Chaque mois, nous sélectionnons un article que
nous mettons en ligne
Cet article a été publié au numéro
144 de Mai 2005 dans la rubrique "Les réponses des
ministres aux questions des parlementaires". Nous opérons
une sélection de ces questions au journal officiel
et en réalisons un commentaire lorsque cela se
justifie.
Question. - M. Jean Bardet appelle lattention
de M. le ministre de léconomie, des finances
et de lindustrie sur la concurrence déloyale
subie par des sociétés au bénéfice
dassociations dans le domaine des loisirs, et plus
particulièrement dorganisation de soirées.
Les associations loi 1901 sont à lorigine
des associations à but non lucratif et peuvent
certes organiser des manifestations conviviales mais seulement
dans la mesure où les activités non lucratives
restent significativement prépondérantes.
Or, il semblerait que certaines associations organisent
des soirées toutes les semaines, participent à
des forums, exposent dans des salons, et fassent de la
publicité tout au long de l'année. Elles
entrent ainsi en concurrence avec des sociétés
qui ont la même activité mais qui, elles,
paient des charges et sont soumises à la TVA. La
loi stipule toutefois que dès lors que la gestion
d'une association ne satisfait pas aux conditions fixées
par la loi, elle est assujettie à lensemble
des impôts commerciaux selon les règles propres
à chacun deux. Il lui demande de bien vouloir
lui préciser les moyens dont il dispose pour faire
respecter la loi, et sil entend exercer un contrôle
plus rigoureux concernant cette activité.
Réponse. (1) -
Le régime dexonération fiscale institué
par le législateur en faveur des associations "
loi 1901 " sapplique aux organismes agissant
sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée.
Lorsque les associations exercent leur activité
dans des conditions qui relèvent du secteur économique
concurrentiel, elles sont soumises aux mêmes obligations
que les entreprises et doivent notamment acquitter les
impôts commerciaux, de manière à garantir
le respect du principe dégalité. Les
conditions dappréciation du caractère
lucratif de lactivité ont d'ailleurs été
clarifiées dans une instruction parue le 15 septembre
1998 au Bulletin officiel des impôts sous la référence
BOI 4 H-5-98. Ladministration fiscale sassure,
à loccasion des contrôles fiscaux effectués
sur place ou du bureau, que les modalités dexercice
de leur activité par ces associations respectent
les conditions dexonération et, dans le cas
contraire, en tire naturellement toutes les conséquences.
Enfin, dune manière générale,
ladministration fiscale intervient en contrôle
sur lensemble des secteurs dactivité,
y compris bien entendu sur celui qui fait lobjet
de la préoccupation exprimée.
Commentaire. - Effectivement, ladministration
fiscale considère que ces associations sont à
but lucratifs et les assimile à des entreprises
commerciales. Cependant, cela nempêche pas
ces entreprises de continuer à exercer sous une
forme juridique souvent inappropriée et qui relève
parfois de qualifications pénales. Surtout, cela
permet lexistence dun secteur économique
qui aura les plus grandes difficultés à
se développer sereinement, puisquen cas de
contentieux, ces associations se voient de fait limiter
leur accès à la justice (2),
sans même parler des problèmes en cas de
désaccord entre les associés ou en cas de
décès de lanimateur (3).
Il serait peut-être sein que les pouvoirs publics
cessent dinciter les gens à créer
des associations en indiquant que les subventions sont
réservées à ces seules structures
(ce qui est faux), ou en proposant des tarifications réservées
aux associations, ce qui est le plus souvent illégal
puisque seul le critère de non-lucrativité
est un critère objectif, et quil est totalement
distinct de la notion dassociation selon la loi
de 1901.
De plus, il ne sera pas possible de régler sereinement
la question du chômage dans les secteurs du spectacle
sans opérer une réelle clarification du
recours à lassociation selon la loi de 1901,
qui est souvent utilisée dans le but de salarier
lanimateur et de lui permettre daccéder
au chômage.
Il nest pas certain que les salariés du régime
général seraient autant solidaires des artistes
et techniciens dits " intermittents ",
et si tant est quils laient jamais été,
sils savaient que nombre dentre eux sont en
réalité des patrons.
Il convient en effet de rappeler que la loi du 1er juillet
1901 contient un article 3 qui énonce que "
toute association fondée sur une cause ou en vue
dun objet illicite, contraire aux lois, (
)
est nulle et de nul effet ". Larticle 7
de la loi de 1901 énonce ensuite que " en
cas de nullité prévue à larticle
3, la dissolution de lassociation est prononcée
par le tribunal de grande instance, soit à la requête
de tout intéressé, soit à la diligence
du ministère public " .
Ladministration fiscale, en présence dassociations
dont lobjet social est manifestement de contourner
la réglementation du commerce et de la concurrence,
de la fonction publique, de la comptabilité publique
ou qui tout simplement ne respectent pas les dispositions
de larticle 1 de la loi de 1901, lequel indique
que " lassociation est la convention par
laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun
dune façon permanente leurs connaissances
ou leur activité dans un but autre que de partager
des bénéfices ", devrait transmettre
le dossier au procureur de la République, qui après
enquête pourrait saisir le tribunal dune demande de
dissolution. En effet, la plupart des associations créées
pour contourner la loi, et elles sont fort nombreuses,
sont composées de prêtes nom qui ne mettent
strictement rien en commun, ou qui ont uniquement pour
but de partager le bénéfice de lassociation
en se rémunérant de façon directe
ou indirecte.
Il nest nul besoin de légiférer, il
faudrait juste un peu de volonté politique afin
que les associations réelles ne soient pas exclues
des aides publiques au bénéfice dentreprises
aux projets fort éloignés de la logique
associative.
Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris
(1) QAN 3 mai 2005 p. 4599.
(2) Le risque de voir remis en question
la légalité intrinsèque de la structure
freinera toute démarche judiciaire.
(3) Il nest en principe pas
possible de partager le patrimoine dune association
entre les associés, ni de transmettre le patrimoine
à ses héritiers
Droit de reproduction à usage
commercial et professionnel réservé.
Droit de reprographie aux fins de vente, de location,
de publicité et de promotion réservés
(Loi du 3 janvier 1995)
© Nodula 2005