Les affaires qui suivent illustrent cette distinction.
Dans un arrêt récent, la Cour dappel
de Rennes (3) a refusé de
qualifier de spectacles des régates auxquelles
avaient participé des sportifs dans le cadre dun
championnat du monde, résumant clairement la jurisprudence
présentée plus haut.
Pour que la présomption de contrat de travail puisse
sappliquer ainsi que le bénéfice de
laffiliation obligatoire aux assurances sociales
du régime général, il faut selon
la cour que les skippers prestataires de service en cause,
accomplissent des prestations sapparentant davantage
à des exhibitions quà des compétitions
et qui consistent principalement à se produire.
En somme, il faut que les prestations visées se
rapprochent plus ou moins de la notion de spectacle.
Cet arrêt est à rapprocher dun arrêt
de la cour de cassation (4) précédemment
commenté dans ces colonnes (5)
qui avait au contraire admis que des boxeurs puissent
être assujettis au régime général
de la sécurité sociale.
Les boxeurs, qui nétaient
pas inscrits au registre du commerce, participaient bien
à lorganisation dexhibitions, notion
incluant en lespèce celle de performance ;
quau vu de ces constatations dont résultait lorganisation de spectacles au sens de larticle
L. 311-3.15 du code de la sécurité sociale,
la cour dappel a décidé à bon
droit que les boxeurs intéressés devaient
être assujettis au régime général
de la sécurité sociale .
Dans une autre affaire, la cour de cassation sest
prononcée en ces termes (6) : Mais attendu que, par motifs propres et adoptés,
la cour dappel a dabord relevé que
M. Hubert Auriol fournissait à la société
Elf France, qui nétait pas une entreprise
de spectacle, des prestations différentes de celles
quassure un artiste du spectacle en vue de sa production ;
quelle a ensuite retenu que lintéressé
ne recevait aucune directive de la société
et participait, à ses risques et périls
et dans son intérêt personnel, à des
compétitions qui nétaient pas organisées
par la société Elf France et a ainsi exclu
lexistence dun lien de subordination ;
Quelle a pu, dès lors, en déduire
que les relations entre les parties, nentrant dans
les prévisions ni de larticle L.311-3.15
du code de la sécurité sociale ni de larticle
L. 311-2 du même code, lintéressé
ne relevait pas, au titre de son activité en faveur
de la société Elf France, du régime
général de la sécurité sociale ;
que le moyen nest donc pas fondé .
On le voit, cest la qualification de spectacle qui
conditionne dans chacun de ces cas le bénéfice
ou non des textes précités. Mais quest-ce
quun spectacle, au sens juridique ? Comment
distinguer la compétition publique de lexhibition
qui a, selon la jurisprudence, la nature de spectacle ?
Notons enfin que le lien de subordination entre lartiste
sportif et son employeur nest pas une condition
dacquisition du statut de salarié sur le
fondement des dispositions relatives aux artistes du spectacle.
En effet, larticle L. 762-1 du code du travail auquel
fait référence larticle 311-3.15°
du code de la sécurité sociale précise
que la présomption de salariat des artistes nest
pas détruite par le fait que lartiste conserve
la liberté dexpression de son art.
Si le sportif peut revendiquer le statut dartiste
du spectacle, Il ne sera possible de contrer cette présomption
quen rapportant la preuve que la participation du
sportif a lieu à ses risques et périls et
dans son intérêt personnel et que cela implique
son inscription au registre du commerce.
Bien entendu, le fait détablir un lien de
subordination entre lartiste sportif et lentreprise
de spectacle qui lengage pour une exhibition confortera
la qualité de salarié.
Les conséquences de la
qualification dartiste du spectacle
Rappelons que selon les articles L. 762-1 et suivants
du code du travail, tout contrat par lequel une personne
physique ou morale sassure, moyennant rémunération,
le concours dun artiste du spectacle en vue de sa
production, est présumé être un contrat
de travail dès lors que cet artiste nexerce
pas lactivité, objet de ce contrat dans des
conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
La qualification dartiste du spectacle ouvre également
le droit à relever du régime général
de la sécurité sociale. On voit donc toute
limportance de la qualification juridique dartiste
du spectacle pour accéder aux règles protectrices
de ce texte.
La question du doit de retransmission
et du droit à limage des artistes sportifs
Le droit du sport pose un certain nombre de règles
relatives au régime du droit à limage
des sportifs, ainsi quaux droits de retransmission.
Ainsi, la loi du 16 juillet 1984 qui prévoit que
le droit dexploitation des manifestations
et compétitions sportives appartient à lorganisateur
de lévénement (7).
Il en découle que lorganisateur dune
manifestation sportive est propriétaire des droits
dexploitation de limage de cette manifestation,
même concernant la diffusion de clichés photographiques (8). Il sagit donc dune
véritable dérogation au droit commun attribuant
à toute personne un droit sur son image, sur le
fondement de larticle 9 du code civil.
Or, lorsque des sportifs se voient reconnaître le
statut dartiste du spectacle, quen est-il
du régime applicable ? Doit-on considérer
que le doit spécial du sport et toujours applicable,
ou au contraire que les droits voisins des artistes du
spectacle sappliquent alors au sportif ?, ce
qui nest en tout état de cause possible que
si lartiste sportif interprète une uvre,
ce qui sera rarement le cas dune démonstration
sportive exhibition.
En labsence de jurisprudence, il est cependant permis
de penser que de la même manière quun
mannequin qui participe à une uvre audiovisuelle,
peut être regardé comme un artiste au sens
du Code de la propriété intellectuelle,
et disposer éventuellement de droits voisins, le
sportif qui participe à une exhibition, sous réserve
quil interprète ou exécute une uvre
(par exemple une mise en scène ou une chorégraphie)
pourrait aussi bénéficier des dispositions
de larticle L. 212-1 du code de la propriété
intellectuelle.
Roland
LIENHARDT
Avocat
au barreau de Paris
(1) Dailleurs limpôt
sur les spectacles prévu à larticle
1559 du code général des impôts ne
concerne que les spectacles sportifs.
(2) Larticle L. 762-1 du code
du travail concerne la présomption de salariat
des artistes du spectacle ; quant au code de la sécurité
sociale, larticle L. 311-3.15 prévoit
que sont affiliés au régime général
de la sécurité sociale les artistes
du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues
applicables les dispositions des articles L. 762-1 et
suivants, L. 763-1 et L. 763-2 du code du travail .
(3) CA Rennes, 5 janvier 2005, n°
05/2005.
(4) Cass. Soc. 6 mars 2003, n°
01-21.323 ; Dalloz 2003, n° 31 p. 2109, note
Jean-Pierre Karaquillo.
(5) Voir la Lettre de Nodula n°
122, mai 2003 : Les exhibitions sportives
relèvent de la réglementation du spectacle
au plan social .
(6) Cass. Soc. 22 juillet 1993, n°
91-14.464.
(7) Loi n° 84-610 du 16 juillet
1984, relative à lorganisation et à
la promotion des activités physiques et sportives,
article 18-1.
(8) Cass. Com. 17 mars 2004, n°
02-12/771.
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